Ex-président des Étudiants musulmans de France (Lille), Mohamed Louizi répond au Figaro :
"Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères Musulmans avait défini son islam globalisant, son idéologie politique, comme étant, je cite: «une organisation complète qui englobe tous les aspects de la vie. C'est à la fois un état et une nation, ou encore un gouvernement et une communauté. C'est également une morale et une force, ou encore le pardon et la justice. C'est également une culture et une juridiction, ou encore une science et une magistrature. C'est également une matière et une ressource, ou encore un gain et une richesse. C'est également une lutte dans la voie d'Allah et un appel, ou encore une armée et une pensée. C'est enfin une croyance sincère et une saine adoration. L'islam, c'est tout cela de la même façon».
[…] Théoriquement, dans ses écrits, se rêve est inscrit dans un processus stratégique partant d'abord et essentiellement de l'éducation de l'individu – d'où la priorité accordée aux «jeunes musulmans» par les frères lors de ce 9ème RAMN à Lille, entre autres. Ensuite de l'individu, il faut former le foyer musulman, puis le peuple musulman, puis atteindre le gouvernement islamiste, puis établir le califat, puis reconquérir l'Occident puis atteindre le Tamkine planétaire. Ça paraît fou comme idéologie et projet politique, mais force est de constater que depuis 1928, cette vision globalisante demeure opérante et présente, non seulement en Egypte, mais partout ailleurs, y compris en France. [|…]
Il n'y a qu'à lire l'intégralité de «l'Epître du jihad», écrite par Hassan Al-Banna que j'ai traduite dans mon essai autobiographique: Pourquoi j'ai quitté les Frères musulman, et qui circule toujours dans des cercles fermés des frères de l'UOIF en France. Son contenu n'a aucune différence avec la matrice idéologique jihadiste de toutes les organisations terroristes: Al-Qaïda, Al-Nosra, Daesh, etc. L'on y trouve, les mêmes textes violents, la même rhétorique jihadiste et les mêmes préconisations à recourir, par obligation religieuse, à l'usage des armes. La différence entre les Frères et les autres, c'est une différence de degré et non de nature. Il y a ceux, comme les groupes qui usent de la violence maintenant et ici. Les Frères les soutiennent, directement ou indirectement, et peuvent y recourir le moment venu. Je rappelle que l'appel au jihad en Syrie a été lancé, depuis le Caire, le 13 juin 2013, par une coalition composée de Frères musulmans et de salafistes. Le président de l'Egypte à cette époque s'appelait Mohamed Morsi. Les frères actuellement à la tête de la confrérie à l'internationale comme ici en France font parti du courant de Sayyid Qotb, la référence de tous les jihadistes contemporains, qu'il soit frères ou pas. […]
Dans tous les pays où se trouvent des Frères musulmans, en Orient comme en Occident, le projet islamiste est le même depuis la création de la mouvance par Hassan Al-Banna en 1928. Il s'agit de rétablir le califat islamique aux frontières historiques, y compris là où l'islam avait une présence en Europe. Ce projet a un nom: le projet Tamkine. […]
Ici, en Europe et en Occident, les choses se présentent autrement. Car si le monde arabo-musulman est considéré déjà comme un «territoire» acquis. En Occident, cela n'est pas le cas. Les Frères musulmans s'emploient depuis le début des années 1980, sur le vieux contient à acquérir divers «territoires» privés pour inscrire, dans la durée, leur récit islamiste comme élément du récit national de chaque pays de l'Europe. Cette opération s'appelle le «Tawtine». Elle est exécutée par la construction de mosquées-cathédrales, d'acquisitions immobilières diverses et variées, de construction d'établissements scolaires privés, etc. Car sans le «Tawtine», le projet Tamkine ne peut être mené efficacement. […]"