De Nicolas Lecaussin :
En avril dernier, une étude de l’Université George Washington, publiée par l’ITIF (Information Technology & Innovation Foundation), et intitulée Sensational, But Wrong : How Piketty & Co. Overstate Inequality in America remettait en cause les travaux de Piketty sur les inégalités. Elle montrait comment Piketty sélectionne soigneusement les données et opère des choix méthodologiques discutables qui maximisent l’effet des résultats, surestimant considérablement le taux réel de croissance des inégalités.
Elle confirmait, entre autres, les travaux de l’IREF sur le livre de Piketty mais aussi d’autres critiques soigneusement argumentées : celle de l’économiste de Harvard, Martin Feldstein, ou bien le numéro du Financial Times qui pointe minutieusement les erreurs de Piketty. On pourrait ajouter le FMI qui dément la hausse démesurée du capital telle que mentionnée par Piketty, et bien d’autres travaux dénonçant les supercheries égalitaristes du gourou français.
Or, la liste n’est encore pas close car de nouvelles preuves viennent d’être publiées. C’est au tour du bien connu Urban Institute de remettre en cause les chiffres de Piketty. Précisons d’abord que ce think tank n’a vraiment rien d’un ogre « ultralibéral ». Bien au contraire, il travaille beaucoup avec l’administration et les gouvernements et et reçoit beaucoup d’argent public. Que dit cette nouvelle étude ? D’abord, elle s’appuie sur trois travaux : un article écrit par Piketty, Saez, and Zucman 2018 intitulé “Distributional National Accounts : Methods and Estimates for the United States” ; les chiffres du Congressional Budget Office’s (CBO) 2018 sur « The Distribution of Household Income, 2014 » ; ainsi que le rapport (2018) Auten and Splinter intitulé « Income Inequality in the United States : Using Tax Data to Measure Long-term Trends ».
Evolution des revenus des 10 % des plus riches (1979-2014) :
– Selon Piketty et Saez : + 100 %
– Selon CBO : + 46 %
– Selon Auten et Splinter : + 31 %
Selon Piketty et Saez, l’inégalité des revenus aurait fortement augmenté entre 1979 et 2014 parce que les 10% les plus riches représenteraient 91% de la croissance des revenus au cours de cette période. Alors que les revenus réels des 10% les plus riches montaient en flèche, les revenus des 90% des plus pauvres auraient stagné. En réalité, c’est faux. Les calculs de Piketty ne tiennent pas compte de la redistribution et des impôts et taxes payés par les plus riches. Le calcul fait par cette étude d’Urban Institute à partir des travaux cités inclut les taxes et impôts payés par les plus riches ainsi que les transferts sociaux et les prestations en espèces du gouvernement. On constate que les revenus des 10% des plus riches ont augmenté d’au maximum 55 %, ou même de seulement 31 % (Etude Auten et Splinter, 2018), chiffres largement inférieurs à ceux de Piketty.
Encore plus intéressant, les 1 % les plus riches n’ont pas non plus vu leurs revenus exploser. Selon Piketty, entre 1979 et 2014, la part de la richesse des 1 % serait passée de 10 à 22 % (+ 11 points). En réalité, l’augmentation a été beaucoup moins importante : entre 0.7 et 6.6 points seulement. Enfin, contrairement à ce que soutient Piketty, le revenu médian n’a pas stagné durant cette période, il a même augmenté de 40 %. Les différences avec les conclusions de Piketty sont frappantes. […]