Voici l'homélie prononcée par l'abbé Matthieu Raffray, membre de l'Institut du Bon Pasteur, dimanche de Pentecôte devant les milliers de pèlerins rassemblés à l'hippodrome de Rambouillet :
"Chers pèlerins, vous êtes la jeunesse de Dieu.
Quel que soit votre âge, votre condition physique, votre état de fatigue aujourd’hui, vous êtes, oui, la jeunesse de Dieu. Car c’est l’Esprit Saint lui-même qui vient en ce jour de la Pentecôte transformer nos âmes, les renouveler, les rajeunir, en leur donnant une vie nouvelle, la vie de la grâce, la vie de Dieu lui-même ! Vous êtes désormais forts de la force de Dieu, vivants de la vie de Dieu, animés par le feu que le Saint-Esprit est venu répandre, à travers vous, dans le Monde entier !
Vous êtes la jeunesse de Dieu, selon les paroles du Psaume que le prêtre dit chaque jour en montant à l’autel : « je monterai à l’autel du Seigneur, vers le Dieu qui fait la joie de ma jeunesse ». Oui, vous êtes la jeunesse de Dieu, joyeuse, car vous êtes venus puiser à sa source sacramentelle l’eau de la vie éternelle, celle qui donne l’éternelle jeunesse. Chers pèlerins, en ce dimanche de la Pentecôte, où nous célébrons la naissance de l’Eglise, nous célébrons aussi notre nouvelle naissance, conformément aux paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ : « nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jean 3, 5). Souvenons-nous donc, en ce jour qui nous rappelle celui de notre baptême, ce que doit être en notre âme cette vie nouvelle, quelles doivent être les caractéristiques et les qualités de la jeunesse de Dieu : la jeunesse de Dieu est belle, elle est véridique, elle est héroïque, et elle est courageuse.
La jeunesse de Dieu est belle, d’abord, parce qu’elle est noble et pure.
L’eau du baptême versée sur notre âme y a effacé la tâche originelle en nous rendant l’amitié de Dieu. La grâce a illuminé nos intelligences, nos volontés, pour les configurer à Jésus-Christ : il n’y a plus, dès lors, place en nous pour les compromis ou pour les demi-mesures, et moins encore pour les capitulations et les trahisons. Etre chrétien, c’est aimer Jésus-Christ « de tout son cœur et par-dessus toutes choses ». Notre âme n’est belle que lorsqu’elle est illuminée par l’amour de Dieu, car cet amour nous élève bien au-delà de notre propre nature, nous faisant vivre de la vie même de Dieu. Etre chrétien, c’est donc haïr le péché, haïr le mal sous toutes ses formes, sans concession, sans nous mentir à nous-mêmes. Bien sûr, Dieu connaît nos faiblesses ; il connaît, mieux que nous, nos incapacités, nos blessures, les difformités de nos âmes, de nos corps, et de nos sensibilités. Mais il veut nous en sauver, nous en délivrer à tout prix : n’a-t-il pas donné sa vie pour nous sauver de nos propres fautes ? Le sang de Dieu fait homme ne serait-il pas assez puissant pour nous transformer et faire de nous un peuple de saints (Deut. 7, 6) ?
Etre jeune, c’est donc lutter sans se lasser, chaque jour avec force et courage, contre les tentations du monde et de la chair, contre tout ce qui nous réduit à l’état de consommateur ou d’objet de consommation, sans fondement, sans valeur : la pureté du cœur et la pureté du corps sont les privilèges de la jeunesse chrétienne. Je m’adresse en particulier à vous, mesdemoiselles, jeunes filles chrétiennes : soyez belles, de la beauté de Jésus-Christ ! Mettez tout votre honneur à reproduire, en toutes circonstances, cette grandeur et cette noblesse de la femme qui fait la fierté du christianisme. Les ennemis de la foi, d’Orient ou d’Occident, ont bien compris que c’est en s’attaquant à cette image de la femme qu’ils détruiraient la civilisation chrétienne : vous êtes le dernier rempart contre la décadence morale de notre société ! Et vous, jeunes gens, ne vous laissez pas enchaîner par l’esclavage du péché, ne vous laissez pas tromper par la facilité et la séduisante banalité du vice : chaque lutte est au contraire déjà une victoire, une conquête qui édifie en nous et dans le Monde le beau visage de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La virilité chrétienne se construit dans la chasteté, dans le détachement, dans l’humilité des âpres combats, dans le regard chrétien sur les autres et sur soi-même, mais surtout dans la foi et dans l’espérance !
