D’Emmanuel Lynch cet article sur la réalité impériale américaine qui fait partiellement suite à l’article “L’Ukraine et l’affrontement des empires” que nous avions mentionné sur le Salon beige:
Présentant le conflit en Ukraine comme étant aussi un affrontement entre l’Empire russe et ce qui est devenu l’Empire de l’Union européenne, l’article « Ukraine : Vers un nouvel affrontement des Empires ? » publié le 12 mars 2022 a suscité de nombreuses questions, en particulier celle de savoir si les États-Unis d’Amérique étaient un Empire. L’objet de l’article qui suit est de mener une réflexion visant à y répondre. Même si les États-Unis sont un État très puissant qui est beaucoup intervenu dans le monde au XXe et au début du XXIe siècle, ce dernier ne semble pas être à première vue un Empire pour une raison tenant au fait que, contrairement à l’Empire de l’Union européenne ou au défunt Empire de l’Union soviétique par exemple, il n’y a pas de citoyenneté impériale ni de gouvernement commun aux différents Peuples et Nations appartenant à l’extension géographique que certains considèrent couverte par cette « hyperpuissance » américaine.
L’historien et spécialiste des relations internationales Jean-Baptiste Duroselle, auteur de Tout Empire Périra, pensait ainsi que l’on ne peut parler à propos des États-Unis ni d’Empire ni « d’empire clandestin, ou de néo-colonialisme tout-puissant »[1]. Bien que les États-Unis interviennent militairement dans le monde depuis plus d’un siècle, la Nation américaine n’a cependant pas imposé, à l’instar de l’Empire soviétique ou de l’Empire de l’Union européenne, une citoyenneté impériale aux pays conquis. L’Empire de l’Union européenne s’étend pour sa part indéfiniment et considère qu’« est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre » comme le précise l’article 9 du Traité sur l’Union européenne signé en 1992 et aujourd’hui repris dans l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) signé en 2007. Un Français est citoyen de la Nation française mais aussi de l’Empire de l’Union européenne. Cela suppose la soumission aux lois de l’Empire. Il n’en est absolument pas de même pour les pays que certains verraient comme « inféodés » aux États-Unis.
Comme l’explique l’auteur de cet article dans son ouvrage La Nation face à l’Empire publié en 2021 et réédité en 2022, « les États-Unis sont peut-être une « hyperpuissance nationale » mais certainement pas une « hyperpuissance impériale » puisqu’ils ne sont pas un Empire. Face aux États-Unis, l’Empire de l’Union européenne pourrait être pour sa part qualifié d’« hypo-puissance impériale » ». Certains considèrent cependant que l’OTAN et le dollar sont des instruments « impérialistes » de domination, méritant alors une étude encore plus approfondie. Anticipant la question de savoir si la Chine serait un Empire, l’analyse prendra aussi en compte la question de « l’Empire du milieu ». L’article « Les États-Unis d’Amérique sont-ils un Empire ? » est disponible sur le site francelibrevraieeurope.fr.
Quel est le propre d’un Empire ?
Le propre d’un Empire est en premier lieu de posséder un gouvernement commun à plusieurs Peuples et Nations, séparant par conséquent la citoyenneté de l’Empire de la nationalité des personnes. L’Empire repose en second lieu sur un espace conquis et tend à s’étendre géographiquement. En troisième lieu, les Empires sont porteurs d’une idéologie généralement traduite par une « mission universaliste et une promesse d’éternité »[2].
À titre d’exemple, la Fédération de Russie rassemble quatre-vingt-cinq entités dénommées « sujets de la Fédération de Russie » dont vingt-deux républiques qui ont une constitution propre. Différents Peuples comme les Slaves, les Turcs ou les Mongols appartiennent à cette fédération qui a repris l’emblème de l’aigle bicéphale de l’ancien Empire des tsars. De nombreuses langues sont parlées sans compter la pluralité des religions installées depuis longtemps. Il s’agit donc clairement d’un Empire dont le prédécesseur, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), avait mis en place une « citoyenneté impériale » au niveau de l’Empire soviétique à l’intérieur duquel les citoyens avaient une « nationalité » correspondant souvent à des Peuples (Russes, Tatares…).
