Le père Matthieu Rougé, curé de Saint-Ferdinand-des-Ternes à Paris et ancien responsable du service pastoral d'études politiques, déclare au Figarovox :
"Pour tous va retentir l'annonce du prophète Isaïe: «le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande Lumière». Avant d'être «déchristianisée», notre «société occidentale» demeure profondément marquée par ses racines bibliques et chrétiennes. En dépit de toutes les tentatives, dérisoires en fait, d'effacer le caractère propre de Noël, chacun s'apprête à célébrer – fût-ce sur un mode trop commercial – les enfants, la famille, la solidarité: autant d'expressions, atténuées certes mais bien réelles, du mystère de Noël. Par ailleurs, l'homme occidental, aussi sécularisé soit-il, demeure marqué par des questions essentielles sur la vie, l'amour, la mort, particulièrement vives en notre temps: c'est à la rencontre de ces questions cruciales que s'avance la lumière de Noël.
Et dans le reste du monde?
Le monde entier célèbre Noël, c'est un événement en soi. La naissance d'un enfant, il y a plus de deux mille ans, dans une petite bourgade de la Palestine occupée par les Romains, dans une étable, fédère plus que jamais l'esprit de fête, de solidarité et de paix du monde entier. Les chrétiens de toutes confessions vont chanter dans toutes les langues de la terre les cantiques traditionnels de Noël, qui constituent en fait les véritables «tubes» de la culture même contemporaine. En Chine comme dans certains pays du Golfe, beaucoup de non-chrétiens célèbreront Noël, de façon allusive bien-sûr mais significative tout de même. Cette universalité de Noël dit quelque chose, pour les chrétiens, de l'universalité du salut proposé par le Christ et, pour tous, de l'espérance de paix qu'il offre au monde.
Que penser de la polémique suscitée par le vade-mecum de l'association de l'Association des maires de France qui estimait en novembre dernier que «la présence de crèches de Noël dans l'enceinte des mairies [n'était] pas compatible avec la laïcité»? On a l'impression que ce débat revient chaque année…
Il y a une dizaine d'années, on s'en était pris aux sapins de Noël. Mais certains esprits éclairés ayant expliqué qu'ils constituaient la rémanence de cultes druidiques, ils avaient perdu en quelques jours leur caractère attentatoire à la République! Comme si le culte druidique, en tant que culte, était moins contraire à la laïcité que le culte chrétien… Beaucoup de responsables publics semblent en fait ne pas concevoir d'autre réponse à l'islamisme violent que le renforcement d'un anti catholicisme primaire. C'est pour le moins une erreur d'appréciation sur notre culture et sur le cœur de l'homme. Dans l'espace public, les crèches disent sur un mode accessible à tous, et qui n'est pas immédiatement confessionnel, la beauté de la vie et de l'accueil, réalités salutaires dans un temps de violence et d'exclusion. Dans le «vademecum» de l'AMF, il y a une recommandation encore plus choquante: la consigne stricte pour les élus de ne jamais manifester leur foi, par quelque geste que ce soit, dans le cadre public. En quoi la neutralité de l'Etat serait-elle remise en cause par le fait que certains élus soient sereinement et ouvertement croyants, à partir du moment où ils prennent soin de tous avec équité? Une telle idéologie antireligieuse est en réalité d'une grande violence. J'ai célébré en novembre les obsèques d'un jeune homme assassiné au Bataclan. Le jour de son enterrement, le maire local, catholique mais très attentif aux différentes communautés religieuses de sa commune, a participé à l'émotion et à la prière de tous avec ferveur et simplicité. Pendant que nous chantions le Notre Père de tout notre cœur, je me suis dit: «faut-il avoir l'esprit épais et le cœur sec pour penser qu'il y aurait là une atteinte à la juste laïcité». […]"