D'Olivier Bault sur Réinformation.tv :
"Une bombe thermobarique à l’origine de la catastrophe de Smolensk du 10 avril 2010 qui a coûté la vie au président polonais Lech Kaczyński ? C’est ce qui ressort des résultats des travaux de la nouvelle commission d’enquête sur cette tragédie constituée en mars 2016 par le gouvernement conservateur (PiS) de Beata Szydło. Une tragédie où la Pologne avait perdu non seulement son président et la première dame, mais aussi 88 autres personnalités qui l’accompagnaient pour commémorer le massacre de Katyn de 1940. Des députés et sénateurs de tous les principaux groupes politiques, des représentants du gouvernement, le dernier président polonais en exil, des représentants des associations des familles des victimes de la tuerie stalinienne de 1940, des représentants du clergé, mais aussi tout le haut commandement militaire polonais constitué – et c’était encore une nouveauté à l’époque – d’officiers qui n’avaient pas été formés à Moscou sous le régime communiste. La thèse de l’attentat présentée désormais comme une quasi-certitude par cette commission n’a pas vraiment surpris grand monde en Pologne, puisque la composition de l’actuelle commission dépendant du ministre de la Défense Antoni Macierewicz ressemble fort à celle de la commission d’enquête parlementaire créée dès 2010 par le PiS et dirigée par le même Macierewicz. On retrouvait aussi une grande partie des membres de ces deux commissions aux colloques scientifiques annuels consacrés à la catastrophe de Smolensk, où la thèse de l’attentat était déjà très présente.
L’éventualité d’un attentat à l’étude depuis le début, mais avec des moyens limités
Cela fait déjà plusieurs années que ces scientifiques et spécialistes de différents domaines pointent du doigt la probabilité d’explosions à bord du Tupolev gouvernemental affrété le 10 avril 2010 pour la délégation du président Lech Kaczyński. La différence aujourd’hui, ce sont essentiellement les moyens dont dispose la commission d’enquête et qui lui ont permis de conduire plusieurs expériences pour vérifier ses thèses, et aussi l’accès aux corps – ou ce qu’il en reste –, puisque depuis décembre dernier le parquet polonais procède à l’exhumation et à l’autopsie de tous les corps qui n’ont pas été incinérés, ce qui a permis au passage de porter à 8 (selon un bilan encore provisoire) le nombre de corps dont on sait avec certitude qu’ils ne se trouvaient pas dans la bonne tombe.
Car aussi étrange que cela puisse paraître, les médecins légistes polonais n’avaient pas participé aux autopsies réalisées en avril 2010 à Moscou. Les Russes avaient obtenu l’accord du chef du parquet militaire polonais, le général Parulski, pour réaliser seuls les autopsies. Ensuite, les corps des victimes ont été rapatriés dans des cercueils plombés avec interdiction formelle faite aux familles de les ouvrir. Une interdiction qui avait, selon le gouvernement de Donald Tusk de l’époque, été demandée par les Russes, même si ceux-ci nient aujourd’hui ce fait.
Moscou refuse toujours de rendre à la Pologne l’épave de l’avion et les boîtes noires 7 ans après la catastrophe de Smolensk
L’obstacle majeur que rencontrent les enquêteurs polonais de la commission gouvernementale comme du Parquet, qui n’a toujours pas clos son enquête, c’est d’ailleurs l’absence d’accès directe aux éléments de preuve, et ce depuis le début. « Nous n’avons pas vérifié la thèse d’un attentat », avouait le 16 avril 2012 dans une interview radiophonique le colonel Edmund Klich, accrédité par les gouvernements polonais et russe pour coordonner la coopération entre la Russie et la Pologne dans le cadre de l’enquête officielle et chef de la commission polonaise d’enquête sur les accidents aériens jusqu’en janvier 2012.
Un Edmund Klich qui a aussi reconnu : « Parmi les experts [polonais] avec qui j’ai été à Smolensk, il y en a qui ont examiné l’épave, mais en réalité c’était plus une inspection visuelle que des investigations. » Aujourd’hui encore, la Russie refuse de restituer à la Pologne ce qui reste de l’épave du Tu-154 gouvernemental polonais ainsi que les boîtes noires. Ils ne les restitueront que lorsqu’ils auront clos leur enquête, ce qu’ils ne feront que lorsque les Polonais auront définitivement clos la leur. […]"