Dans un entretien au journal La Croix, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, qui arrive au terme de son deuxième mandat comme président de la Conférence des évêques de France estime que l’Eglise en France ne va :
"Pas si mal que ça. Elle se veut fidèle au Christ, annonçant l’Evangile face à un mouvement de sécularisation déjà ancien mais toujours actif en Occident qui affaiblit la relation des gens avec la foi et avec l’Eglise. […] En même temps, des chrétiens prennent en charge la vie ecclésiale, des hommes et des femmes redécouvrent le chemin de la foi, bien des fidèles s’investissent dans la formation chrétienne, etc. Ces signes invitent à l’espérance : le Christ est là, présent dans la barque de l’Église même si celle-ci paraît secouée…
Les craintes suscitées par le motu proprio sur la liturgie sont-elles apaisées ?
Il y en a eu beaucoup plus avant sa publication qu’après. […] J’ai senti, en échangeant avec le pape lui-même, qu’il considère cette question dans une perspective d’avenir, comptant sur un enrichissement possible entre ces deux formes, et absolument pas comme un retour au passé ! Le pape pense qu’une bonne part des catholiques attachés à la tradition peut entrer dans une dynamique de réconciliation. […] Nous avons fait le point en septembre entre archevêques. J’ai été frappé par la volonté de chaque diocèse de s’organiser pour répondre positivement aux demandes. Pour le moment, peu de demandes nous sont arrivées. Par contre, dans plusieurs diocèses en France, cette question a éveillé l’intérêt de prêtres et de fidèles pour redécouvrir les grandes intuitions du Concile qui ont mené à la réforme liturgique. […]
J’ai vécu depuis huit ans un changement de climat dans ces relations [avec l’Etat]. Avec le cardinal Billé, nous avons voulu renouer des relations plus régulières avec le président de la République et avec le premier ministre, à un moment où Jacques Chirac et Lionel Jospin convenaient tous deux que cela manquait. C’était l’époque du livre de René Rémond, Le Christianisme en accusation, et Lionel Jospin était impressionné de voir que les catholiques se sentaient mal à l’aise dans la société. Pour faire face à cette situation, il a proposé de mettre en place une instance de dialogue. […]
Notre discours sur les sujets de société […] est bien reçu quand il s’agit de doctrine sociale. Par contre, ce qui touche à l’embryon, à la famille ou au mariage, au croisement du privé et du social, a plus de mal à être entendu : on nous rétorque que l’opinion va dans l’autre sens ; on nous oppose le poids des sondages… Mais peut-on élaborer sur la base des seuls sondages une politique qui engage l’avenir ?
Comment expliquez-vous l’embarras de l’épiscopat, il y a un an, face au Téléthon ?
La question se reposera cette année. Malgré des différences entre nous, la plupart des évêques n’appelleront pas au boycottage. Cela ne nous empêche pas de manifester notre inquiétude en constatant qu’une partie des fonds récoltés va à certaines recherches que nous désapprouvons. Le Téléthon n’est pas seul en cause : la Conférence épiscopale s’exprimera certainement sur le sujet lors de la prochaine révision des lois de bioéthique."