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Pays : Russie

Les mythes fondateurs et les constantes géopolitiques de la Russie

Les mythes fondateurs et les constantes géopolitiques de la Russie

De Raphaël Chauvancy dans Conflits :

[…] Il faut reconnaître une chose à la politique étrangère russe : sa constance. Les régimes passent, l’idée impériale demeure. Sous-secrétaire d’État sous Vergennes, Rayneval notait déjà, effaré, que Catherine II était prête à sacrifier « tout le sang de ses sujets » à ses ambitions impériales. Gérard, premier commis aux Affaires étrangères à la même période, caractérisait le gouvernement russe par « l’ambition, le désir de donner la loi à ses voisins, le mépris du droit des gens et des traités. » On aurait aimé dire que, depuis, le Kremlin s’est illustré par sa modération, son respect de la souveraineté de ses voisins, des droits de l’Homme et des traités. Il s’en faut hélas de beaucoup. Vladimir Poutine, ancien officier supérieur du KGB (la Gestapo soviétique), n’a-t-il pas publiquement qualifié la chute de l’empire totalitaire soviétique de « plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle » ? Louable sincérité, pour une fois.

Poutine conservera probablement le Donbass. La Russie y perdra beaucoup. La russification culturelle et démographique forcée, un Grand Remplacement assumé si l’on préfère, a historiquement empêché l’Ukraine de s’affranchir de son trop puissant voisin. Pour s’affirmer en tant que nation souveraine, elle devait mettre fin d’une manière ou d’une autre à une trop grande porosité avec la Russie. Resserrée sur des bases ethniques et culturelles homogènes, trempée dans le combat fondateur mené depuis 2022, qui deviendra la pierre angulaire de sa mémoire collective, l’Ukraine serait finalement plus libre et plus forte. Elle se tournerait résolument vers l’ouest tout en montant une garde vigilante à l’Est.

Une conquête qui isole

La conquête du Donbass isolerait paradoxalement la Russie. Elle gagnerait quelques arpents de steppes, mais perdrait le gigantesque espace de manœuvre aux portes de l’Europe qu’était jadis l’Ukraine pour elle. Moscou ne pèserait plus grand-chose face à des nations européennes réarmées militairement et moralement, enfin guéries des illusions post-historiques du progressisme. La Russie serait rejetée en périphérie des trois pôles de puissance et de prospérité nord-américain, européen et chinois. Son cauchemar géopolitique, la marginalisation, se réaliserait.

Rien n’est éternel, pas même le pire. La Russie n’est pas condamnée à demeurer toujours la perturbatrice de l’Europe.

Bien sûr, il faudrait qu’elle accepte enfin les contraintes de la géographie. Elle pourrait prendre exemple sur les Allemands, qui ont fini par comprendre que mieux valait vivre sous la pluie, mais en paix du mauvais côté du Rhin que de recevoir des coups de fusil au soleil en France. Tout le monde s’en porte beaucoup mieux d’ailleurs, eux les premiers.

Mais le changement ne pourrait venir que d’un bouleversement des rapports sociaux. L’émergence d’une classe moyenne éduquée irait de pair avec des aspirations au bien-être et à la liberté. Il ne serait alors plus question d’aller mourir en Ukraine pour la gloire d’un vieux despote. Une Russie prospère serait une Russie apaisée. Seulement, le régime des oligarques ne survivrait pas aux aspirations démocratiques d’une véritable société civile. Il fera tout pour l’empêcher. La guerre est un malheur pour les babouchkas de Novgorod qui perdent leur fils unique et pour les orphelins ukrainiens qui fleurissent la tombe de leur père. Mais elle pérennise le pouvoir des élites russes qui l’ont déclenchée.

Il n’y a pas de place pour un fauve dans le jardin européen. La porte de l’Ukraine doit être refermée et verrouillée. En espérant l’ouvrir un jour au peuple russe enfin libéré du joug.

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