Reportage d’Antoine Bordier.
Le Covid-19 n’aura pas tari la source de Cotignac, à l’origine des pèlerinages des pères de famille qui fleurissent partout en France depuis une dizaine d’années. Le 1er week-end de juillet est le rendez-vous le plus important de ces pèlerinages. Dans une France qui a tourné le dos à sa vocation de « Fille aînée de l’Eglise », les pères en marche sont devenus un rempart contre les lois qui fragilisent de plus en plus la famille. Suivons les traces de ces « grands aventuriers du monde moderne », comme les appelait Péguy.
Il est 5h00 du matin, nous nous retrouvons une petite trentaine chez Loïc, l’un des organisateurs, avec Bertrand et Antoine, du pèlerinage des pères qui part du Cannet-des-Maures jusqu’à Cotignac, dans le Var. Parmi les pèlerins certains viennent de Lille, d’autres de Bourg-en-Bresse. Ils vont faire près de 60 km à pieds (35 le vendredi, et 25 le samedi) pour rejoindre le Mont Bessillon et le Mont Verdaille.
Des apparitions uniques au monde
C’est là, sur le Mont Verdaille, qui culmine à 700 m, que Notre-Dame de Grâces apparaît en 1519, avec l’Enfant Jésus, à un simple bûcheron, Jean de la Baume. Elle s’adresse à lui :
« Je suis la Vierge Marie. Allez dire au clergé et aux Consuls de Cotignac de me bâtir ici même une église, sous le vocable de Notre-Dame de Grâces et qu’on y vienne en procession pour recevoir les dons que je veux y répandre. »
Plus d’un siècle plus tard, le 7 juin 1660, vers 13h00, c’est au tour de Saint Joseph, l’époux de Marie et le père adoptif de Jésus, d’apparaître sur cette terre de Provence, au Mont Bessillon, qui se situe à 3 km du Mont Verdaille. Il apparaît à un berger, Gaspard Ricard qui est assoiffé. Il lui dit :
« Je suis Joseph, soulève ce rocher et tu boiras. »
Gaspard obéit, soulève le rocher, que 9 hommes en seraient incapables, et une source se met à jaillir. Les habitants de Cotignac construisent une chapelle sur le lieu de l’apparition et protège la source. Ces apparitions surprenantes et uniques au monde ne s’arrêtent pas là.
Une histoire de France « sainte »
Une troisième apparition est à prendre en compte : celle du 3 novembre 1637. A Notre-Dame des Victoires, à Paris, la Vierge Marie apparaît à un religieux augustin, le frère Fiacre. Elle lui dit :
« N’ayez pas peur, je suis la Mère de Dieu, et l’enfant que vous voyez est le Dauphin que Dieu veut donner à la France. Pour marquer que je veux qu’on avertisse la Reine de faire trois neuvaines en mon honneur, voilà la même image qui est à Notre-Dame de Grâces, en Provence et la façon de l’église. »
Frère Fiacre se rend à Cotignac et trouve sous la forme d’un tableau roulé dans une cave, l’image présentée trois mois plus tôt par la Vierge. Il prie ces 3 neuvaines : à Notre-Dame de Grâces, à Notre-Dame de Paris, et, à Notre-Dame des Victoires. Le 5 septembre 1638, alors que Louis XIII et Anne d’Autriche n’arrivaient pas à avoir de descendant, nait Louis-Dieudonné, le futur Louis XIV. Le 21 février 1660, accompagné de sa mère, il vient à Cotignac rendre grâce de sa naissance. Le chemin qu’il a emprunté à cheval existe encore aujourd’hui. Tous les pèlerins du Cannet-des-Maures connaissent les grandes lignes de cette incroyable histoire « sainte ». Et, ils sont heureux de se retrouver et d’échanger sur la Sainte Famille, sur la Vierge Marie et sur Saint Joseph. Une franche camaraderie les anime. Certains, comme Éric, sportif averti, se connaissent depuis longtemps et ont fait tous les pèlerinages. Cette année le pèlerinage du Cannet-des-Maures fête ses 10 ans.
« Que tous soient un… »
« Que tous soient un, comme toi Père tu es en moi et moi en toi » (Jean 17, 21) est le thème principal du pèlerinage. Une bannière de la paroisse Saint-Joseph et de la paroisse Notre-Dame du Mont Carmel du Cannet-des-Maures, un drapeau tricolore du Sacré-Cœur de Jésus, entourent la marche du Cannet-des-Maures. Le sac-à-dos au dos, le chapeau sur la tête, le chapelet à la main (pour certains), les temps de prière, de silence, d’échanges tous azimuts à deux ou à plusieurs, ponctuent la marche. Les crêtes s’enchainent les unes après les autres. Les paysages
sont magnifiques. Ce vendredi 3 juillet, à 6h00 du matin, les pèlerins reçoivent la bénédiction de l’aumônier, le Père Jacques, qui ne pourra pas marcher à cause d’une chute de VTT. Loïc, très ému, à l’occasion du 10è anniversaire remet à chacun un Sacré-Cœur en pendentif. Direction Le Thoronet, plein nord, qui se situe à 8 km. Près du lac de Carcès, ils s’arrêtent pour se recueillir auprès de la stèle d’hommage aux 5 militaires de l’EALAT, morts lors du crash de leurs hélicoptères, le 2 février 2018. Bertrand, qui les a connus pour avoir été leur compagnon d’armes, prie. Le soleil commence à taper fort, les 30° sont vite dépassés dans l’après-midi. Vers 18h30 à la paroisse Notre-Dame de l’Assomption du Val une Messe est célébrée. Le soir, les pèlerins dormiront sur la crête du Paracol, où se trouve un sanctuaire dédié à la Vierge Marie et à saint Blaise. Là, à 450 m d’altitude et après des dénivelés de 300 m, les pèlerins fatigués dînent et se préparent pour une veillée d’adoration.