La jeunesse de Dieu, ensuite, est véridique et réaliste.
Car il est, en effet, une compromission, bien plus grave que les défaillances de la chair : c’est le renoncement à la pureté de notre foi, à la pérennité de l’enseignement de l’Eglise, à la noblesse de la Vérité, aux exigences de nos intelligences. Ne nous laissons pas séduire par les mensonges de l’esprit du monde et par les faux idéaux de liberté qui méprisent les droits de Dieu. Les libéraux, de droite comme de gauche, fils de la révolution, veulent nous faire croire qu’il faudrait déformer les principes chrétiens, et jusqu’aux lois les plus fondamentales de l’humanité, pour plaire aux hommes et pour s’en faire accepter. La jeunesse de Dieu, parce qu’elle a le sens du réel, n’accepte pas ces compromissions et ces trahisons : quel qu’en soit le prix, nous mettrons notre honneur à défendre notre foi, à défendre la Loi du Bien et du Vrai. Ni dans l’Eglise, ni dans la société, nous n’accepterons de renoncer à la Vérité pour une prétendue victoire médiatique ou politique, pour le succès à une élection ou même pour notre réputation : à force de compromissions, à force de renoncements, tentés par cet esprit du Monde, les catholiques se sont vus toujours plus discrédités, méprisés, déshonorés. Il est temps, nouvelle jeunesse de Dieu, que nous retrouvions le sens et le devoir de Vérité. C’est la réalité elle-même qu’il nous faut, aujourd’hui, défendre ! Nous devons être les défenseurs des droits de la Vérité contre l’erreur ! Si nous, catholiques, nous ne nous dressons pas contre ce qui salit, avilit et défigure la Nature que Dieu nous a donnée, si nous ne nous dressons pas, sans hésitation, contre les crimes de l’avortement et de l’euthanasie, si nous ne nous opposons pas, de toutes nos forces, aux parodies et aux mensonges qui détruisent la sainteté du mariage et de la famille, qui le fera à notre place, qui osera dire aux hommes ce qui est vrai et ce qui est bien ? Il n’est plus temps de transiger, de négocier, d’accepter des compromis : ce sont les fondements mêmes de l’Humanité qui sont en jeu !
Jeunesse chrétienne, relève-toi donc, avec les armes de la raison et de la foi, pour défendre l’honneur de Dieu et pour mettre un frein, construire une digue, un rempart contre l’asservissement, l’esclavage, la déroute et finalement la perte des âmes pour l’éternité ! Car c’est bien cela qui est en jeu : non pas quelque choix politique ou médiatique, quelque option que l’on pourrait reporter à plus tard, mais bien le destin éternel de nos âmes, des âmes de nos frères, de nos enfants. Alors, oui, nous resterons debout, là où les autres se sont couchés, apeurés ou corrompus. Nous nous dresserons dans la tempête, revêtus de l’armure de Dieu (Eph. 6, 10), fiers d’être chrétiens, pour montrer aux hommes que c’est la Vérité – la vérité de la raison et la vérité de la foi – c’est cette vérité qui rend libres (Jean 8, 32), et que c’est la soumission à Dieu par la Foi qui donne à l’homme sa véritable grandeur, noblesse et dignité : comme le rappelait Benoit XVI dans une homélie pour la fête du Saint-Sacrement, « l’homme n’est véritablement grand que lorsqu’il se met à genoux », à genoux devant son Dieu. Et en osant nous mettre à genoux, nous devrons faire preuve d’héroïsme.
