Le rationalisme instrumental, le système de penser selon lequel fonctionne la société, influence tout spécialement les penseurs et chercheurs dans les lieux consacrés à l’étude. C’est le cas des universités, où la raison instrumentale transformée en idéologie contamine des aspects vitaux de l’enseignement, notamment la médecine et l’économie. Le journal ABC cite l’exemple de professeurs de médecine qui abordent des sujets tels que l’avortement dans leurs aspects purement techniques, et non dans leurs finalités, et ne semblent pas prendre suffisamment de distance critique face à ces méthodes.
Par exemple, lors d’un examen de génétique, à la question « que conseilleriez-vous à une femme enceinte d’un enfant handicapé ? », la réponse valide était d’avorter. D’autres questions de ce type conduisent l’étudiant à répondre en faveur de l’avortement ou bien à échouer ses examens. Les médecins ont alors une vision de l’avortement purement instrumentale, en vue d’une fin qui demeure fonction de la subjectivité de chacun. La seule valeur morale est celle du désir ou du non désir de l’enfant. Qui peut alors s’étonner que notre société soit imprégnée d’égoïsme et d’injustice ?
En économie également l’idéologie du rationalisme apparaît de manière dévastatrice. De nombreuses plaintes de professeurs et d’élèves se rapportent à la pensée unique néoclassique. Le rétrécissement des programmes d’histoire dans la pensée économique est alarmant.
La conception économique actuelle est un domaine des sciences basé sur des postulats et des critères généralement déconnectés du réel. L’être humain est vu en termes si abstrait qu’il cesse d’être humain. On consacre une attention majeure à l’observance des marchés boursiers par exemple, bien que les moyens de spéculations et de prévisions de l’avenir demeurent limités. L’individualisme exacerbé et le bénéfice monétaire maximisé au détriment des autres, sont fruits de la conception néoclassique. Dans cette idéologie en vogue, on oublie la vocation fondamentale des entreprises : la réciprocité, la donation, la famille, bien que leur rôle soit décisif dans l’économie réelle.
Une société et sa structure politique ne peuvent fonctionner avec de tels postulats, et le redressement commence dans les lieux d’études. Pour redonner sens à l’enseignement universitaire devenu inadéquat, il faut reprendre la méthodologie de St Thomas d’Aquin dans sa Somme Théologique, qui propose d’autres formes de pensée et un point de vue plus réaliste et humaniste.
La situation, il faut le dire, offre une claire opportunité pour fonder un projet culturel chrétien dans la société ; la seule question est de choisir des armes adéquates, ce qui exige de sortir de nos tours d’ivoire d’une pensée riche mais déconnectée de son application pratique. Que doit être une université ouverte à tous ? Quelles doivent être ses orientations et ses pratiques ? Pour répondre, il serait très utile de se pencher sur les fondements posés par Aristote, St Thomas d’Aquin et MacIntyre, et de les rattacher à l’expérience.
Source (traduction : Le Salon Beige)