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Culture

Lena Situations et Frédéric Beigbeder : de la difficulté d’être jeune

Lena Situations et Frédéric Beigbeder : de la difficulté d’être jeune

Chronique du père Danziec dans Valeurs Actuelles :

Quelques jours après son 28ème anniversaire, Léna Mahfouf, alias Lena Situations, a reçu un cadeau auquel elle pouvait s’attendre de la part de Frédéric Beigbeder. L’homme de lettres et présentateur de l’émission Conversation chez Lapérouse sur Radio Classique, s’est en effet fendu d’une lettre ouverte dans Le Figaro après que l’influenceuse lui a dédié son dernier ouvrage Encore mieux (Lena Editions).

« Merci de me dédier Encore mieux, mais votre titre est mensonger. Après lecture, votre nouveau machin devrait s’intituler Aussi nul. » Ambiance. Il faut dire qu’en 2020, à l’occasion de la sortie de son premier livre Toujours Plus (Robert Lafont), Beigbeder n’avait pas manqué de qualifier l’ouvrage de « 147 pages de vide ». Une sentence mordante et sans ambage que les flingueurs du PAF n’auraient pas démentie aux grandes heures d’On n’est pas couché avec Zemmour et Naulleau.

On l’aura compris, Frédéric n’aime pas son époque. Ou du moins certains contours qu’elle prend. C’est son droit. Et il est très certain qu’il ne soit pas le seul. Dans un autre style, et sur d’autres sujets, Franz-Olivier Giesbert pointait du doigt, dans sa chronique hebdomadaire du Point, le culte périlleux du TTDS, “Tout Tout De Suite”.

Le temps long sacrifié sur l’autel de la com’, qui peut raisonnablement s’en réjouir ? Ce conflit générationnel, ne nous y trompons pas, n’est pas seulement celui de la sempiternelle incompréhension entre les jeunes blancs-becs et les vieux fourneaux chantés par Brassens, il est hélas – et la chose est bien plus regrettable – le fruit d’une politique culturelle. L’absence actuelle de transmission est le fruit du refus d’héritage de la génération 68. La rencontre si précieuse de la jeunesse avec le monde adulte a été, depuis trop longtemps, avortée. Expliquons-nous.

« Quand tout se passe de plain-pied, l’appétit des hauteurs finit par se niveler au degré zéro »

Dans sa préface à un recueil de textes intitulé et dédié À la jeunesse (Librio, 2016), François-Xavier Bellamy insistait sur le grand enjeu que constitue cette période de l’existence tout-à-fait particulière. Le passage si singulier entre les deux états que sont l’enfance et l’âge adulte signifie – et suppose – effectivement une rencontre. La jeunesse est censée correspondre à ce moment. Un lieu de fondation où se rencontrent et se succèdent deux tranches de vie. Chaque jeune advient au monde avec le regard encore neuf de l’enfant qu’il n’est plus, et la raison quasi formée de l’adulte qu’il n’est pas encore. « C’est là toute la difficulté de ce passage ; on ne le dit pas assez, en effet, il est difficile d’être jeune ».

Accompagné de cette analyse, le diagnostic devient éclatant : Dieu qu’il est redoutable d’être jeune en 2025 ! Quels sont les jeunes qui connaissent aujourd’hui le grand bonheur de se mettre à l’école d’un maître ? Depuis que les estrades ont été supprimées, les chaires à prêcher désertées, les disciples en puissance se trouvent toujours plus orphelins. Point ou peu de rencontres entre néophytes et hommes d’expérience, entre un jeune qui sait avoir tout à apprendre et un sage prêt à transmettre son savoir, dont il mesure, l’âge avançant, qu’il est bien peu de chose. On se souvient du mot fameux de Socrate : « La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien ». L’horizontalité a fini par éteindre la flamme de la transmission. Quand tout se passe de plain-pied, l’appétit des hauteurs finit par se niveler au degré zéro. Au lieu d’exigence et de transcendance, les sirènes de la postmodernité préfèrent pianoter sur la gamme d’un marketing digital abrutissant : fard, paillettes, miroirs, selfies, luxe, priorité à soi-même… La voilà la déclinaison des promesses d’une vie heureuse : bonjour tristesse.

Offrir de la transcendance à la jeunesse

Le mensonge n’est pas permis et on ne peut refuser de voir qu’une partie non négligeable de la jeunesse succombe au piège de cet esclavage volontaire. Il est urgent de sonner l’alerte car il en va de l’éducation de l’âme et du cœur. Comment prétendre devenir libre quand tout son être est assujetti aux diktats d’influenceurs dépourvus de cette sagesse qui faisait écouter nos anciens ? Frédéric Beigbeder n’est pas le seul à penser que l’on ment à la jeunesse, mais profitant de son aura médiatique et de son goût du sabre au clair pour user de sa plume incisive, il a le mérite de le dire haut et clair. Au risque de passer pour un vieux c** ? On peut supposer qu’il s’en moque tout à fait.

Gustave Thibon, dans une réflexion sur le sens de l’histoire, constatait que seul l’homme méditant sur sa destinée éternelle est en mesure de voir sa marche sur les chemins de la terre s’alléger. « L’homme qui cherche l’absolu et l’infini où ils se trouvent évite, dans le fini et le relatif, cette démesure qui est la source de son malheur ». Offrir de la transcendance à la jeunesse – et à nous-mêmes ! –, là où elle se trouve, est sans aucun doute le commencement du début d’une solution. Cela tombe bien, Noël pointant à l’horizon, il n’y aurait qu’à pousser la porte de la crèche de Bethléem. Et d’y entrer.

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