Car, oui, chers pèlerins, la jeunesse de Dieu est généreuse, ambitieuse et elle est héroïque !
En marchant aujourd’hui sur les routes de France, nous prenons la suite d’une foule de saints et de héros, ceux qui ont construit notre pays au prix de leur vie, et dont nous sentons la présence à nos côtés, eux qui nous entrainent dans leur sillage de sainteté en nous prêchant le renoncement, l’abnégation, le don de soi, la bravoure : nous, jeunesse d’aujourd’hui, serions-nous donc moins généreux ? Serions-nous condamnés à la nonchalance et à l’indifférence, comme des enfants gâtés qui ignorent le prix de ce dont ils sont les héritiers ? Non, si nous voulons relever le défi de nos ancêtres chrétiens, il faut, comme eux, se porter vers la même source de leur héroïsme : leur esprit de sacrifice, en effet, ils l’ont trouvé, tous, au même endroit : au pied de l’autel, en assistant au Grand Sacrifice, celui de Jésus-Christ. Comme les saints qui ont forgé la France, l’Europe et le Monde, nous aussi, venons avec confiance, avec amour, apprendre, puiser au pied de la Croix, sur l’autel pendant la Sainte Messe, le sens du sacrifice : c’est le saint Sacrifice de la Messe qui a forgé la Chrétienté ! Aimons pour cela les belles liturgies de notre Eglise catholique, cette liturgie intemporelle et sacrée, aimons-la d’un amour radical, d’un amour exclusif, cette liturgie traditionnelle qui a forgé dans le passé et qui forge toujours les âmes chrétiennes à l’image de Jésus-Christ. Car, oui, c’est là, à l’autel, que Notre-Seigneur nous enseigne la voie de la Croix, la voie du sacrifice. Il nous enseigne que c’est en donnant, en se donnant à son image, que l’on sera victorieux, avec Lui, au jour de la Résurrection : c’est en renonçant à soi-même, jusqu’au martyr s’il le faut, que nous serons féconds et que nous connaitrons la véritable joie chrétienne.
L’époque actuelle, oui, appelle des héros : c’est la sainte ambition du chrétien ! Et nous y sommes tous appelés, à cet héroïsme ! Car les véritables héros d’aujourd’hui ne sont pas ceux des films, des séries à la mode et de la mondanité : ce sont – osons le dire – ce sont d’abord les mères de famille chrétiennes, de familles nombreuses, héroïnes silencieuses du quotidien, qui se donnent sans relâche, jour et nuit, inconnues et même méprisées par le Monde, qui se donnent à la plus belle des œuvres, celle de former les âmes et les cœurs de leurs enfants dans le sanctuaire familial. Femmes chrétiennes, mères chrétiennes, nous vous le disons : vous êtes les héros modernes qui reconstruisez la Chrétienté, vous êtes les bâtisseurs du futur, notre consolation et notre espérance ! Les véritables héros d’aujourd’hui, se sont ensuite tous ceux qui répondent avec générosité à l’appel de la vocation : prêtres, religieux, religieuses, qui renoncent à eux-mêmes pour se donner à Dieu. Et je m’adresse plus particulièrement à vous, jeunes gens, jeunes filles, qui n’avez pas encore fait le choix d’un état de vie : prêtez l’oreille à l’appel de Dieu qui veut se réserver certaines âmes, parce que son Eglise en a besoin. Malgré la haine, la méchanceté et les mensonges répandus par les ennemis de la foi, entendez cet appel comme une amitié particulière de Dieu, comme une déclaration d’amour pour vous de la part de Dieu ! Profitez de ce pèlerinage pour examiner avec sérieux ce désir que vous avez peut-être de servir Dieu, de servir l’Eglise, ce désir de conquérir les âmes pour les amener à Jésus-Christ, et répondez-y avec générosité. Ce don de soi vaut tous les renoncements, car Jésus-Christ ne déçoit jamais ceux qui se confient à lui : il rend au centuple, dès ici-bas et dans l’éternité ! Les héros d’aujourd’hui, enfin, ce sont aussi tous ceux qui dans leur profession, dans leurs écoles, dans des associations ou des œuvres de bienfaisance, dans la vie publique et la vie politique de la Cité choisissent le camp de Dieu, le camp du bien, quel qu’en soit le prix. Ce sont ceux qui souffrent de cette sorte de persécution « polie », « éduquée », déguisée en modernité, la persécution « en gants blancs » comme l’appelle notre Saint-Père le pape François, mais qui n’est autre que le martyr quotidien du chrétien, ce martyr imposé par « l’Apostasie silencieuse » de nos sociétés modernes. Nous sommes donc tous, chers pèlerins, appelés à cet héroïsme du quotidien, car le Bon Dieu ne veut pas de médiocrités ni d’égoïsmes : il veut des héros, des chrétiens, des saints !
