De Cyril Farret d’Astiès sur L’Homme Nouveau :
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C’est bien toute la démarche synodale sur la synodalité qui, par son processus lui-même, est une machine à mettre en œuvre une Église plastique, compatible avec la modernité, c’est-à-dire sans contenu (1). Et cette démarche synodale trouve sa source, puise son inspiration et sa légitimité dans le concile Vatican II.
Au-delà des questions d’herméneutique et de mise en œuvre du concile dont le pape a probablement conscience qu’il en est l’ultime garant (ne serait-ce que par le fait qu’il est le dernier pape contemporain du grand événement), il s’agit en réalité d’y puiser la caution du processus. Écoutons deux acteurs importants du concile nous préciser cette idée. Le père Gy, à propos de la liturgie (2) : « La constitution sur la liturgie n’a pas fixé un équilibre, mais a créé un mouvement. »
Et le père Bernard Besret (OSB) dans une note (3) rédigée pour monseigneur Huyghe :
« Le Concile n’est ni la fin du monde, ni la fin de la vie dans l’Église. Il est une étape. À dépasser comme toutes les étapes. Il ne faut donc pas se figer dans les textes élaborés, sous peine de retomber dans une attitude identique à celle de l’avant-Concile, à savoir une attitude de repli, de sécurité, qui a justement nécessité la remise en question de tout par le Concile. L’Église est un corps vivant. Surtout qu’on ne la momifie pas dans les textes du Concile. C’est précisément pour éviter ce processus de momification que le pape a créé vos commissions : afin que l’Église ait non seulement des textes, mais encore des organes vivants d’interprétation et donc d’évolution. »
La question fondamentale est donc la question du rapport à la modernité et, davantage encore aujourd’hui, à la post-modernité qui est le règne du désir et du sentiment. Est-il possible, comme nous y invite avec insistance le pape François de rejoindre la modernité et de faire chemin ensemble ? La modernité n’est-elle pas de nature si areligieuse que vouloir la rejoindre serait courir vers une noyade assurée ?
Robert-Hugh Benson montre qu’il n’y a pas d’alternative : c’est l’apostasie ou le martyre. Mais c’est un roman. D’autres ont mis en garde contre la nature de la modernité qui ne s’est pas construite sans Dieu mais bien contre Lui.
Bernanos écrivait (4) : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »
Thibaud Collin pour sa part estimait récemment que (5) « la postmodernité n’est pas un simple paganisme. Elle est foncièrement postchrétienne, c’est-à-dire qu’elle prétend avoir digéré les valeurs chrétiennes et en être l’aboutissement. Dès lors, vouloir annoncer l’Évangile en l’inculturant à un tel monde ne peut que l’altérer ».
Et l’abbé Barthe remarquait (6) : « le fait est que la civilisation moderne s’est largement édifiée contre l’Église et le christianisme : on ne doit pas confondre les civilisations antérieures à la mission chrétienne et une civilisation d’un type nouveau, largement spécifiée par l’apostasie. »
Faut-il aller chercher une caution définitive dans les Écritures ? Nous pourrions citer par exemple saint Jean : « moi, (le monde) me hait, parce que je rends de lui le témoignage que ses œuvres sont mauvaises. » Mais les Évangiles parlent du monde en soi, pas spécifiquement du monde moderne même si ces mots prennent un relief encore plus vif à nos oreilles. Ailleurs saint Jean rapporte cette autre parole de Notre-Seigneur : « je suis venu non pour juger le monde, mais pour sauver le monde. » Loin de nous donc l’idée de nous enfermer dans nos sacristies pour nous regarder le nombril en attendant la fin du monde. Nous aussi nous avons l’angoisse de la mission et de l’annonce à l’homme moderne.
Mais nous considérons que cet homme moderne est toujours le même homme. Si la modernité en tant que société est radicalement neuve avec sa technique, son étatisme, son relativisme obligatoire, son contractualisme, son artificialité, l’inversion totale et systématique du bien (pourchassé) et du mal (valorisé), l’homme, au fond, quant à lui, a toujours les mêmes aspirations au bonheur, la même tache originelle qui le pousse à faire le mal qu’il ne veut pas et à ne pas faire le bien qu’il veut.
Et que faut-il offrir à l’homme du XXIesiècle comme à ses devanciers des IIeou XIVe siècles sinon la splendeur de la Vérité ? Splendeur de l’Écriture sainte, qui parle avec une constante fraîcheur et poésie ; splendeur de la charité qui ne passe pas ; splendeur du dogme qui nous ouvre à la contemplation des mystères de notre foi ; splendeur de la liturgie qui déploie le culte que nous devons à Dieu et qui nous désaltère. […]