Le nouveau slogan de Valeurs Actuelles « La droite mérite le meilleur » est déclinable à l’envi. Il porte en lui une double aspiration fondamentale, à la fois intime au cœur de l’homme et en même temps passablement étouffée par la postmodernité : la fierté et l’ambition. Chronique du père Danziec :
La noblesse oblige. Les droites convictions aussi. Pour s’en convaincre, il n’est pas forcément nécessaire d’aller fouiller dans les apophtegmes des pères du désert, ni de se plonger dans la chanson de geste de Roland à Roncevaux. Nul besoin express de relire Le combat spirituel de Lorenzo Scupoli, best-seller du début du XVIIe siècle et livre de chevet de saint François de Sales, ou d’apprendre par cœur les envolées d’un Cyrano de Bergerac à son ami Le Bret.
Non, pour se persuader que notre quotidien doit avoir en horreur toute espèce de médiocrité s’il veut être vécu en plénitude, il suffit tout simplement de se laisser impressionner par la voix de Johnny Hallyday, entre rage et cri du cœur, interprétant le tube : « Vivre pour le meilleur ». Mis en musique par son fils David, sur un texte du parolier Lionel Florence, l’idole des jeunes y réfléchit sur le sens de l’existence et de l’authentique liberté.
Un travail de bénédictin
Oui, vivre pour le meilleur. « Se vouloir pour tout se donner. Plus riche que de ne rien garder que l’amour ». Bien sûr que la droite, la droite raison, la vie, la rectitude méritent le meilleur. Evidemment que les convictions qui nous embrasent, éprouvées par l’expérience des siècles et des âmes, appellent en chacun où elles palpitent, le grand désir de les diffuser avec le plus de pédagogie, d’application et d’élégance. Anne Rosencher, directrice déléguée de la rédaction de L’Express, rappelait tout récemment dans une clairvoyante chronique sur France Inter, le mot de Cioran : « Un moine et un boucher se bagarrent à l’intérieur de chaque désir. » Le désir de la transmission relève assurément davantage du moine que du boucher, en ce qu’il se réalise à la manière d’un travail de bénédictin, lent, surnaturel et métaphysique, en apparence inutile, à coup sûr invisible et discret, et par là-même fondamentalement civilisationnel.
Les droites convictions méritent le meilleur par l’apprentissage dès le plus jeune âge de l’amour du travail bien fait, du sens de l’engagement et la noblesse des sentiments. La facilité se présente souvent comme la première des portes dérobées dans le long couloir des fracas de l’existence. Toute l’éducation – des cœurs, des âmes et des esprits – devrait apprendre à les refuser. A aller jusqu’au bout. Avec courage. Pour découvrir, au bout de la piste, ce qu’Hélie de Saint-Marc nommait « L’honneur de vivre ». S’engager sur les flots de la vie, avec peut-être la crainte de la haute mer, mais c’est une appréhension que l’on dépasse parce que l’on a reçu le goût de la curiosité et de l’émerveillement, la saine soif de découvrir des horizons nouveaux.
Bernard de Chartres : « Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants »
Enseigner aux jeunes générations les trésors de notre civilisation – trésors de foi dans les tourments d’une âme, de distinction dans les rapports humains, de sensibilité dans la poésie, d’équilibre dans l’architecture, d’harmonie dans la musique, d’audace dans l’ingéniosité et j’en passe… – n’est pas affaire d’impératif de transmission. Il s’agit plutôt, ou, pour mieux dire, il s’agit plus simplement, d’une question d’élégance morale. Avoir l’ambition des sommets pour distribuer de la fierté. Enseigner aux jeunes générations qu’elles sont héritières d’un legs inestimable et que, pour cette raison élémentaire, il appartient de donner le meilleur de soi pour en retirer le meilleur pour soi. Pour soi, d’abord, car charité bien ordonnée commence par soi-même. Mais encore pour les autres, pour leur offrir le meilleur de nous-mêmes.
Les droites convictions méritent le meilleur car nous sommes « Comme des nains juchés sur des épaules de géants, voyant plus loin que ceux qui nous portent et sans qui nous ne verrions rien ». Cette expression bien connue de Bernard de Chartres, qui deviendra évêque de Quimper, mériterait d’être gravée sur le fronton des écoles et des universités. Débiteurs insolvables, la première des attitudes morales consiste à reconnaître ce que nous devons à nos anciens. Forts de cette reconnaissance, les éducateurs, les transmetteurs et donc aussi, les clercs, les journalistes, les essayistes, sont priés de donner le meilleur d’eux-mêmes dans le but de réveiller, dans leurs univers respectifs, l’appétit de voir loin. S’il nous est possible de voir davantage de choses que nos prédécesseurs, ce n’est non en raison de l’acuité de notre propre regard, mais parce que nous nous trouvons élevés à une hauteur de vue considérable lorsque nous nous appuyons sur le patrimoine transmis et l’héritage reçu.
Retrouver l’esprit de sacrifice
Le prêtre, par son existence, apporte cependant une précision particulière à ce devoir d’application et de transmission. A ses ouailles, il rappelle l’importance de vivre pour le meilleur, il répète la nécessité de s’accomplir, dans le sillage de la parabole des talents. Certes. Car il en va du respect que chacun se doit à soi-même : ne pas gâcher son génie et rendre stérile ses capacités. Mais vivre pour le meilleur s’explique aussi pour quelque chose de plus haut. Celle de correspondre aux recommandations du divin Maître, à savoir porter du fruit.
Vivre pour le meilleur ne peut donc se réduire au seul domaine de l’imprécation. Viser le meilleur ne réclame pas seulement d’avoir raison, cela exige aussi du travail. Beaucoup de travail. La réussite, selon la formule consacrée, c’est 10% d’inspiration et 90% de transpiration. « Si le grain ne meurt… » Que tous les apôtres en herbe s’en souviennent, les droites convictions si elles méritent le meilleur, méritent aussi nos meilleurs sacrifices. Alors seulement, les germes de reconstruction pourront fleurir.