Jeudi 7 mars paraissent deux ouvrages, L’Archipel français et Une contre-révolution catholique, qui évoquent la place et l’avenir du catholicisme français. La Croix a organisé un débat avec les deux auteurs, le sondeur Jérôme Fourquet et l’historien et sociologue Yann Raison du Cleuziou. Elle montre la montée en puissance d’un catholicisme qualifié de conservateur. Extraits :
Y. R. d. C. : Pour cette raison j’ai voulu travailler, non pas sur ceux qui partent mais sur ceux qui restent pour penser le devenir de l’Église. Je me suis concentré sur une portion très militante que j’appelle les catholiques observants, que nous pouvons qualifier de conservateurs. Ces derniers possèdent une capacité de perpétuation, de transmission de la foi, supérieure aux autres catholiques. En raison du contexte de déclin, ils deviennent donc, mécaniquement, de plus en plus visibles.
Car la fin de la matrice catholique ne signifie pas pour autant la fin du catholicisme ?
J. F. : Non, évidemment. Il demeure des catholiques en France. Les pratiquants du dimanche oscillent entre 2 à 6 % de la population. Lorsqu’on demande aux gens s’ils sont pratiquants, le chiffre grimpe autour de 10 %. Très minoritaires, les catholiques restent encore actifs et présents. Mais, ils ne constituent plus une force structurante de la société..
Y. R. d. C. : Paradoxalement, j’observe que malgré le déclin de la pratique, les catholiques sont revenus au centre du jeu politique. Avec La Manif pour tous ou François-Xavier Bellamy par exemple. Majoritaires, les catholiques géraient leur rente de situation assez passivement, minoritaires ils s’engagent et se structurent en un contre-pouvoir puissant.
Mais ces catholiques observants ne représentent pas tous les catholiques français ?
Y. R. d. C. : Bien sûr, ils ne représentent que 30 % des pratiquants hebdomadaires mais possèdent des ressources militantes que n’ont pas les autres catholiques. Depuis les années 1970, ces observants ont pratiqué une sécession à l’égard, non pas de l’Église, mais des institutions diocésaines, en reprenant le contrôle de la transmission de la foi à leurs enfants pour les faire échapper à la pastorale post-conciliaire qu’ils estimaient faible.
J. F. : Ils se sont en effet beaucoup appuyés sur l’institution de la famille pour transmettre. Il existe un parallèle évident entre les phénomènes que décrit Yann Raison du Cleuziou et l’analyse que nous avons effectuée sur les prénoms dits « BCBG ». Ce choix de prénoms demeure résiduel – 4 % des nouveau-nées filles. Mais, il est intéressant de constater que le regain date du début des années 1980, au moment où ces familles prennent conscience qu’elles doivent, plus que jamais, investir la sphère familiale car l’influence du catholicisme au niveau de la société devient trop faible à leurs yeux. Le développement des écoles hors contrat participe du même phénomène. […]
Y. R. d. C. : Je pense que les catholiques ne seront jamais une minorité comme une autre. Ils disposent de ressources patrimoniales, organisationnelles qui leur donnent un atout incomparable. Parmi les catholiques observants, je constate aussi que tous ceux qui ont prôné le retrait de la société ont systématiquement été mis en minorité. Ce sont toujours les courants qui cherchent à reconquérir qui l’emportent. La Manif pour tous, oui, c’est un échec. Mais tout le redéploiement militant qui a suivi en investissant la politique ou la culture aura des effets de long terme. Et ça, c’est déjà un succès. Les catholiques conservateurs ne se désintéressent pas de la société. Au contraire, ils s’y sur-investissent afin d’échapper à un destin de minorité dominée. […]