De Denis Sureau, dans l'Homme Nouveau à paraître demain, à propos de son ouvrage Pour une nouvelle théologie politique :
"Toute théologie (chrétienne) est politique dans la mesure où le christianisme n’est pas un corps de croyances seulement destiné à la discussion intellectuelle abstraite, mais un mode de vie qui incarne ces croyances, et les relations sociales en sont une composante importante. Toute théologie implique donc une vision implicite ou explicite de l’organisation des communautés humaines. Cependant, affirmer que toute théologie est politique ne revient pas à réduire la foi aux questions politiques ni à nier la dimension transcendante et spirituelle du christianisme. […]
Trop souvent, les chrétiens sont sommés de penser la politique à partir de notions telles que l’État de droit, la souveraineté, la société civile, la démocratie représentative ou les droits de l’homme, quitte à procéder dans un second temps à des rectifications et compléments afin de les rendre comestibles. Or ces notions ne sont pas neutres : ce sont les fondements de la politique moderne, élaborés contre le christianisme afin de le marginaliser puis de l’éradiquer. Pour en sortir, c’est à partir de « lieux » proprement théologiques (nature et grâce, Trinité, création, christologie, Esprit Saint, Église…) que nous pouvons correctement analyser et comprendre notre monde."
Extraits de la préface :
"Au terme de l’évolution occidentale, la « religion » n’est plus une forme authentique (sinon éminente) de connaissance du réel mais seulement le domaine purement privé et subjectif du sentiment et de la préférence personnelle. Et l’Église n’est plus perçue comme Corps du Christ, Peuple de Dieu, sacrement de l’unité de l’humanité, mais comme un regroupement – parmi beaucoup d’autres – d’individus partageant certaines croyances (au demeurant de plus en plus floues) et certaines valeurs successivement énoncées sur le mode kantien de la morale de l’obligation puis sur le mode relativiste de l’éthique personnelle. Le sécularisme envahit les pratiques internes de l’Église, son gouvernement comme sa liturgie […].
La nouvelle théologie politique ne prétend pas sauver le monde. […] il y a toujours une interaction entre la théorie et les pratiques (politiques, économiques, familiales, éducatives, artistiques, culturelles). Les pratiques incarnent la théorie mais peuvent aussi la créer ou la modifier – la théorie servant aussi souvent à justifier, modifier ou créer des pratiques. […] Dans la société brisée par la sécularisation, subsistent des personnes, des familles, des paroisses, des écoles, des mouvements, des monastères qui vivent intensément l’amour de Dieu. Ils ont besoin de sortir de leur isolement et de retisser des liens ecclésiaux et, partant, sociaux. Comme l’écrivait Jean-Paul II, « Faire de l’Église la maison et l’école de la communion : tel est le grand défi qui se présente à nous dans le millénaire qui commence » (Novo millennio ineunte, 2001, n. 43). Être non un ghetto mais une vie commune, une véritable vie de famille, toujours ouverte à la vie et à la société. Dans cette communion de communautés, nous retrouvons la Tradition chrétienne dans toute sa richesse, avec toutes ses couleurs, avec des différences vues comme les bijoux d’un trésor. […] La politique chrétienne est la politique de la communauté chrétienne. Et c’est en puisant dans ses ressources spirituelles, théologiques, liturgiques et canoniques que l’Église redevient dans la cité des hommes un véritable corps social alternatif, le Corps du Christ, authentique communauté de vertu et de salut intégral (Cavanaugh), signe pour les nations, nation faite pour toutes les nations."
Bernard de Midelt
L’auteur écrit : “La politique chrétienne est la politique de la communauté chrétienne.” Autrement dit : nous pouvons faire de la politique dans l’Etat sans l’Etat ?!? Chouette, je vais, de ce pas, expliquer la chose à mon percepteur. Espérons qu’il aura lu Denis Sureau…
Pierre
Pendant des siècles, en pays de chrétienté, la communauté chrétienne était la société civile et cela même en régime de laïcité. Mais la société civile, toujours en pays chrétien, continue d’émerger en refoulant le christianisme dans l’ordre du privé, en quoi nous l’avons souvent aidé. Le temps ne vient-il pas en nos pays chrétiens et particulièrement catholiques, où de plus en plus, cette émergence et cette émancipation qui se veut absolue du temporel à l’égard du religieux obligera la communauté chrétienne à se faire plus explicitement lumière sur la montagne?