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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Le voilement des croix, une invitation pressante à la conversion

Le voilement des croix, une invitation pressante à la conversion

Les croix des églises et les images des saints sont traditionnellement voilées de violet pendant tout le temps de la Passion. Le sens de cette coutume, devenue facultative dans la réforme liturgique[1], s’est parfois perdu. Quelle est la signification de cette belle tradition, qui nous fait entrer, par la privation visuelle, dans la passion du Seigneur ? Explications de Claves :

[…] Cette tradition se rattache évidemment au culte antique de la croix, instrument du salut, mais aussi à la vénération du Christ lui-même, qui, à partir du Ve siècle, est fréquemment représenté en croix.

La foi dans le triomphe du Christ dans la Rédemption conduit aussi les artisans à produire des croix d’ornementation splendide. Durant les semaines qui précèdent immédiatement le Vendredi saint, avec leur liturgie si théâtrale, le voilement de ces croix somptueuses serait alors signe de l’abaissement du Christ.

Mettre l’accent sur l’évènement central du Vendredi Saint

De façon plus convaincante, certains auteurs insistent sur la pédagogie liturgique. En masquant la croix durant le temps de la Passion, pour la dévoiler solennellement le Vendredi saint, l’Église invite les fidèles à se représenter que le salut tout entier découle du supplice du Calvaire. Pour cette raison aussi, le voilement des statues et tableaux met en scène ce moment où le Christ n’a pas encore ouvert les portes du Ciel.

Cette disposition est sans doute à rapprocher du transfert des fêtes solennelles du temps de la Passion à celui de la Résurrection. La date de Pâques étant mobile, il se peut par exemple que la fête de l’Annonciation intervienne en ces semaines. Elle est alors transférée après Pâques.

À la cérémonie du Vendredi saint, les fidèles viennent adorer la croix que le prêtre a dévoilée – au sens étymologique où, après la génuflexion, ils baisent le pied du crucifix, en hommage royal au Christ qui rétabli l’ordre divin des choses en mourant sur le bois qui est aussi l’instrument de son règne. […]

Le voilement de croix est une méditation en acte sur le mystère de la foi et de l’infidélité. Dans la mort du Calvaire se manifeste la sagesse de Dieu, auquel les esprits incrédules ou révoltés sont imperméables, jusqu’à détester de haine mortelle l’amour divin fait homme. Le voilement des croix évoque la nécessité de convertir le regard d’homme en regard surnaturel, et met théâtralement en scène que le rétablissement de l’ordre du cosmos ébranlé par le péché consiste à faire toutes choses nouvelles, par l’octroi d’une vie nouvelle qui coule du côté du Christ.

Le renouvellement annuel de ces cérémonies, rappelle aussi au chrétien qu’il marche en ce monde dans le temps de la foi, c’est-à-dire celui de la nuit et du mystère, ou plutôt de la pénombre, dans laquelle il faut marcher à la suite du Christ.

Or s’approcher du Christ nécessite de faire la vérité sur soi, c’est-à-dire d’accepter une lumière divine qui n’est pas évidente.

Conversion et compassion

En voilant sombrement les figures du Christ et des saints, l’Église s’associe à la peine du Christ dans les temps précédents la Passion. La liturgie prépare en fait depuis la dernière semaine du Carême la proclamation des passions de l’évangile par l’évocation de plus en plus pressante de l’isolement du Christ devant le mensonge et l’infidélité.

Le Christ qui se retire « tout seul sur la montagne » après la multiplication des pains (évangile du 4e dimanche de Carême), qui ne peut se fier à ceux qui confessent son nom, parce qu’il « sait ce qu’il y a dans l’homme » (évangile du lundi), qui est seul à connaître d’où il vient (évangiles du mardi et du mercredi), et que finalement l’incrédulité chasse à coup de pierres (évangile du 1er dimanche de la Passion), que l’on cherche et que l’on ne trouve pas (lundi de la Passion), etc.

Nous nous souvenons alors que, de notre cœur aussi, le Seigneur sait de quoi il est fait. Le voilement des croix, qui précède l’adoration du Vendredi saint, est donc une invitation pressante à la conversion.

Il nous rappelle que sur la croix le Christ était seul, pour porter chacun d’entre les pécheurs. Pour cette raison, le voilement des croix est en même temps une exhortation à la compassion, à pleurer avec le Christ qui a pleuré seul sur la vanité, la légèreté et la corruption silencieuse de Jérusalem, qui a pleuré seul sur nos péchés.

Le sacrifice du Calvaire, acte rédempteur

Le voilement simultané des croix et des statues et autres images de saints, qui quant à elles ne seront dévoilées qu’à la Résurrection, à l’issue de la vigile pascale, rappelle aussi que sans le sacrifice du Christ, nulle vie sainte n’est possible, ni en ce monde ni dans l’autre. La mort du Calvaire est source de toutes les grâces.

Directement ou par prétérition, le voilement des croix au temps de la Passion constitue une illustration et un rappel de cette parole de l’apôtre saint Paul : « Je n’ai pas jugé, écrit ce dernier aux Corinthiens, que je dusse savoir parmi vous autre chose que Jésus, et Jésus crucifié. »

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