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Pays : Etats-Unis

Les conséquences de l’élection de Trump chez nous

Les conséquences de l’élection de Trump chez nous

Nous avons interrogé Jean-Frédéric Poisson, ancien député, Président de VIA – Parti Chrétien démocrate et administrateur du Mouvement européen des partis chrétiens, à propos de l’élection de Trump et de ses conséquences pour nous:

Si on en croit vos déclarations de la semaine dernière, l’élection de Donald Trump aux États-Unis vous a réjoui ?

Oui. je dois avouer que voir les têtes déconfites, pour ne pas dire endeuillées, d’un nombre considérable de commentateurs politiques sur les chaînes françaises, m’a réjoui pour la journée ! La vie est faite de joies simples : j’ai assez largement profité de celle-là.

L’ampleur du succès de Trump a surpris tout le monde, même ses partisans…

J’ai suivi l’élection toute la nuit sur la chaîne américaine CNN, et repris le cours de cette diffusion en fin d’après-midi à. On connaît maintenant la totalité des résultats : si c’était le tournoi des Six Nations, ça s’appellerait un grand chelem. La Maison Blanche, le Sénat et la Chambre des représentants, une majorité de gouverneurs dans les états de l’union, et plus de 4 millions de voix d’avance dans les urnes. Une telle ampleur n’a pas de précédent récent. C’est ce qui provoque, comme disait Bernanos, la « grande peur des bien pensants » : le président Trump a tous les pouvoirs en main, de sorte que rien ne peut l’empêcher, au moins dans les deux ans qui viennent, de conduire la politique qu’il a annoncée. 

Beaucoup de commentateurs français considéraient que Kamala Harris était une excellente candidate, dont la qualité et la modération étaient favorites face aux outrances de Trump. Visiblement les Américains ont décidé autrement.

C’est le moins qu’on puisse dire ! Ce qui frappe le plus, c’est la carte détaillée des votes, comté par comté, dans tout le territoire des États-Unis. On a vu cette carte sur les réseaux sociaux : elle est presque intégralement rouge.  Mais ce qu’on ne voit pas, c’est le nombre de comtés dans lequel Kamala Harris a recueilli plus de voix que Joe Biden, voici quatre ans : zéro. Y compris donc les quartiers les plus populaires, les plus ouvriers, les plus défavorisés, les plus densément peuplés de latinos ou d’afro-américains, territoires historiquement favoris pour les démocrates. 

Comment expliquer qu’un tel élan populaire ait soutenu Donald Trump ?

Ce que les Français ont du mal à comprendre, c’est que les Américains, lorsqu’ils élisent leurs Président, n’élisent pas un prix de vertu, ni le premier de la classe, ni un prix de beauté. Ils élisent un commandant-en-chef. Je laisse chacun de nos lecteurs imaginer lequel des deux candidats en lice avait davantage l’air d’un commandant-en-chef… 

Par ailleurs, les médias français ont eu des réactions de petite fille face à ce qu’ils considèrent chez Donald Trump comme une insupportable brutalité, une insupportable vulgarité, une insupportable indécence. Tout cela a bien peu pesé pour des dizaines de millions d’Américains au regard de la situation de fragilité économique et morale dans laquelle ils se trouvent. Trump n’a pas simplement remporté le « vote populaire », il a gagné dans l’électorat populaire, c’est-à-dire celui pour lequel la mondialisation heureuse n’existe pas, et qui subissent de plein fouet la financiarisation de l’économie et le dumping massif pratiqué par les économies dites « émergentes » – comme une très grande majorité des salariés européens.

Enfin, en refusant de traiter les thèmes communautaristes chers aux démocrates américains, pour ne pas dire on les méprisant ou en les détruisant, Donald Trump a popularisé une différence essentielle entre ce qui concerne le peuple dans son ensemble d’un côté, et ce qui concerne le destin et la situation individuels des personnes, de l’autre. Trump a présenté aux Américains un projet collectif, un projet national, un projet patriote. Kamala Harris a présenté aux Américains un projet fracturé, un projet obsessionnel, un projet idéologique: une volonté de faire reconnaître comme des enjeux collectifs des destins individuels. Est-il important, au regard des enjeux auxquels sont confrontés les Etats Unis, qu’on soit homosexuel ou non, noir ou non, croyant ou non, wokiste ou non ? Les démocrates pensent que oui. Les partisans de Donald Trump pensent que non. La victoire de Trump est la victoire du réalisme sur l’idéalisme, celle de la volonté sur l’obsession, celle du collectif de la nation sur les désirs et les destinées individuelles. Dans ce contexte, on peut comprendre que, quels que soient les défauts du vainqueur, ils aient très peu pesé dans la balance électorale.

L’élection de Donald Donald Trump peut-elle être une bonne nouvelle pour la France ?

