L'Office chrétien des personnes handicapées s'indigne d'une récente proposition de loi. Témoignage de Charlotte S., 26 ans :
"Ce n’est pas visible. J’ai mes deux bras, mes deux jambes ; je ressemble à tout le monde, rien ne me distingue. Pourtant non, je ne suis pas comme tout le monde, je suis handicapée. Lorsque marcher plus de quelques mètres fait souffrir ; lorsque travailler plus d’une demi-heure épuise ; lorsque, malgré les capacités intellectuelles que l’on vous reconnaît, les études sont impossibles ; lorsque la porte du monde du travail se ferme à vous, on est handicapé. Nul besoin de fauteuil, nul besoin de béquilles pour être limité. Porteuse d’une maladie orpheline lourde de conséquences sur mon quotidien, je suis handicapée à 80%.
Voilà pourquoi, légitimement, je réagis à cette proposition de loi sur l’assistanat sexuel. Elle est désobligeante, cette proposition, humiliante et déshumanisante. Quel regard porte-t-on sur celui qui vit et affronte le handicap, lorsque l’on parle d’assistanat sexuel ? Elle n’est pas jolie, l’image que l’on lit dans le regard de celui qui nous juge impuissant à vivre notre sexualité et notre affectivité. Parler de misère affective à notre égard n’est pas recevable. C’est coller l’étiquette "d’incapables" sur notre carcasse déjà bien malmenée. Incapables d’aimer et de se faire aimer. Inaptes à séduire, attirer, plaire. C’est comme dire : "Laissez tomber, vous ne trouverez personne par vous-même".
Nous réduire à nos incapacités, qui sont en réalité des limites – il ne faut pas nier que nous en ayons (comme chacun, rappelons-le), c’est terriblement réducteur et destructeur comme vision. C’est nous refuser notre dignité. Loin d’être un moyen de rompre la solitude, dont souffrent certains, on encouragera les personnes à rester davantage dans leur coin et leur souffrance. On créera une dépendance du même genre que l’addiction à la pornographie. C’est tuer notre liberté.
Parce qu’on n’est pas comme tout le monde, la sexualité pour nous devrait être basée sur un contrat entre celui qui achète le ‘service’ et celui qui rend ‘le service’. Qui se satisferait de gaieté de cœur d’une sexualité de ‘seconde zone’ ? Est-il si difficile d’imaginer que, comme tout homme et toute femme, nous ayons un cœur prêt à aimer, à se donner et à recevoir gratuitement ? Et puis quoi, comme on donne la becquée à un enfant, on donnerait une satisfaction sexuelle à un handicapé !Légiférer sur la sexualité des handicapés, c’est créer une discrimination de plus. Notre handicap ne nous met-il pas suffisamment à part ? Sur quels critères accorder cette assistance ? Faudra-t-il répondre à un questionnaire ? Va-t-on créer une sous-catégorie d’handicapés, ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas ? N’oublions pas que la sexualité est du domaine intime et qu’il n’y a aucune raison d’émettre une loi à son endroit hormis pour les cas de déviance sexuelle (la pédophilie pour n’en citer qu’une). Le handicap n’en est pas une. Certains avancent comme argument que c’est une façon de permettre la découverte et l’apprivoisement de son corps. Bien sûr, lorsque son corps est diminué, il est plus dur de l’aimer ; mais bon sang ce n’est pas impossible. Il existe d’autres moyens. Et l’anorexique alors, il l’aime son corps ? On mettrait en œuvre des ateliers sexuels pour l’aider ?
Sans oublier tous les problèmes éthiques qui en découleront forcément. Que fera-t-on si une femme est enceinte suite à de telles pratiques ? On la forcera à l’avortement ? à ne pas demander au père d’aide pour l’éducation de l’enfant ? Qui assumera ? Si un homme s’attache affectivement à celle qui remplit cette prestation technique, qu’adviendra-t-il?"