La jeunesse de Dieu, enfin, est courageuse, et remplie d’espérance !
C’est bien là, sans doute, le trait le plus caractéristique de la jeunesse : se construire des rêves, et mettre toute son ardeur à les réaliser. Le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, écrivait ceci à un jeune de vingt ans : « de toutes les vertus, la plus importante […] me paraît être le courage, les courages, et surtout celui dont on ne parle pas et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse ». Chers jeunes, fixez-vous donc des rêves qui soient grandioses, ambitieux, surnaturels, c’est à dire des rêves qui aient une valeur pour l’éternité ! Choisissez ce qui vaut vraiment la peine de donner sa vie et de donner sa jeunesse ! Les défis actuels, et ceux qui s’annoncent sont trop dramatiques pour se contenter de petites ambitions. Comme le disait il y a peu le cardinal Sarah, deux dangers immenses nous menacent comme deux « bêtes de l’apocalypse » : l’idolâtrie de la liberté occidentale d’une part, le fondamentalisme islamique de l’autre : laïcisme athée contre fanatisme d’une fausse religion. Entre ces deux monstres dévastateurs, il est l’heure du courage, des grandes ambitions ! Il n’est plus temps de nous diviser dans des guerres fratricides, dans des querelles de clochers ou dans des combats secondaires. Il est temps au contraire d’unir nos forces autour d’un unique étendard, celui de Jésus-Christ, afin de ne pas assister immobiles, muets, impuissants, à la ruine de la civilisation chrétienne.
Si le « déclin du courage » en Occident (Soljenitsyne, Discours de Harvard) est le signe de la vieillesse des sociétés qui ont trahi leur baptême, ce ne sera pas chez nous, jeunesse de Dieu, que manquera ce courage : au contraire, nous avons l’ardeur de la jeunesse, les nobles dévouements de ceux qui s’élancent vers le Ciel. Le souffle du Saint-Esprit, comme au jour de la Pentecôte, nous porte aujourd’hui bien au-delà de Chartres : nous ne nous y arrêterons pas, mais nous continuerons notre pèlerinage jusqu’à chacun de nos foyers, jusqu’à chacun de nos villages ou de nos cités, pour y faire refleurir l’espérance. Nous reprendrons les instruments de la foi, du génie et de l’art chrétiens, comme les bâtisseurs, les croisés et les missionnaires du passé, pour y répandre le feu ardent de l’Esprit, pour re-bâtir, pour faire re-naître la Chrétienté dans notre beau pays de France, et bien au-delà !
Que la Très Sainte Vierge Marie, mère de Dieu, mère de l’Eglise, reine de France, reine de nos cœurs, elle qui nous guide depuis Paris, nous accompagne jusqu’à Chartres et nous portera bien au-delà, que Notre-Dame de la Sainte Espérance fasse naître en nous cette nouvelle jeunesse, qu’elle l’entretienne et la renouvelle sans cesse, cette jeunesse éternelle, belle et pure, noble et véridique, héroïque, courageuse, et toujours fidèle !"