Dénoncées par Olivier Gosset, enseignant et président de l’association des «Enseignants pour l’enfance», dans Le Figaro :
Le 29 septembre 2021 Jean-Michel Blanquer publiait une Circulaire adressée à tous les membres de la communauté éducative. Intitulée «Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire», cette dernière a suscité de nombreux commentaires. Les uns se félicitaient que l’école prenne en charge cette problématique affectant la jeunesse, tandis que d’autres s’indignaient des possibles conséquences que la mise en place de ce texte pouvait induire. Peu ont vu que ce dernier, multipliant injonctions et contradictions, plaçait l’école dans le monde de la confusion.
Ce qui frappe en effet à la lecture de cette directive est la succession des contradictions proférées. Tout d’abord, le Ministre se félicite d’une école qui protège un «universalisme qui définit chacun non par son identité mais par sa dignité d’être humain». Parallèlement, il affirme que «la transidentité est un fait qui concerne l’institution scolaire».
De même, le texte précise que «la non-congruence entre le genre de naissance et le genre vécu ne constitue ni un trouble psychiatrique ni une pathologie». Pourtant, le Ministre se réclame de l’Organisation Mondiale de la Santé pour alerter les personnels éducatifs sur cette question.
Enfin, la circulaire rappelle que ces difficultés renvoient chacun «à son ressenti intime» et qu’elles relèvent de la «vie privée». Toutefois, c’est bien elle qui demande à l’école, lieu public par excellence, de prendre en charge celles-ci. À lire le texte de Monsieur Blanquer, on ne sait plus trop si la transidentité est un trouble ou un fait, si l’école doit dispenser des savoirs ou des soins, si la mission de l’État est de viser au bien de tous ou de veiller à la souffrance de chacun.
Pour pallier ces difficultés, le Ministre demande à ses personnels de multiplier les tâches et d’adopter toutes les postures. Ainsi, les professeurs sont sommés de faire preuve «d’une écoute attentive et bienveillante permettant de respecter le libre choix de l’élève». De même, ils «ont le devoir d’accompagner les jeunes» et «de leur laisser la possibilité d’explorer une variété de cheminements».
S’ils reçoivent des confidences, les enseignants doivent veiller au «respect du principe de confidentialité», quitte à se garder d’«une communication avec les représentants légaux». Enfin, si l’élève veut changer de prénom, il faut que «l’établissement scolaire substitue le prénom d’usage, de manière cohérente et simultanée dans tous les documents qui relèvent de l’organisation interne». Multiples et injonctives, ces recommandations donnent le vertige. Le professeur est ici sommé d’être à la fois écoute attentive, tuteur, substitut des parents et chambre d’enregistrement des changements de civilités.
Consciente de la charge qui pèserait alors sur l’école, la directive recommande à celle-ci d’entrer dans une «démarche collective et partenariale». Sous ce beau nom, il faut entendre que l’institution, dépassée par une problématique qu’elle prétend régler, accepte «le concours des associations, agréées ou conventionnées». Ici, la porte s’ouvre et peut entrer qui veut : la dernière limite qu’accepte de lever l’école est celle de sa propre sanctuarisation.
La Circulaire Blanquer marque une étape dans la politique que mène l’Éducation nationale au sujet des questions liées à la sexualité et à la vie affective. Voulant soigner les blessures d’une souffrance, l’école sort de son statut et manque à ses missions. Demandant aux professeurs de jouer tous les rôles et réclamant le secours d’organismes non scolaires, l’institution trahit le pacte qui la lie à la nation comme aux familles.
Faut-il rappeler que le Code de l’Éducation assigne comme premier objectif à l’école celui de «la transmission des connaissances» ? Faut-il redire que «L’État» y «garantit l’action éducative des familles» ? Que penser d’une école qui voudrait guérir au lieu d’enseigner ? Que dire de professeurs cachant de lourds secrets à des parents inquiets ? Qu’en est-il d’une structure d’État ouvrant ses portes au tout-venant ? Se perdant dans d’insolubles questions d’identité, l’institution risque ici la perte de son identité. À cet égard, la seule question pour laquelle le cadre scolaire a quelque compétence est celle du genre grammatical. Et c’est à elle qu’il ferait bien de revenir s’il veut porter secours : masculin et féminin sont des catégories qui s’enseignent dans la langue pour pouvoir être ensuite réfléchies par les consciences. Donnons d’abord à nos élèves les mots qui leur permettront ensuite de penser leurs maux.