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Pays : Russie

Les faux postulats de la guerre d’Ukraine

Les faux postulats de la guerre d’Ukraine

D’Eric Denécé pour le Centre Français de Recherche sur le Renseignement :

Lorsqu’ils considèrent la guerre d’Ukraine, la plupart des analystes[1] partent, me semble-t-il, de postulats erronés – délibérément ou par méconnaissance – que je crois instillés par les États-Unis et l’Ukraine, et qu’il convient de signaler, car ils sont à l’origine d’une vision qui s’affirme de plus en plus fausse des origines et des réalités de ce conflit et donc de son issue probable.

Il ne s’agit pas, répétons-le une nouvelle fois, de défendre les positions de la Russie, mais de rappeler certains faits et de faire prendre conscience du narratif élaboré par les Américains pour justifier le bien-fondé de cette guerre aussi horrible qu’inutile, et de la désinformation majeure dont nous sommes victimes en Europe, et en particulier en France, depuis maintenant deux années.

QUATRE POSTULATS (DÉLIBÉRÉMENT) ERRONÉS

1. LA RUSSIE VOULAIT ENVAHIR L’UKRAINE.

Nous savons aujourd’hui que le corps de bataille russe massé à la frontière ukrainienne début 2022 comptait entre 120 000 et 150 000 hommes selon les sources et que la première vague d’assaut ne comprenait que 60 000 hommes environ. Le simple bon sens voudrait que des analystes sérieux aient eu l’objectivité de reconnaitre qu’il s’agissait bien d’une opération miliaire « spéciale » – qu’ils étaient en droit de dénoncer – au lieu d’abonder dans le sens de la propagande diffusée par Kiev, Londres, Washington et Varsovie s’attachant à faire croire à une invasion menaçant toute l’Europe occidentale. Les effectifs russes engagés étaient clairement ceux d’une action limitée, donc notoirement insuffisants pour une opération d’ampleur contre un État de 603 000 km2 et de 43 millions d’habitants. Rappelons pour mémoire que lors de leur invasion de l’Irak – 438 000 km2, 27 millions d’habitants et des forces armées non soutenues par – en 2003[2], les Américains ont engagé une armée de 150 000 hommes assistée de 45 000 Britanniques et de 70 000 Kurdes[3]. Ce premier postulat ne résiste donc pas à l’analyse militaire élémentaire.

2. LA RUSSIE DISPOSAIT D’UNE ARMÉE PUISSANTE QUI AURAIT DÛ BALAYER LES UKRAINIENS EN QUELQUES SEMAINES. CELA N’A PAS EU LIEU, CE QUI RÉVÈLE SA MÉDIOCRITÉ ET CELLES DE SES CHEFS.

Les forces russes qui ont attaqué l’Ukraine l’ont fait avec un rapport de forces très défavorable de 1 contre 3. Elles ne pouvaient donc submerger ni écraser l’armée ukrainienne, très supérieure en nombre. Leur objectif était de la paralyser et de contraindre Kiev à la négociation.

De plus, on oublie ce que de nombreux experts militaires observaient déjà pendant la Guerre froide et jusqu’au début des années 2000 : les forces soviétiques (malgré leur importance), étaient d’abord des forces préparées pour la défense et non pour les opérations extérieures, à la différence des forces occidentales. Nous savons donc depuis longtemps que la logistique, surtout pour la projection de forces, n’est pas leur point fort, ce qui a été confirmé par les observations de nombreux officiers s’étant rendus en Russie après la dissolution de l’URSS… et par les premières semaines de « l’Opération militaire spéciale ».

Ces défauts, ne se sont pas améliorés après la chute du mur de Berlin, tant l’armée russe a connu de coupes sombres, tant en matière de budget, de ressources humaines que d’unités. Il a fallu attendre le début des années 2000 pour observer le début d’un redressement. Néanmoins, l’armée russe d’aujourd’hui n’est pas l’Armée rouge d’hier, bien qu’elle en soit l’héritière.

