Dans le numéro de La Nef de janvier, Anne Coffinier revient sur les caractéristiques de l’enseignement sous contrat d’association avec l’Etat. Extraits :
[…] le contrat se passe entre le rectorat et chaque établissement (géré par un organisme de gestion pour les écoles catholiques). Le secrétariat général de l’Enseignement catholique n’est donc pas en situation d’imposer une ligne unique. C’est un point qui a été fermement voulu par les concepteurs de la loi Debré pour éviter la fragmentation de la France que décrit Sardou dans sa chanson « Les deux écoles ». Il s’agissait aussi de préserver les charismes éducatifs des différents réseaux d’écoles dans leur variété. Bref, Debré fit le choix du pluralisme et du rejet du centralisme technocratique. Enfin, le contrat se passant au niveau de l’établissement pour chaque classe et non pour l’établissement en bloc, il est fréquent que des écoles dites sous contrat comportent tout à la fois des classes sous contrat et des classes hors contrat. Preuve que la catholicité ne peut décidément pas résider dans le contrat, sauf à considérer qu’au sein du même établissement, on entre ou sorte de la catholicité en passant d’une classe à l’autre. Sans s’en rendre compte, tel le passe-muraille de Marcel Aymé à ses débuts.
On devrait plus sérieusement se demander s’il n’y aurait pas plus de différences entre les tenants des deux grandes conceptions du sous contrat qu’entre le sous contrat et le hors contrat. Je m’explique. Certains, tel Paul Malartre, ancien secrétaire général de l’Enseignement catholique (1999-2007), conçoivent l’Enseignement catholique comme une délégation de service public. Cela pose l’inconvénient de faire des écoles catholiques des substitutifs ou des exécutants de l’Éducation nationale supposés mettre en œuvre un cahier des charges unique déterminé unilatéralement par l’État. Inutile de préciser qu’en faisant ainsi procéder la légitimité de l’école catholique de son association contractuelle au service public, on prépare mécaniquement tous les alignements et sécularisations possibles. Cela conduit à une sorte d’unification du service public d’éducation à la manière de Savary. Pour d’autres, les écoles libres procèdent d’une délégation parentale et tirent leur légitimité du droit naturel des parents à éduquer leurs enfants. De plus, les catholiques pensent que l’Église est dépositaire d’un droit et même d’un devoir d’enseigner, qui la conduit donc à défendre devant l’État la liberté d’enseignement. Si bagarre il y a, c’est sans doute entre ces différentes compréhensions des fondements de la légitimité des écoles sous contrat.
Que reste-t-il de ce fameux « caractère propre » inscrit dans la loi Debré? La plupart du temps, il est réduit à la seule catholicité, qu’on cantonne de surcroît aux cours d’instruction religieuse ou aux activités extracurriculaires. Formidable régression par rapport aux libertés que le général de Gaulle et son Premier ministre Debré avaient su garantir en 1959, au prix de débats parlementaires tumultueux et de la démission du ministre de l’Éducation nationale, André Boulloche. Le caractère propre, c’est tout cet héritage indicible de foi, de culture, d’anthropologie qui donne corps à une culture catholique qui ne ressemble, par exemple, ni à la culture musulmane, ni à la culture athée. Ce caractère propre doit irriguer tout l’établissement privé, y compris son enseignement académique, bien que soumis au respect des programmes scolaires publics et de la liberté de conscience. Sans cela, les enfants évoluent dans une effrayante schizophrénie. […]