BFMTV a interrogé un policier d'une brigade anti-criminalité (BAC) en Seine-Saint-Denis. Extraits :
"On est tendus, car meurtris et menacés explicitement. Jeudi dernier, un médecin a été agressé devant chez lui parce qu’on l’a confondu avec un policier. Le même jour, en Belgique, on a démantelé à temps une opération terroriste qui visait des policiers. Dimanche, c’est un gendarme qui a été grièvement blessé. Franchement, l’ambiance est malsaine.
Quel est votre armement habituel en patrouille?
Généralement, on a chacun un Sig Sauer, avec 30 cartouches. Il y a trois ou quatre ans, on nous a remplacé nos munitions 9mm Parabellum par des Cop, un modèle qui ne perfore plus de part en part mais dont l’impact serait plus puissant, selon les fabricants. La réalité, c’est que face à des mecs équipés de gilets pare-balles, elles sont proprement inefficaces, et ne nous permettent pas de nous défendre.
Des gilets pare-balles sur des délinquants?
Bien sûr. Aujourd’hui, dans tous les quartiers où il y a du trafic de stupéfiants, il y a aussi des armes de guerre et des gilets pare-balles. On le voit sur la vidéo de propagande d’Amedy Coulibaly: il porte un gilet qui apparaît de meilleure facture que le nôtre, plus souple. C’est quand même un comble! Nous, nos gilets ne sont jamais renouvelés, alors que tout bon militaire vous dira que le kevlar doit être changé tous les cinq ans pour une protection optimale. Quant à la housse à l’intérieur, j’en ai demandé une neuve depuis des mois… Rien.
Les fusillades restent rares dans les banlieues. Est-il nécessaire de mieux vous armer?
Heureusement qu’elles sont rares, mais ce qui l’est moins, ce sont les armes! Il arrive d’entendre sur nos ondes qu’on recherche "un véhicule où le passager est armé". Et quand on envoie une BAC dans un trafic de stups, il y a toujours des armes lourdes dans leurs planques. On est de moins en moins à l’abri de rester au tapis. Aujourd’hui, sans négocier, je peux acheter une kalachnikov avec deux chargeurs pour 700 euros dans certains quartiers. Même si ce sont de vieilles armes, elles font des dégâts. Il y a trente ans, les petits voyous se figeaient devant la police, seul le grand banditisme était armé. Maintenant, le voleur de voiture a les mêmes armes que nous.
Comment réagit votre hiérarchie?
Elle ne nous aide pas à travailler. Un exemple frappant: jeudi soir, pendant la traque des frères Kouachi, on ne savait pas précisément où ils étaient. J’entends sur les ondes qu’une grosse voiture dans le 93 a refusé d’obtempérer à un contrôle et a pris la fuite. Réponse du Centre d’information et de commandement: "Cessez toute poursuite". Les collègues ont dû laisser filer la voiture, sans savoir pourquoi elle prenait la fuite, alors qu'il y aurait pu avoir un lien avec les Kouachi. Et ça, ça arrive souvent, surtout avec les deux-roues. On ne les prend jamais en chasse dans le 93. Pourquoi? Parce que s’il y a un accident, la police sera incriminée, et les quartiers risquent de s’embraser. On achète la paix sociale mais on nous empêche de faire correctement notre boulot. […]"