La prière des frères à Saint Joseph
Le lendemain matin, levés à 6h30, ils marchent en direction du monastère La Font Saint-Joseph du Bessillon. Vers 9h00, après le premier chapelet de la journée, ils s’arrêtent à Correns. Ce petit village Varois où coule l’Argens est niché dans un écrin de verdure, entouré de vignes. L’arrêt au bord de la rivière se transforme vite en baignade. Il reste 3 heures de marche avant l’arrivée au Bessillon, sous un soleil de plomb. Sur place, Bertrand nous explique :
« habituellement, à la source de Saint Joseph, il y a un monde fou. L’année dernière nous étions près de 2500 pères de famille venus de toute la France et de l’étranger. Et, nous ne pouvions nous arrêter que quelques minutes à la source de Saint Joseph. Cette année, en raison du Covid, les pèlerins sont 10 fois moins nombreux. Et, nous allons pouvoir rester plus d’une heure. Nous allons prier intensément, déposer nos intentions de prières personnelles. Nous allons aussi faire la prière des frères au pied de la statue de Saint Joseph. C’est le moment, pour les pères qui en ont besoin d’ouvrir leur cœur, et, de confier tous leurs soucis. Car, il y a de plus en plus de pères, de couples et de familles en souffrance. »
Parmi les pèlerins, Guillaume le fait pour la première fois. Il a vécu à Milan une vingtaine d’années. Il témoigne :
« Les familles italiennes sont intergénérationnelles, ce qui apporte beaucoup de joie. Les italiens sont heureux de rendre heureux les autres. Eduquer les enfants, c’est leur montrer par notre exemple que nous sommes des enfants de Dieu. Les enfants doivent voir en nous le feu de Dieu qui nous anime. Il faut prier avec nos enfants, les éduquer, les protéger de cette culture matérialiste qui nous détourne de Dieu. C’est pourquoi l’unité de vie est importante ! Les enfants doivent voir leurs parents s’aimer. »
Pour Frédéric, un papa de Bourg-en Bresse,
« nous devons faire rayonner notre foi et notre charité autour de nous. Dans notre famille d’abord. A Cotignac, nous ressentons l’amour de Dieu. Et, c’est ici que j’ai reçu beaucoup de grâces. La marche, la chaleur, le dépouillement nous purifie et nous renforce. En tant que père, j’ai été très proche de mes enfants pendant le confinement. Et, l’harmonie dans le couple est primordiale pour la qualité de vie dans la famille. Pour être un bon père, il faut, d’abord, être un bon mari. Et, Saint Joseph est un modèle. Il nous aide ».
Après ce temps de prières au Bessillon, tous convergent vers Notre-Dame de Grâces, au Verdaille, où une Messe est célébrée, à 18h00 par Mgr Dominique Rey, l’évêque du diocèse de Fréjus-Toulon. Dans son homélie, il parle beaucoup de sainteté.
Il confie :
« Nous sommes tous appelés à la sainteté par notre baptême. Ici, les pères sont saisis par la grâce de Dieu. Ici, les pèlerins reçoivent des mains de Notre-Dame de Grâces et de Saint Joseph, de la Sainte Famille, des grâces spéciales. Ces grâces, on le voit bien, se diffusent depuis quelques années dans toute la France. La grâce de Cotignac, c’est la grâce de la Sainte Famille de Nazareth. Ici les pères retrouvent leur vocation d’homme, d’époux, et de père. Cotignac est le lieu vivifiant de la grâce paternel. Ici, vous retrouvez de la force pour votre vie conjugale et familiale. »
Mgr Rey, dont les parents s’appellent Joseph et Marie, a été baigné lui-même, pendant son enfance dans cette grâce de la Nazareth. Il rappelle à tous les pèlerins, qui retrouveront leur famille le lendemain lors de la Messe dominicale :
« Votre famille est le premier lieu d’évangélisation. L’évangile est une école de l’amour, de la charité. Avec Marie et Joseph, les époux apprennent à aimer. Priez en couple. Laprière est la source de l’amour. Et, ici à Cotignac la source coule toujours. C’est aussi une source de Miséricorde. Apprenez à vous demander pardon et accueillez le pardon. Demandez pardon à votre conjoint, à vos enfants. Vivez dans l’Amour de la Sainte Famille ».