Dans une étude sur "l’influence de l’Iran au travers du chiisme", le chef d’escadron Thierry Dufour estime que :
"La particularité de la civilisation musulmane est qu’aucun Etat phare n’est assez fort pour véritablement jouer son rôle [pour faire l’unité derrière lui]. La Turquie, trop laïque et occidentalisée selon certains, ne saurait faire l’affaire. […] L’Iran non plus : une puissance perse ne peut en aucun cas fédérer une civilisation comprenant une majorité de pays arabes. Cette identité perse est au cœur de la difficulté iranienne à jouer pleinement son rôle de fédérateur du monde chiite. Frédéric Tellier évoque «l’ethnocentrisme, voir le racisme qui oppose arabes et persans». Les mots sont forts et expriment bien l’aversion qui caractérise parfois les relations entre ces deux populations. Ce sentiment ambivalent apparut clairement lors de la guerre avec l’Irak qui s’est précisément déroulée dans les zones à peuplement chiite. Dans leur grande majorité, les populations chiites irakiennes sont restées fidèles à leur pays. La guerre s’est conclue, au moins sur le plan intérieur, par une victoire de l’idée baasiste d’intégration des communautés dans un Etat fort, au nom du nationalisme arabe. Les chiites du Sud de l’Irak ont décidé de faire passer leur arabité avant leur religion. S’ils «se sentaient solidaires de la religion de leurs ennemis, ils voyaient avant tout en eux des Iraniens, c’est-à-dire des ennemis traditionnels du monde arabe». Cette attitude est également observée chez les chiites des pays du Golfe chez qui le dilemme d’identité est tout aussi fort. Sont-ils avant tout des chiites, donc destinés à se tourner vers la nouvelle patrie du chiisme qu’entend incarner l’Iran des ayatollahs ? Ou sont-ils avant tout des Arabes pratiquant une forme différente d’Islam ? Le succès de la politique chiite de Téhéran dépend de la réponse qu’apporteront les chiites du Golfe."
En conclusion, l’auteur affirme ainsi que :
"L’Iran a bien conscience de ses limites : c’est bien pourquoi il fait montre d’une énergie décuplée pour tenter d’obtenir une arme nucléaire qui lui permette de s’affirmer plus encore. Comme le fait remarquer Bruno Tertrais, une telle arme «serait un moyen de dissuasion et serait peut–être davantage une bombe perse qu’une bombe islamique». La bombe d’un pays véritablement isolé sur la scène internationale."