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L'Eglise : Le Vatican

L’Eglise n’est pas contre le marché

contrairement à ce que pensent certains (pourquoi ne pas écrire plutôt 'l'Eglise contre la société du profit' ?). Ainsi, le Cardinal Bertone, lors d'une rencontre au Sénat de la République italienne, a commenté ainsi la dernière encyclique :

B "parler de marché signifie parler de concurrence, dans le sens où il ne peut y avoir de marché là où il n'y a pas de pratique de la concurrence (même si le contraire n'est pas vrai). Et personne ne met en doute que la fécondité de la concurrence réside en ce que celle-ci implique la tension, la dialectique qui présuppose la présence d'un autre et la relation avec un autre. Sans tension, il n'y a pas de mouvement, mais – c'est là toute la question – le mouvement que la tension engendre peut également être mortifère, c'est-à-dire conduire à la mort.

Lorsque le but de l'action économique n'est pas la tension vers un objectif commun – comme l'étymon latin cum-petere laisserait clairement entendre – mais la théorie d'Hobbes mors tua, vita mea, le lien social est réduit à la relation mercantile et l'activité économique tend à devenir inhumaine et donc, en ultime analyse, inefficace. C'est pourquoi, même dans la concurrence, la "doctrine sociale de l'Eglise estime que des relations authentiquement humaines, d'amitié et de socialité, de solidarité et de réciprocité, peuvent également être vécues même au sein de l'activité économique et pas seulement en dehors d'elle ou "après" elle. La sphère économique n'est, par nature, ni éthiquement neutre, ni inhumaine et antisociale. Elle appartient à l'activité de l'homme et, justement parce qu'humaine, elle doit être structurée et organisée institutionnellement de façon éthique" (n. 36).

Or, le bénéfice, certainement important, que Caritas in veritate nous offre, est celui de prendre véritablement en considération la conception du marché, typique de la tradition de pensée de l'économie civile, selon laquelle on peut vivre l'expérience de la socialité humaine au sein d'une vie économique normale, et non pas en dehors ou à côté de celle-ci. C'est une conception que l'on pourrait qualifier d'alternative, aussi bien par rapport à celle qui considère le marché comme lieu de l'exploitation et de la domination du fort sur le faible, ou par rapport à celle qui, dans le sillage de la pensée anarco-libérale, le considère comme un lieu en mesure d'apporter des solutions à tous les problèmes de la société.

Cette façon de mener une entreprise se différencie de l'économie de tradition smithienne, qui considère le marché comme l'unique institution véritablement nécessaire pour la démocratie et pour la liberté. La doctrine sociale de l'Eglise nous rappelle en revanche qu'une bonne société est certes le fruit du marché et de la liberté, mais qu'il existe des exigences, découlant du principe de fraternité, qui ne peuvent être éludées, ni renvoyées à la seule sphère privée ou à la philanthropie. Elle propose plutôt un humanisme à plusieurs dimensions, dans lequel le marché n'est pas combattu ou "contrôlé", mais est considéré comme un moment important de la sphère publique – sphère qui est beaucoup plus vaste que celle qui relève de l'Etat – et qui, s'il est conçu et vécu comme lieu ouvert également aux principes de réciprocité et du don, peut édifier une saine coexistence civile."

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11 commentaires

  1. Ce serait bien que cesse cette ridicule guéguerre entre Plunkett et vous. […]
    [Il n’y a pas de guéguerre, on veut un débat d’idées. Depuis trop longtemps les catholiques ne débattent plus. La disputatio est pourtant constitutive de la réflexion. MJ]

  2. On joue sur les mots. L’Eglise est pour l’économie de marché mais elle est contre la société de marché. De quoi réconcilier Plunkett et le Salon beige.

  3. Pour qu’il y ait disputatio, il faut qu’il y ait une réelle différence, voire une opposition (contrariété ou contradiction) entre les propositions. Or, la proposition “l’Eglise est contre la société de marché” n’est logiquement ni contraire ni contradictoire avec la proposition “l’Eglise est pour le marché” (pour faire vite).
    [Moi je vois une différence (pour faire vite). MJ]

  4. Voilà deux siècles que l’on tente, nous catholiques, de baptiser les créations de la Révolution. Quand on voit comme cela nous a réussi avec la démocratie, on se demande l’utilité d’en faire autant au capitalisme, d’autant plus que les papes du XIX°s. avaient des idées nettes sur la question…
    Combien faudra-t-il encore d’apostasies pratiques pour que nous revenions à nos fondamentaux?
    [De quoi parlez-vous ? La Révolution a détruit les corps intermédiaires, elle n’a pas inventé le capitalisme, qui existe depuis bien longtemps. MJ]

  5. Je partage l’avis de Sébastien et Guillaume :
    “société de marché” et “économie de marché” ne veulent pas dire la même chose.
    Ce que fustige Mr de Plunkett sur son blog, c’est le fait que nos sociétés sont aujourd’hui régies par l’argent. Aucun catholique ne peut s’en accomoder. Un catholique peut en revanche penser que c’est faux, que l’argent n’est pas notre veau d’or actuel. Ce n’est pas une hérésie, mais c’est de la myopie.
    Quant au débat entre catholiques dont vous parlez, il me semble qu’il a lieu, et notamment parfois sur son blog.