Je suis surpris de la réaction d’un certain nombre de responsables politiques français qui se réjouissent de cette victoire en imaginant qu’ils pourraient en profiter. Ils se fourrent le doigt dans l’œil ! Soit parce qu’ils n’ont pas le dixième du « parler vrai » du nouveau Président américain, soit parce qu’ils sont incapables de prendre à bras-le-corps la question des fragilités et les questions morales – du moins d’en prendre toute la mesure. 

Par exemple, les débats très actuels sur la future signature du traité du Mercosur, qui s’apprête à clouer le cercueil des agriculteurs français, fait l’objet d’une paresse quasi-générale du monde politique français. On imagine, face à cela, ce que pourrait être la réaction du président élu américain, dont la capacité à renverser purement et simplement la table, y compris physiquement, est démontrée. Tant que les responsables politiques français ne seront pas prêt à ce genre de rupture, nette, parfois brutale, et sans ambiguïté,  tant qu’ils n’auront pas cette faculté de déplaire, sans ambage, il n’y aura aucun bénéfice à tirer pour les partis politiques français de quelque élection de quelque Trump que ce soit, n’importe où dans le monde.

Et, au-delà de cette attitude, qu’en est-il des intentions politiques du futur président américain ?

Je suis très inquiet. Tout le monde l’est, au moins sur le point économique, parce que nous avons bien compris que l’obsession du futur président américain est de défendre avant tout les intérêts de son pays et de son peuple. Et que l’Europe n’est pas prête à se défendre. D’ailleurs, on aimerait que les dirigeants français soient animés de la même obsession… D’autre part, la défense de la liberté d’expression, la lutte contre le « big pharma », ainsi que ce qui est annoncé pour lutter contre l’Etat profond et protéger les libertés locales contre la centralisation et la corruption : tout cela est excellent. On devrait s’en inspirer en France… Mais il faudrait pour cela que les « leaders » de la droite s’intéressent réellement à ces questions et les considèrent comme des sujets sérieux…

Au-delà de ça, alors que tous les libéraux, beaucoup de conservateurs libéraux, beaucoup de jacobins libéraux, beaucoup d’électeurs et de responsables politiques de droite se félicitent de la nomination d’Elon Musk, en tant que dégraisseur de mammouth en chef, je dois dire que je ne peux pas partager cet enthousiasme. Ça n’est pas seulement la personnalité d’Elon Musk qui est en cause. On verra bien ce qu’il fait de sa nouvelle fonction. Mais il n’est pas seulement un industriel brillant, un inventeur hors-pair, un visionnaire, à sa façon. Il est aussi l’homme de l’homme augmenté, du transhumanisme, de l’implantation de puces dans nos cerveaux. Il est la jambe ultra-libérale du Trump conservateur que la droite française applaudit, en général, ces jours-ci. Et il y a un vrai risque que, faute d’une spiritualité et d’une philosophie solides, la jambe libertarienne l’emporte sur la jambe conservatrice. Pour le malheur du monde. On peut se féliciter du fait que Donald Trump règle rapidement, et il le fera sans doute, le conflit ukrainien, et parvienne à apaiser les tensions actuelles qui minent le Proche-Orient. Au-delà de ça, son intérêt particulier pour les monnaies alternatives, et pour des projets ultra-libéraux en général, à part les délires wokistes qu’il a battus dans les urnes, esquinteront les sociétés occidentales gravement.

Sommes-nous condamnés à subir ces dangers ?

Non, à la condition de les considérer tels qu’ils sont – c’est-à-dire ne se féliciter de l’élection de Donald Ttrump que pour les raisons pour lesquelles elle peut être favorable aux intentions des patriotes. Mais cette élection devrait nous conduire à reconsidérer l’ampleur de notre responsabilité, nous autres Français, avec les Européens, en face du futur du monde. Nous n’y sommes malheureusement ni politiquement, ni moralement préparés. L’enjeu de l’élection de Donald Trump est facile à décrire : c’est celui de la disparition progressive de l’Europe comme seule porteuse, dans le monde, d’un projet respectueux – en tous cas dans ses origines – de la dignité humaine. Les dirigeants occidentaux actuels ne veulent pas le retrouver. Beaucoup de dirigeants de « droite » en France n’y sont pas davantage disposés. Tout ceci nous invite à une seule chose : l’investissement massif et dense des chrétiens dans le monde politique. Ils sont en effet des seuls porteurs du projet de civilisation, dont le le monde de demain a urgemment besoin. 

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9 commentaires

  1. Très bien vu.

  2. Hé non, j’annonçais la victoire de Trump “les doigts dans le nez” face à la Kamala le 21 juillet, article “Biden jette l’éponge”, sauf si ennuis judiciaires.
    J’aurais dû prendre des paris à 20 contre 1 !