Aussi, nous nous permettons de penser que cette surestimation de la force russe, largement relayée par les médias occidentaux, n’avait pour but que de glorifier la résistance ukrainienne et d’humilier Moscou, dans le but possible de provoquer une fronde contre Poutine et son état-major.

3. LES FORCES RUSSES VOULAIENT PRENDRE KIEV, MAIS ELLES ONT ÉCHOUÉ.

Autre ineptie. Seule une fraction des forces de l’Opération militaire spéciale a été affectée à l’offensive visant la capitale ukrainienne, non dans le but de la conquérir, mais de fixer les forces de Kiev (manœuvre opérative). Il est totalement délirant de croire que les Russes envisageaient de conquérir une agglomération couvrant 12 300 km² – au cœur d’une aire urbaine de28 900 km² –, regroupant au total 4,6 millions d’âmes[4], et encore une fois face à des forces supérieures en nombre et installées sur un territoire qu’elles connaissaient parfaitement. Ceux qui savent les extrêmes difficultés de la guerre urbaine n’ont cessé de dénoncer cette affirmation des Ukrainiens et de leurs mentors occidentaux comme totalement fantaisiste.

À titre de comparaison, il convient de rappeler que pour son opération de nettoyage de la bande de Gaza (360 km2, 2,6 millions d’habitants), l’armée israélienne a engagé plus de 180 000 hommes, dispose d’un contrôle du ciel total et d’une assistance américaine et britannique en matière de collecte de renseignements et de fourniture de munitions. Néanmoins, quatre mois après le début de son offensive, Tsahal n’est toujours pas parvenu à en prendre le contrôle total alors même que les combattants du Hamas (20 000 hommes) ne sont pas des adversaires comparables à l’armée ukrainienne formée par l’OTAN.

4. LA RÉSISTANCE HÉROÏQUE DES FORCES UKRAINIENNES A SURPRIS LE MONDE COMME LA RUSSIE ET MONTRE LA SOLIDITÉ ET LA DÉTERMINATION DE CETTE NATION.

Cette affirmation nous semble relever d’une sous-estimation délibérée de l’armée ukrainienne afin d’atteindre le but psychologique évoqué au point n°2 ci-dessus. Encore une fois, revenons-en aux chiffres. Début 2022, les forces armées ukrainiennes comptaient 250 000 hommes, soit les deuxièmes les plus importantes en volume en Europe orientale, après l’armée russe. Elles étaient de plus complétées par les gardes-frontières (53 000 hommes), la nouvelle Garde nationale d’Ukraine (60 000) et les divers services de sécurité intérieure. Surtout, ces forces avaient bénéficié, depuis 2014 d’une assistance majeure de plusieurs pays de l’OTAN (États-Unis, Royaume-Uni, Canada), en matière de formation et de livraisons d’armes, et recevaient aussi de très nombreux renseignements sur la Russie dont ces pays disposaient[5]. C’étaient donc des forces professionnelles, bien équipées et disposant, pour certaines d’entre elles, d’une expérience du combat pour avoir participé depuis 2014, aux opérations militaires contre les régions autonomistes du Donbass. Rien à voir donc avec « la petite armée » ukrainienne que nous ont vendue l’OTAN et les médias.

Ajoutons à cela que l’armée ukrainienne avait établi, principalement autour du Donbass, de très solides positions défensives, qu’elle combattait sur un terrain qu’elle connaissait, qu’elle était trois fois plus nombreuse que les forces d’attaque russes, et que si celles-ci avaient l’initiative, leur offensive était largement attendue.

Ces quatre postulats – dont l’analyse rapide permet de mesurer qu’ils ne résistent pas aux faits – relèvent donc de la mauvaise foi, si ce n’est d’une désinformation délibérée, afin de fausser la perception du conflit et de décrédibiliser l’adversaire russe, manœuvre en soi de bonne guerre.

