"Le discours du Saint Père pour le 50ème anniversaire de l’institution du Synode des Evêques, quoique non officiellement traduit dans les autres langues, a déjà fait l’objet de nombreux commentaires, surtout dans un climat de vives discussions synodales où la question de l’autonomie des conférences épiscopales revient souvent. Pour les tenants de cette ligne, le Pape vient les conforter dans leur position. Pour ceux qui craignent un émiettement ecclésial, c’est la perplexité. Le Pape serait-il en train de donner les conclusions du Synode avant la fin des travaux ? […] Devant les cris de victoire des uns, les interrogations des autres, et les lueurs d’espoir d’autres encore, les simples fidèles du Christ, vivant dans un coin perdu de l’Afrique, se demandent bien ce qui se passe. Ils veulent mieux comprendre les enjeux actuels de l’Eglise en synode. Que met le Pape dans cette synodalité ? Y aurait-il des risques pour l’unité de l’Eglise Catholique ?
Comme souvent, dans ce genre de discussions, il y a toujours ceux qui comprennent mieux et vite plus que quiconque les intentions du Pape. On se rappelle le fameux tweet lancé par le Père Spadaro après l’intervention du Pape dans la salle synodale le 06 octobre, avant que des jours après la presse ne publie une lettre attribuée à un groupe de treize cardinaux et qui aurait été adressée au Pape sur l’instrumentum laboris, la nouvelle méthodologie du synode et le groupe du Rapport final. Le même Père Spadaro a fait, dans une interview sur Radio Vatican, une déclaration que les simples fidèles voudraient bien comprendre. Il affirme, au sujet du discours du Pape, ce qui suit :
« Fondamentalement, ce que nous sommes en train de vivre, ce n’est pas seulement un synode, qui a débuté en 2013 avec le fameux questionnaire, puis a passé la première étape synodale et maintenant nous vivons la seconde. Mais cela aboutira au Jubilé de la Miséricorde, et ça ne finira pas là… Il faut comprendre que nous vivons un processus ecclésial de grande ampleur. Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait des moments de fatigue, des blocages, des difficultés et des tensions… Mais il y a aussi la joie de construire l’histoire ensemble ». (Padre Spadaro: al Sinodo è in gioco il rapporto tra la Chiesa e il mondo)
[…] La synodalité comme dimension constitutive de l’Eglise, à laquelle le Saint-Père nous renvoie, en en précisant les niveaux depuis les Eglises particulières (Synode diocésain), en passant par les Provinces et Régions ecclésiastiques, les Conciles particuliers et de manière spéciale les Conférences Episcopales, jusqu’au niveau de l’Eglise universelle, est, comme le Pape lui-même le souligne, « un concept facile à exprimer en parole, mais pas aussi facile à mettre en pratique ». L’illustration la plus évidente de cette difficulté est ce que nous vivons actuellement avec le Synode sur la Famille. […]
Les grandes divergences qui sont observées dans les débats du Synode pourraient permettre à l’ensemble du collège épiscopal, et plus spécialement au collège cardinalice, d’aider l’Evêque de Rome qui se comprend lui-même comme « un baptisé parmi les baptisés et un évêque parmi les évêques, et qui est appelé en même temps à guider l’Eglise de Rome qui préside dans l’amour toutes les Eglises », à préciser clairement dans un esprit collégial les domaines qui peuvent être laissés au discernement des Eglises particulières. Il ne nous semble pas – et cet avis est partagé par beaucoup de fidèles du Christ qui sont en profonde communion avec le successeur de Pierre – qu’une question doctrinale grave comme celle du lien entre les sacrements, et cette autre question anthropologique tout aussi grave que celle de la nature de l’humain sorti des mains de Dieu (homme et femme, il les créa) soient laissées au seul discernement des Eglises particulières. Il n’est pas possible de dire que la décentralisation réclamée ici soit uniquement pastorale, sans lien avec la doctrine et l’anthropologie théologique qui lui est attachée. Si un « processus ecclésial de grande ampleur » doit être mené ici, il ne pourrait se faire ni par le Magistère ordinaire – le Pape même refuse de jouer un tel rôle – ni même par des délégués des Conférences nationales ou régionales, mais par l’ensemble du collège épiscopal, à moins que tous les fidèles du Christ, depuis les évêques jusqu’au dernier fidèle, aient clairement énoncé – dans un consensus universel – que l’évangile nous autorise à donner la communion aux divorcés remariés civils et à unir sacramentellement les homosexuels, ou à reconnaître des valeurs positives dans ces états. Si le Christ n’a jamais réduit un pécheur à son péché – l’Eglise non plus –, il n’a jamais dit qu’il y a des « valeurs positives » dans des états de péché(cf. Relatio Synodi de la 3ème assemblée extraordinaire, Lineamenta et Instrumentum laboris de la XIVème assemblée ordinaire du Synode des Evêques). L’Eglise ne doit pas le dire non plus.
Le discours du Pape pour le 50ème anniversaire de l’institution du Synode des Evêques, loin de confirmer ceux qui rêvent d’un changement de doctrine sous couvert de créativité pastorale, ou d’exercice majeur de la miséricorde, loin de constituer un désaveu pour ceux qui se battent pour l’unité de la doctrine et pour l’unité de l’Eglise, appelle non seulement à une compréhension plus profonde de la papauté mais aussi de la place des Eglises particulières dans la communion ecclésiale et de la responsabilité de chaque fidèle du Christ, non seulement marqué de l’onction, mais aussi vivant de l’onction, devant le dépôt de la foi et de la Sainte Tradition de l’Eglise. […]