Abrogeant la loi en vigueur depuis 1920 qui interdisait « la propagande et l’utilisation des moyens de contraception », la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 a autorisé la pilule et légalisé ainsi la contraception. Le 8 février 2017, le Sénat a rendu hommage à l’ancien député gaulliste en proposant la mise en service d’un timbre-poste à l’effigie du « père de la pilule ». Si la loi Neuwirth est considérée comme un symbole de libération de la femme, la réalité est tout autre. La pilule « a fait long feu ». Les femmes se détournent de ce moyen contraceptif qui altère leur santé sans les affranchir pour autant. Certaines dénoncent même : « On nous empoisonne pour le plaisir des hommes ». Gènéthique revient avec Grégor Puppinck, docteur en droit et Directeur du Centre Européen pour le Droit et la Justice (ECLJ-Strasbourg), sur les tendances historiques qui ont conduit à l’adoption de cette loi.
"Dans quel contexte la loi Neuwirth est-elle votée ?
La loi Neuwirth n’est pas le fruit du hasard : c’est un événement français qui participe d’un mouvement plus large en Occident. Lucien Neuwirth, alors ministre du Général de Gaulle, ne fait qu’appliquer en France un programme mondial de contrôle des naissances, le « birth control », par la diffusion des moyens de contraception. En France, l’opinion publique parle d’ailleurs de la contraception orale comme d’une importation américaine : la pilule a été mise au point en 1956 par le docteur Gregory Pincus, biologiste américain, et, dans Archimède le clochard, film diffusé en 1959, Jean Gabin dénonce en une réplique ce programme qui exporte « une pilule américaine à dépeupler » !
Dépeupler ? Comment ce programme a-t-il été introduit en France ?
C’est Pierre Simon qui se fait fort de diffuser en France le programme américain conçu et promu par la Fondation Rockefeller et le Population Council dont il est membre correspondant pour la France. C’est lui qui se présente comme le principal artisan de la contraception et de l’avortement ; il a notamment introduit le stérilet en France en 1963.
Mais, comme il le reconnaît lui-même, sa motivation n’est pas la libération de la femme. Pierre Simon n’est pas un féministe et il entre d’ailleurs souvent en conflit avec le mouvement féministe. Sa préoccupation première est d’abord d’ordre démographique et eugénique : il s’agit, pour cet obstétricien, d’œuvrer au contrôle et à l’amélioration de la procréation humaine à grande échelle, afin d’échapper à la « bombe démographique » qui menace. En outre, certains scientifiques caressent le rêve d’une amélioration de l’espèce humaine, et le contrôle rationnel de la procréation leur semble être alors un moyen efficace à cette fin.
Comment l’argument sur la maîtrise de la fécondité s’impose-t-il ?
Si la maîtrise de la fécondité est présentée et vécue au plan individuel comme une fin en soi, elle apparaît, au plan politique et collectif, comme poursuivant une finalité plus vaste, à savoir le contrôle rationnel de la procréation humaine. La maîtrise de la fécondité sert donc deux finalités : d’abord, une finalité proche et individuelle, ensuite une finalité lointaine et collective dont elle se révèle être un moyen. Ces deux finalités sont de natures différentes : la première est portée par des militantes féministes, dont l’intention se borne à faire en sorte que les femmes puissent connaître et maîtriser leur corps, et ce dans le cadre du mariage en général. La seconde finalité de contrôle rationnel de la procréation et d’amélioration de l’espèce humaine est beaucoup plus ambitieuse : ses motivations sont plus profondes et sont fondées sur une véritable philosophie matérialiste et scientiste.
Ces scientistes, souvent des médecins francs-maçons comme Pierre Simon, vont d’ailleurs entrer en conflit avec certaines féministes du Mouvement français du planning familial. Certaines d’entre elles, une fois la loi Neuwirth votée, estiment que leur mission est accomplie ; d’autres à l’inverse – et celles-ci obtiendront finalement gain de cause – entendent désormais militer en faveur de l’avortement et au-delà. Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, fondatrice de la Maternité Heureuse, a ainsi démissionné du MFPF par opposition à l’avortement. En fait, les scientistes ont largement utilisé le discours féministe pour couvrir et faire avancer leur projet, qui, lui, était moins « présentable ». […]"