Suite de la lettre d'Yves Meaudre (partie 1) :
"Mon temps polonais a beaucoup construit mon jugement. Une violence d’état interdisant tout débat sur le fond, comme aujourd’hui en France, nécessitait une intelligence de comportement dans les positions politiques. Les professeurs Tischner et Wojniakowski rappelaient à tous la priorité du combat au-delà de toute attache partisane : défendre l’identité polonaise, l’apport de la culture polonaise dans la construction de l’unité de la patrie et rassembler autour de ces principes simples la nation polonaise. Les héroïques professeurs de l’université Jagelon comme le Pr Wojniakowski soutenus par l’archevêque de Cracovie Mgr Wojtyla maintenaient le fil.
À l’exemple de cet immense pape, sans renier notre personnalité ni nos convictions, définissons paisiblement dans nos positions politiques nos priorités : l’identité de ma patrie et la culture propre de ma civilisation. Le père Popieluszko, dans ses sermons pour la patrie, touchait par là les fondements de l’autorité morale de l’État communiste. Il avait bien compris que cette catéchèse mettait à jour l’incohérence du système et la contradiction brutale de l’idéologie marxiste avec l’âme polonaise. On connaît la réponse de celle-ci à celui dont la cause de canonisation est en route : la mort, comme pour Jean Paul II qui fera l’objet d’un attentat.
Tout le travail de résistance de ce dernier s’est centré sur ce « combat ». Abattre le marxisme pour lui passait par la reconstruction de l’âme polonaise, comme pour Soljenitsyne qui fera un immense travail de reconstruction culturelle de l’âme russe. On en trouve la synthèse dans son dernier petit livre : « Comment reconstruire notre Russie ». C’est un peu la réponse à son fameux discours de Harvard qui dénonçait la mort de l’âme de nos nations, et qui pour nous est d’une cruelle actualité.
Il faut prendre acte que l’autre, en raison des innombrables couches sédimentaires qui ont construit son raisonnement et sa psychologie, ne peut pas en un dîner adhérer à tout ce qui nous a structurés parfois de façon privilégiée. Présentons à l’exemple de Ste Bernadette ce que nous savons de notre patrie, mais avec la conscience que nous ne savons pas si notre interlocuteur le recevra. « Nous ne sommes pas là pour vous le faire croire mais pour vous le dire » ! Or Bernadette Soubirous est venu au moment où les loges prenaient une grande ampleur sur les consciences en France.
« Le dire » est justement ce que le système veut interdire. D’où la loi ahurissante et anticonstitutionnelle du « délit d’entrave ». La campagne électorale est la démonstration la plus claire du déni de démocratie.
Le démon joue avec un brio extraordinaire sur les affectivités blessées, les éducations très marquées socialement, les expériences personnelles. L’embrigadement intellectuel de l’école primaire à l’université, les mass media interdisent pratiquement toute autonomie intellectuelle. Raison pour laquelle le principe démocratique semble complètement détourné. La campagne électorale atteint un niveau de non raisonnement abyssal révélant par là que le combat se fera dans l’éducation des âmes et des cœurs sur le long terme. Comme les fils des officiers de Katyn ont su reprendre le cours de l’histoire en permettant à Solidarnosk (non pas limité au seul mouvement ouvrier de Walesa) d’émerger et de chasser les assassins de leurs pères par la volonté et la formation des consciences.
Contingentement et sans passion :
Pour le court terme je m’en tiens à la pertinente position maurrassienne. La politique est l’art du possible ; aujourd’hui elle n’est ni du domaine de la morale ni de celui du religieux, c’est du pragmatisme pur où entre deux maux, on choisit le moins pernicieux. Cela n’ a pas une valeur morale propre. Les démocrates chrétiens se sont, à la suite de Marc Sangnier du Sillon, toujours fourvoyés dans une vision irénique. Ils ont toujours exigé des hommes politiques des positions de dames d’œuvres. Les évêques ont souvent sur ces questions là des jugements qui confondent le jugement moral sur la personne avec le jugement sur l’efficacité d’une politique. Si le « saint » Louis XIII avait lu Sangnier il n’aurait jamais pu à 14 ans (!) faire assassiner sous ses yeux le redoutable Concini ! Si jeune il a su trancher pour le salut du royaume. Quelle leçon politique ! Si Louis XVI, très marqué par la vision sentimentale de l’abbé Soldini avait « fait le roi » à la demande de sa très sainte sœur Madame Elizabeth, il nous aurait épargné vingt cinq ans d’hémorragie sanglante et le drame d’une lutte des classes endémique que nous vivons encore aujourd’hui. Faire le roi consistait, à la façon de Bonaparte, à monter sur son cheval et à charger les révolutionnaires pour galvaniser ses troupes. […]