Dans La Grande déraison, Douglas Murray examine des questions centrales du XXIème siècle : la sexualité, le sexe, la technologie et la race. Il montre que ces sujets vont être les détonateurs principaux de la violence dans les prochaines années. Il met en lumière, exemples à l’appui, les nouvelles guerres culturelles qui se déroulent dans nos lieux de travail, universités, écoles et foyers au nom de la justice sociale, de la politique identitaire et de «l’intersectionnalité». Il s’agit du militantisme woke, ce nouveau marxisme, qui estime que les “minorités” (immigrés, LGBT, femmes, trans) sont discriminées par nature.
Interrogé dans La Nef du mois de janvier, il explique la docilité de nos contemporains :
Principalement par la peur. S’il existait un mensonge, relativement insignifiant pour notre vie personnelle, qui aurait en outre le pouvoir de la détruire si nous le dénoncions, alors la grande majorité d’entre nous choisirait de garder le silence. C’est d’autant plus vrai si on ajoute à cette hypothèse une foule enragée de personnes dont la vie est dédiée à éliminer tous ceux qui « pensent mal ». Cela devient plus compliqué encore, notamment dans la relation entre les sexes, quand ces mensonges, loin d’être insignifiants, concernent directement la plupart des gens. Alors, logiquement, ceux-ci se disent qu’ils devraient oser en parler ouvertement. Mais ils réduisent la vérité au silence ou au cercle proche, par peur de perdre leur réputation et/ou leur emploi. […]
À la fin de La Grande Déraison, je nous encourage tous, surtout la jeune génération, à « dépolitiser » nos vies. Cette invitation sincère vise à empêcher les gens de gâcher leur vie en pensant que l’activisme politique leur apportera l’épanouissement et la satisfaction qu’ils recherchent. Ce plaidoyer est des plus contre-intuitifs d’une certaine manière. Je crois que la politique reste très importante. Je passe une grande partie de mon temps à jouer sur son terrain et à l’analyser. Mais je crois aussi que les nouveaux mouvements politiques – comme ceux fondés sur l’identité, aux États-Unis – sont essentiellement des sectes. Ils en ont toutes les caractéristiques. Ils encouragent les personnes à désavouer, dénoncer et s’éloigner de leurs familles, amis, ou partenaires si ceux-ci ne sont pas exactement alignés sur les croyances actuelles (inventées il y a peu) – concernant les questions de genre, de sexualité ou peu importe. Il y a dans ces parages des gens dangereux dont il faut se méfier. Et j’invite mes lecteurs à s’intéresser à la politique sans se laisser aller à croire qu’ils y trouveront une raison d’être. Voici une citation de Schiller que j’apprécie tout particulièrement : « Soyez acteur de votre siècle, mais n’en soyez pas sa créature. » Nous devrions agir par la politique mais ne surtout pas attendre d’elle qu’elle étanche notre soif de sens. Parce que la politique nous décevra à chaque fois. Le sens est à trouver ailleurs. Mais ça, c’est une autre question.
Mais ce courant nihiliste abreuve bien au-delà des milieux politiques. Dans l’ouvrage, Douglas Murray prend l’exemple des recrutements :
L’activisme en faveur de la justice sociale est supposé – à juste titre – être le paramètre par défaut de tous les employés des grandes entreprises et la plupart d’entre elles, y compris Google, font passer des tests aux candidats pour éliminer toute personne ayant des penchants idéologiques non conformes. Ceux qui ont passé ces tests confient avoir dû répondre à de multiples questions sur les problèmes liés à la diversité – sexuelle, raciale et culturelle – et témoignent que des réponses “correctes” à ces questions constituent la condition préalable à tout recrutement.