  6. A Michel Janva,
    Mon poste était un peu trop vague, veuillez m’en excuser.
    Je voulais simplement dire que, depuis l’avènement de la modernité (qui ne s’est pas fait au même moment partout), un nombre certain de catholiques essaient de se mettre à sa remorque, en adoptant d’avance toutes nouveautés, avec l’espoir de les christianiser.
    Cela crève les yeux en politique, j’insiste assez souvent là-dessus pour en reparler ici.
    Dans le domaine économique, en France, le capitalisme s’installe seulement à partir de 1789. Aujourd’hui, nous en sommes à la “globalisation”. Mais les hommes ont-ils changés? A-t-on à ce point réussi les échelons local et national qu’on passe au supra-national?
    Donc, au lieu d’une nouvelle fuite en avant dans le sens indiqué par les ennemis de Dieu, nous ferions bien de retenir les leçons des catholiques sociaux, et de comprendre ENFIN que c’est l’INSTITUTION politique qui est la clé de toute la société chrétienne.
    […]
    [C’est toujours trop vague : en quoi le capitalisme s’installe seulement à partir de 1789 en France ? Qu’est-ce que le capitalisme pour vous ? En quoi le marché serait mauvais ? MJ]

  7. Le capitalisme, né littéralement du protestantisme et du libéralisme, s’est installé en France par le changement de législation: c’est la Révolution qui pose en France les jalons de la révolution industrielle. Auparavant, il ne s’agissait que de timides expériences incomplètes, précisément à cause des fondements chrétiens de la société en général, et de l’économie en particulier.
    Le “marché” tend à ôter aux travailleurs (patrons et ouvriers) le contrôle de leur propre travail, en coupant le lien entre les producteurs et le fruit de leur labeur, lequel devient un objet de spéculation; s’il était un instrument du bien commun, on l’aurait su!?
    Pour plus de développement, je vous renvoie à La Tour du Pin et aux catholiques sociaux, au Que-sais-je ? sur le capitalisme, ainsi qu’aux liens suivants:
    […]
    En conclusion, il est vain de penser régler l’économie:
    -en dehors d’un véritable esprit chrétien
    -en dehors de l’institution politique légitime, laquelle ne peut être que le fruit de l’expérience, et pas d’une chimère à saveur chrétienne.
    [Mais pourquoi mélanger systématiquement libéralisme, capitalisme, profit et marché ? C’est lassant. Le marché n’est n’est pas un mal en soi et il a toujours existé depuis au moins les Phéniciens. Définissez les termes plutôt que de parler en creux et de nous renvoyer systématiquement des liens. Ce n’est pas un salon de publicité ici. MJ]

  8. Prenez la société SAINT GOBAIN
    Avec un si beau nom, fondée en 1665 par Colbert, elle est toujours là

  9. @Sébastien
    Sauf qu’un marché non contrôlé et totalement libre conduit mécaniquement à une société de marché.

  10. “Mais pourquoi mélanger systématiquement libéralisme, capitalisme, profit et marché ? C’est lassant.”
    Parce qu’il est logique de relier les effets aux causes. Comme par hasard, le capitalisme s’est développé en Hollande au XVII°s., et en Angleterre au XVIII°s., et, toujours par hasard, le libéralisme a été défini à la même époque par des penseurs protestants.
    De plus, pas plus que la démocratie, on n’a vu le marché contribuer au bien commun dans les derniers siècles..
    [C’est faux et dans CA, Jean-Paul II écrit “L’Eglise reconnaît le rôle pertinent du profit comme indicateur du bon fonctionnement de l’entreprise.”
    et plus loin :
    “les mécanismes du marché présentent des avantages solides : entre autres, ils aident à mieux utiliser les ressources ; ils favorisent les échanges de produits ; et, surtout, ils placent au centre la volonté et les préférences de la personne, qui, dans un contrat, rencontrent celles d’une autre personne. Toutefois, ils comportent le risque d’une « idolâtrie » du marché qui ignore l’existence des biens qui, par leur nature, ne sont et ne peuvent être de simples marchandises.”
    MJ]
    “Le marché n’est n’est pas un mal en soi et il a toujours existé depuis au moins les Phéniciens.”
    Je ne dis pas le contraire, mais aujourd’hui, le marché ne se conçoit que dans le cadre d’une mondialisation libérale, notre cadre de vie en somme…
    [Pourquoi cette restriction fataliste ? MJ]
    Donc, il importe avant tout de se dégager de toute implication anti-chrétienne pour notre approche de la question. Cela passe par l’enseignement des catholiques sociaux.
    “Définissez les termes plutôt que de parler en creux et de nous renvoyer systématiquement des liens. Ce n’est pas un salon de publicité ici.”
    C’est pour ne pas allonger ma prose que je donne des liens, vers des textes écrits par plus compétent que moi. Je n’ai jamais cru que le SB fût un mur d’affichage, mais j’aime à croire, du moins, qu’on y a le souci de la vérité et de l’objectivité.
    [Les commentaires sont ouverts pour un complément d’information, pas pour renvoyer systématiquement vers un site. MJ]

  11. [Libres à vous de contredire le Pape, mais pas ici. MJ]

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