Annie Laurent répond au Monde des Religions. Extraits :
"Les chrétiens d’Orient n'ont pas attendu le conflit israélo-palestinien pour souffrir non seulement de l’islamisme mais également de l’islam. Le Proche-Orient était chrétien avant l’émergence de l’islam, qui n’est apparu qu’au VIIe siècle de notre ère. Mais l’évangélisation n’a su résister à l’islamisation, si bien que les musulmans sont vite devenus majoritaires sur ces terres originelles. Dès que le pouvoir musulman a instauré le statut de la dhimmitude – un traité de reddition (dimma) déterminant les droits et devoirs des non-musulmans -, les Juifs et les chrétiens ont été tolérés, mais dès lors assujettis. Victimes de mesures d'inégalités humiliantes, ils devaient verser un impôt pour jouir de la protection du pouvoir. Cette dhimmitude n’a été abolie qu’à la fin du XIXe siècle par l’Empire ottoman, sous la pression de la communauté européenne. Or, dans les faits, elle reste appliquée selon des conditions plus ou moins explicites et variables selon les pays.
En Egypte, chaque année, des centaines de coptes "se font" musulmans par exemple. Si la dhimmitude ne se pratique pas en Iraq, le chaos laissé béant depuis la chute de Saddam Hussein creuse tout autant les inégalités. La nouvelle constitution prévoie que l'unique source du droit soit la charia. Par conséquent, les chrétiens ne fuient pas seulement terrifiés par les attentats, mais aussi parce que cette nouvelle décision juridique et politique leur est défavorable. Si on ne coupe pas la main des voleurs pour punir un délit de délinquance, les sanctions, les intimidations, les persécutions existent au quotidien. […]
On prête à certains le projet périlleux de faire éclater l’Iraq en Etats confessionnels ou ethniques. De cet Iraq mosaïque, un Etat sunnite et un Etat chiite pourraient naître. Afin de préparer cette renaissance étatique, les minorités marginales sont donc peu à peu évincées. Draguées au nord-est de Mossoul, dans la plaine de Ninive, tout est fait pour les parquer dans cette zone tampon, entre le Kurdistan et la région sunnite – les chiites se trouvant dans le sud et à Badgad. Si cette épuration est donc tout autant confessionnelle que géopolitique, elle est également encouragée économiquement. […]"
DvsR
Brillant, et très instructif.