Suite à l’élection du nouveau Souverain Pontife, tous les pronostics sont ouverts et nombreux sont ceux qui s’évertuent à annoncer la couleur de ce prochain pontificat. N’y aurait-il pas pourtant autre chose à voir ou à dire ? Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :
A la mort du pape François, j’avais publié pour Valeurs Actuelles une chronique intitulée Le pape est mort, vive l’Eglise ! Quelques jours après l’élection du 267ème successeur de saint Pierre, je reprends à bon compte la formule pour le nouveau pontife, découvert le 8 mai dernier : « Léon XIV élu, vive l’Eglise ! »
Le jour de la fin de la seconde guerre mondiale, faut-il y voir un clin d’œil de la Providence suggérant que le nouveau pape apportera la paix à l’Eglise. Comme l’écrivait Laurent Dandrieu, « ramener la paix dans l’Eglise est la condition sine qua non pour que l’Eglise puisse la prêcher au monde ».
Oui, l’Eglise est singulière et divine. Elle est au-dessus du temps. Au-dessus de la faiblesse des hommes. Au-dessus de leurs éventuels calculs ou combinaisons d’appareils. Au-dessus de tel ou tel pape. Qui pourrait prétendre sauver l’Eglise, alors que c’est elle qui a la responsabilité, dans l’histoire du monde et des hommes, d’être le sel de la terre. Suprême, exigeante et noble mission que celle de donner du goût ! La mission de l’Eglise ? Faire entendre cette “bonne nouvelle” à tous les hommes, afin d’éclaircir le grand mystère de leur vie.
Une immense charge
Dès l’apparition du nouvel homme en blanc au balcon des bénédictions, place Saint-Pierre, les spéculations allaient bon train. Léon XIV serait-il le continuateur de François ? Le fossoyeur de la gouvernance du précédent pontificat ? De quel parti ce pape inattendu était-il le candidat ? Quels arrangements ou quelles alliances ont été articulés pour lui permettre de revêtir la soutane blanche ? Cette vision, politique et humaine, est évidemment trop tentante pour ne pas se laisser surprendre à y succomber. Et si bien entendu ces réalités d’appareils n’échappent pas aux sociétés composées d’hommes – qu’il s’agisse de l’Eglise elle-même – il n’empêche, l’on se perd en de telles conjectures. Il n’y a pas à se réjouir que Léon XIV soit un « pape synodal » ou qu’il ait pris un nom en continuité d’un pontife antérieur au concile Vatican II. Il y a, pour les baptisés, à recevoir ce successeur de Pierre et à prier pour lui. Immense charge en effet que de gouverner l’Eglise dans le contexte actuel de déséquilibres géopolitiques majeurs, d’une révolution numérique dont on ne perçoit pour le moment qu’une partie des bouleversements critiques qu’elle obère.
La force du silence
Pour le moment, trois gestes successifs laissent apparaître le début d’une physionomie pontificale. Premièrement, il est apparu au monde, le jour de son élection, à la fois ému et avec une certaine dignité verticale, vêtu de la mosette et de l’étole pétrinienne. En faisant prier la foule le Je vous salue Marie, en lisant un discours préparé, Léon XIV frappait sa première intervention du sceau du contrôle et de la prière. Deuxièmement, le lendemain de son élection, à l’occasion de sa première homélie publique, le pape rappelait combien le manque de foi entraîne souvent des drames et avertissait des dangers de l’athéisme de fait et des faux bonheurs qu’il promet « la technologie, l’argent, le succès, le pouvoir, le plaisir ». Troisièmement, hier samedi, Léon XIV retrouvait les cardinaux pour une séance à huis clos, sorte de discours de politique générale à l’aube de son pontificat. Auprès d’eux il insistait sur les vertus du silence et de la retenue : « Dieu aime se communiquer, plus que dans le fracas du tonnerre et des tremblements de terre, dans le murmure d’une brise légère, ou comme certains le traduisent, dans une voix subtile de silence. » Cette force du silence, le cardinal Sarah en avait fait un livre au succès retentissant.
Ces signaux faibles, il est possible de les noter, d’en dresser le constat. Pour le reste, bien malin celui qui sait ce qui se déroule dans le cœur et l’âme du pontife. Plutôt que de « parler à la place de », il est plus sage de se mettre à l’écoute de Léon XIV. Et de souhaiter de grand cœur un grand apaisement pour une Eglise dont la mission est bousculée en interne par la faiblesse de ses membres et au dehors par un monde vivant comme si Dieu n’existait pas. L’unité intérieure au service de la mission extérieure. A la grâce de Dieu.