Tout récemment, le pape Léon XIV a défendu avec force l’importance des valeurs familiales traditionnelles. Précieuse boussole pour un univers en crise. Analyse du père Danziec dans Valeurs Actuelles :
L’exercice était attendu. En prenant la parole pour prononcer un discours devant le corps diplomatique accrédité par le Saint-Siège, le pape Léon XIV n’ignorait pas que chacun de ses mots seraient pesés, scrutés, analysés. La salle Clémentine, en ce vendredi 16 mai 2025, prenait en effet des allures de salle d’opération. Que se cachait-il aux tréfonds de ce nouveau pape que peu avait vu venir ? L’auditoire s’impatientait de le découvrir.
Léon XIV ne s’est pas réfugié derrière son petit doigt. Lui, que nombre de journalistes ont présenté comme timide, oubliant un peu vite que la discrétion et la retenue n’en sont pas des synonymes, a rappelé ainsi les devoirs de l’Eglise sur les sociétés et l’univers international :
« L’Eglise ne peut jamais se soustraire à son devoir de dire la vérité sur l’homme et sur le monde, en recourant si nécessaire à un langage franc qui peut au début susciter une certaine incompréhension. Mais la vérité n’est jamais séparée de la charité qui, à la racine, a toujours le souci de la vie et du bien de tout homme et de toute femme. »
Revenir à la source : la famille est antérieure à toute société civile
Alors que depuis la mort de François, le Vatican se trouve placé sous les feux des projecteurs entre les funérailles du pape argentin et l’élection au trône de Pierre du cardinal Robert Francis Prevost, la basilique Saint-Pierre elle-même est devenue le lieu privilégié de rencontres et de dialogues entre grands de ce monde. Comment faire advenir la paix et mettre fin aux conflits qui sévissent tant à Gaza qu’en Ukraine ? La réponse de Léon XIV ne s’est pas faite attendre et la hauteur de vue de son analyse manifesta à la fois son refus d’une petitesse d’esprit comptable quant aux conflits armés actuels et cette clairvoyance sur le dessein de l’homme que l’Eglise catholique seule est en mesure d’offrir au monde et d’assumer sans trembler.
Le pape américain, on s’en souvient, a prononcé devant la foule, comme premières paroles, le jour de son élection : « Che la pace sia con tutti voi ! / Que la paix soit avec vous tous ! », reprenant à son compte les premières paroles du Christ ressuscité. Pour que cette paix advienne, Léon XIV a donc invité le corps diplomatique et tous ceux qui ont des responsabilités gouvernementales, c’est-à-dire au service du Bien Commun,
« de s’efforcer à construire des sociétés civiles harmonieuses et pacifiées. Cela peut être accompli avant tout en misant sur la famille fondée sur l’union stable entre un homme et une femme, “une société très petite sans doute, mais réelle et antérieure à toute société civile” ».
Bien entendu, les plus pressés s’arrêteront sur la formule « union stable entre un homme et une femme ». Ce rappel d’une loi naturelle, somme toute élémentaire, un certain Lionel Jospin la faisait déjà sienne sur le plateau du Grand Journal de Canal +. Nous étions un 9 novembre 2012, l’hémicycle à majorité socialiste présentait son projet de loi de mariage ouvert aux homosexuels. L’ancien Premier Ministre s’inquiétait de cette « nouvelle tentation bien-pensante », en rejetant l’expression “Mariage pour tous” et en exposant sa conviction intime :
« L’idée fondamentale est que l’humanité est structurée entre hommes et femmes ».
Des paroles du pontife romain, on l’aura compris, l’essentiel repose plutôt sur le « avant tout » qui précède et souligne le précieux rappel du socle familial qu’est « l’union stable entre un homme et une femme ». Vous voulez la paix ? demande le pape. Famille d’abord ! Miser sur cellule de base de la société, selon la vision traditionnelle de l’enseignement de l’Eglise. Voilà ce que Léon XIV a donc affirmé avec un divin toupet, devant des diplomates aguerris, le tout en s’appuyant notamment sur son prédécesseur et inspirateur Léon XIII.
Jean-Didier Lecaillon et le rôle irremplaçable de la cellule familiale
On connaît la terrible phrase d’André Gide « Familles, je vous hais ! », qui n’a vu dans l’écrin des foyers qu’une institution oppressive, conformiste et repliée sur elle-même. Et l’on comprend qu’avec de tels sentiments le prix Nobel de la littérature en 1947 l’ait eue en horreur. Cette vision de la famille de l’auteur des Nourritures terrestres se trouve cependant aux antipodes de la définition qu’en donne la doctrine sociale de l’Eglise. Selon l’enseignement catholique, la famille est caractérisée par « le don de soi réciproque de l’homme et de la femme », conçue comme « le milieu de vie dans lequel l’enfant peut naître et épanouir ses capacités », « fondée sur le mariage ».
Loin de la quête hédoniste d’individualisme promue par une société de consommation incapable d’élever l’humanité, le professeur émérite de l’université Paris-Panthéon-Assas, Jean-Didier Lecaillon, rappelait dans les colonnes de Valeurs Actuelles fin janvier, le rôle immense et irremplaçable des valeurs familiales, tant un plan social que sur un plan économique. La famille est en effet ce lieu privilégié de la reproduction nécessaire, de l’indispensable formation du capital humain et de la stabilité qui les assure. « Une cellule est l’unité première et dire qu’elle est la base de toute construction sociale, c’est reconnaître implicitement son existence naturelle, mais aussi nous prémunir d’une conception strictement individualiste. » écrit-il dans son récent ouvrage La famille au cœur de l’économie (Salvator)
Pour un pape dont les premières prises de parole cherchent à refaire l’unité interne de l’Eglise, on ne s’étonnera pas que l’unité première de la famille lui apparaisse comme une condition sine qua non à toute paix civile et le point de départ d’un apprentissage réussi d’une sociabilité féconde.