Les Empires occidentaux européens, l’Empire français de Napoléon et le Troisième Empire allemand d’Hitler en particulier, tous deux de nature matérialiste et athée, partageaient les caractéristiques propres aux Empires dont celles d’être basés sur une logique d’expansion et de conquête et de différencier la citoyenneté de la nationalité au sein de l’Empire. Il convient d’ailleurs de préciser que l’Empire français de Napoléon était un véritable Empire tandis que celui de son neveu Napoléon III, bien que le régime officiel se somme « Empire », n’en avait pas les caractéristiques, la citoyenneté française correspondant à la nationalité française.
PierreMontamat
J’ai bien aimé, pour ma part, l’argumentation fouillée de NiKola Mirkovic dans ‘Amérique Empire’ paru en nov 2021.
Je regrette que (et vous les omettez à chaque citation d’article…) vous ne reproduisiez pas les renvois du texte cité.
Il est intéressant que l’article complet reprenne en 2° § de conclusion le 2° § du texte (sauf une coupure in fine) : inutilité du développement ?
Un petit § sur la Chine, dommage…
On se ridiculise en invoquant ‘… un écosystème pourvoyeur d’emplois en France’ sur le sujet. A moins d’intégrer le concept de souveraineté – et de souveraineté économique.
L’étude de la notion d’Empire dans l’histoire est largement occultée. Il y aurait beaucoup à dire sur la variabilité territoriale des Empires. L’empire romain, l’empire du Levant, l’Empire d’Occident, l’Empire austro-hongrois ainsi que l’empire de la finance, l’empire des sens, etc… En vérité, la première approche ‘phénoménologique’ est bien insuffisante…
La comparaison succincte USA – Chine est parfaitement ridicule, invoquant que l’une défend son territoire et l’autre l’extra-territorialité la plus ‘universelle’ via des satellites tels l’Otan, l’OMS, les Nations-Unies (tout un programme aux mains des Etats-Unis)… !!! Mais là il aurait fallu poser les termes corrects de l’analyse : Globalisme versus Patriotisme. Là on accèderait enfin à une réflexion politique.
N’aurait-il pas été bienvenu de parler de la ‘révolution copernicienne’ opérée avec le Traité de Westphalie ? Ou bien cela est-il intégré par l’auteur ???
L’étude de la naissance des Etats (tout simplement) est une notion largement débattue entre historiens. Débrouillons cela avant de nous affronter à l’Empire, non ? Ou n’est-ce qu’une querelle byzantine. Tiens, j’ai oublié l’Empire byzantin…
Comment écrire ‘Les États-Unis peuvent aussi chercher à élargir le domaine de compétence de l’OTAN…’ sans vicier en entier son propre raisonnement ? Comment ne pas commencer par analyser en bon aristotélicien les différentes formes du pouvoir – dans l’histoire et à l’oeuvre aujourd’hui ? Les termes nominaux sont-ils la fin de la science ? Ou bien est-ce la réalité ? Il me semble que c’est l’enjeu essentiel, contre les nominalistes de tous poils.
On voit bien que la recherche sur les notions d’Etat, de Nation, d’Empire (et de Patrie ? la grand absente…) est arrêtée ici à une maigre phénoménologie. Et les organisations supra-nationnales ? Et la nouveauté intégrale des Etats-Nations ? Et la distinction des ordres et la recours à la Papauté ? Tant que manqueront ces véritables objets d’étude, cette science sera bien maigre…
La situation en Ukraine en ce moment devrait être un vrai objet de réflexion et les motivations de Poutine sur le sujet devraient être intégrées au débat. L’empire russe, parlons-en ! N’y a-t-il que les USA face à la Chine à l’heure actuelle ?!?
Ma conclusion à tant de questions est simple : le vrai débat n’est-il pas Globalisme versus Patriotisme ? On se fiche des empires… C’est la question de la temporalité de nos cités terrestres.
Me semble-t-il !?! Bien qu’ayant été une fois de plus trop long… Je vous ai donné tout en vrac les réflexions générées par cet article en son entier.
Meltoisan
Vous avez dit “Empire” ?
L’Union Européenne, c’est comme l’ensemble des pays qui la composent … en pire !