À côté de ses fausses affirmations, il convient également de se pencher sur d’autres faits, qui s’ils n’ont pas été déformés par le narratif otano-ukrainien, ont été passés sous silence, car ils contribuent également à éclairer les réalités de ce conflit d’un jour nouveau. […]

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5 commentaires

  1. Je lis au chapitre 2 :
    “De plus, on oublie ce que de nombreux experts militaires observaient déjà pendant la Guerre froide et jusqu’au début des années 2000 : les forces soviétiques (malgré leur importance), étaient d’abord des forces préparées pour la défense”.

    Officier de réserve pendant la guerre Froide, je peux témoigner que nos cours et une analyse simple des structures ternaires de l’armée rouge, de son équipement, montrait de manière évidente que celle-ci était taillée pour l’offensive.
    L’ouverture des archives soviétiques dans les années 1990 a largement confirmé que l’union soviétique avait le projet de nous envahir pour résoudre ses problèmes internes, et parce que notre existence de démocraties, aussi imparfaites soient elles, était intolérable.
    Le système soviétique était aggressif et mortifère par nature.

    Sur le Centre Français de Recherche sur le Renseignement .
    https://www.challenges.fr/entreprise/defense/le-think-tank-des-espions-francais-prend-laccent-russe_809398
    https://theatrum-belli.com/wp-content/uploads/2021/01/Pre%CC%81sentation-CF2R.pdf

    Je reconnais que c’est un vrai organisme de réflexion avec des gens qualifiés, mais si l’Ukraine est un pays qui pose de gros problèmes (corruption, GPA, etc…), et même si le nôtre est en pleine décadence, il ne faut pas être naïf sur la Russie poutinienne, elle même brutale et corrompue.
    J’ai pu parler avec nombre d’Ukrainiens, dont des russophone du Dombass, qui en aucun cas ne voulaient être sujets de Poutine.
    Cette guerre est très probablement le résultat des actions d'”Influence”, de Manipulation de différents Services, mais elle ne légitime pas l’occupation d’un Tier de l’Ukraine par la Russie au travers de son projet de “Novorussia”.
    D’autant plus que si ce projet d’occupation de la partie sud, de tout le littoral de L’Ukraine sur la mer noire, quin’a aucune légitimité, se réalise, alors l’armée russe sera en contact avec l’État mafieux de Transnistrie, et donc de la Moldavie. Ce qui sera risué pour nous.
    Poutine a lancé des propos menaçants sur les frontières polonaises ou baltes récement.
    La pouriture de nos élites n’en fait pas un saint.

    • L’expression ‘sujets de Poutine’ suffit à discréditer vos propos du jour. Qui dirigeait Odessa en 1800 ? Qui a fait les plans de la ville ?

  2. Voilà qui remet certaines choses à leur place. Cependant deux choses inquiètent :
    – Le petit roquet finira-t-il par énerver l’ours ?
    – l’Otan mondialiste qui semble chercher l’escalade, lancera-t-elle une attaque sous faux drapeau par exemple, en bombardant une ville polonaise ou la centrale de Zaporojie pour accuser les russes ? (On n’ oublie ni les photos mensongères des cheminées de cette même centrale en disant que c’étaient des carcasses de missiles russes, ni leur souhait de dépopulation, ni la fiole irakienne, ni la démolition des Twin Towers, ni le premier pas sur la Lune, ni les dires d’Albert Pike….).
    Question subsidiaire quelque peu déplacée pour taquiner les esprits grincheux, Poutine viendra-t-il foutre une raclée aux français ou les libérer ?

  3. Les céréales d’Ukraine NOCIVES ? Il faut éviter d’en consommer !
    Après deux ans de bombardements insupportables par les Russes, les champs d’Ukraine ont dû recevoir leur dose de résidus chimiques TOXIQUES dus aux explosions.
    Les produits de ces champs sont-ils encore consommables sans risque ? Pas avant un certain nombre d’années !

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