  3. Curieux ces attaques contre Elon Musk qui a fait plus que n’importe qui pour la liberté d’expression dans le monde. Trump ainsi que Musk sont fortement contre le wokisme, les opérations chirurgicales de changement de genre et autres. Concernant le Mercosur, c’est la responsabilité des Européens et en particulier des Français de défendre leurs intérêts en s’opposant fermement aux aspects négatifs de ce traité, mais avec Macron, il y a des raisons de douter de la fermeté des positions de la France et ceci n’est ni le problème de Musk ou celui de Trump..

  4. Dans le système mondialiste actuel, l’élection d’un président américain a, hélas plus de poids que l’élection d’un président français. Je dis HELAS, car nous sommes soumis aux caprices de Washington, tant sur le plan politique, économique, diplomatique et militaire.
    La gauche française espérait la victoire de Kamala Harris pour son progressisme. La droite française est plus mitigée. Dans ses rangs, certains craignent de “devoir se retrousser les manches” pour faire face au protectionnisme trumpiste, préférant, sans doute, la quiétude espérée du camp Démocrate. D’autres sont plus enthousiastes, car ils espèrent trouver dans la nouvelle administration, quelques “bonnes idées” pour la France. Ce qui traduit, au passage, un manque d’imagination et une paresse d’esprit. Mais on se rassure comme on peut pour cette renaissance… après avoir tué le père qui, en 1958, rétablissait la Nation.
    Sachez, Mesdames et messieurs, que les américains de 2024, de quelques bords qu’ils sont, ne s’intéressent pas à la France, ni à son Champagne, ni à son Roquefort qui subissent des taux de TVA exorbitants. L’Amérique défend son beefsteak aux hormones dans son Far West démesuré, à nous de défendre notre viande “bio” tracée, contrôlée, espionnée jusque dans nos assiettes.
    La crise agricole vient de se rappeler à notre souvenir, le Mercosur aussi. Il est fort probable que si les Traités de Libres échanges, ou prétendument tels, sont signés, ce n’est pas seulement du Coca-Cola que nous ingurgiterons, mais nous boirons la tasse (made in USA).
    Bon appétit quand même.

  5. Concernant Elon Musk, je suis très réservé. Car, il y a là un mélange de genre, plutôt inquiétant entre la politique et les affaires.
    On ne peut pas faire le reproche à Macron d’avoir fait de la France une “startup nation” et, en même temps, se réjouir que l’homme le plus riche de la planète entre au Gouvernement Américain.
    Ne voyez-vous pas le danger mortel pour nous d’un tel attelage : le pays le plus puissant au monde et l’empire Musk dont les valeurs boursières dépassent l’ensemble des valeurs boursières des pays européens. Notre industrie automobile, ou ce qu’il en reste, pourra-t-elle résister à Tesla qui pèse 900 milliards de dollars à Wall Street. L’Agence spatiale européenne continuera-t-elle à lancer nos satellites, alors que Spacex de Musk dépasse déjà la NASA. Sans compter, si j’ose dire, qu’avec les milliards détenus par ledit personnage, ont peu “arroser” des gouvernements. L’argent peut tout acheter, et tout corrompre, il n’y a pas que la drogue qui fait des ravages, l’avez-vous compris.

    • Bien d’accord avec vous. Pour le moment, Elon Musk paraît sympathique et aller dans le bon sens, car il lutte efficacement contre le wokisme, et permet de retrouver une partie de la liberté d’expression. Pour le plus long terme, son transhumanisme (allié à ses colossaux moyens) est particulièrement inquiétant.

  6. Merci pour votre commentaire si éclairant. Pour ma part oui j’ai bien compris sur ce que nous allons subir d’ici quelque temps…

  7. Il y a dans la Bible le passage de David et de Goliath.
    David a utilisé son arme, la seule dont il disposait : une simple fronde. Il a suffi d’une seule pierre pour gagner le combat.
    Selon les intentions de la nouvelle administration américaine il faudra lui rappeler qu’elle pourra nous faire la guerre, mais que nous pouvons la vaincre avec les armes de la foi héritée de nos pères.
    Je pense que Donald Trump ne sera pas insensible à ces arguments.
    Nous pouvons le convaincre d’unir nos forces pour lutter contre nos ennemis communs : le fléau de l’avortement, la folie du wokisme et l’islamisme conquérant.
    Chacun de son côté pourra défendre son légitime intérêt national sans s’épuiser à mener des guerres commerciales.
    Certains on voulu abattre l’économie russe. Elle est toujours debout alors que la nôtre est en berne.

  8. Pour la liberté d’expression, ne trouvez vous pas surprenant que tous nos hommes et femmes politiques s’échangent des compliments sur X (ex Twitter) propriété d’Elon Musk.
    Même l’extrême gauche utilise ce réseau pour dire le plus grand mal de son propriétaire. C’est, selon l’expression : se mettre dans la gueule du lion.
    Peut-être que le propriétaire en aura assez d’être insulté et coupera la connexion.
    Il serait temps pour la communication officielle de la France de se doter d’un réseau national.
    Les finances les permettent-elles ?

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