Edouard Chanot, rédacteur en Chef du Bulletin d'Amérique est interrogé sur Nouvelles de France à l'occasion du centenaire de la naissance de Ronald Reagan (le 6 février 1911). Extraits :
"Les idées de Ronald Reagan ne se limitaient pas au capitalisme. D’ailleurs, il est davantage célébré aujourd’hui pour son combat implacable, moral, contre l’URSS. Pour ce qui est de l’économie, on se rappelle sa formule «L’Etat n’est pas la solution à notre problèmes, il est le problème.» Il faut néanmoins rappeler qu’on oublie bien souvent le début de sa phrase : «Dans cette crise, l’Etat n’est pas la solution à notre problème, etc.». Il n’était pas un anarchiste ! […] Cependant, son constat s’applique aussi aujourd’hui, alors que la crise des subprimes a été générée par un Etat fédéral trop bien intentionné, qui a voulu accorder un logement à tous, même aux individus insolvables, incitant ainsi à la spéculation. Reagan l’avait compris : les politiques publiques en général et sociales en particulier atteignent rarement leurs objectifs et obtiennent bien souvent un résultat contraire à celui qui était espéré. Il comprenait que l’économie était avant tout une affaire d’action humaine, non de planification centralisée. […]
Cinquante ans plus tard, le mouvement Tea Party montre que l’instinct conservateur est encore vivace. Rappelons néanmoins que la dernière conférence annuelle du mouvement conservateur a tourné, il y a quelques jours, au vinaigre… Le Reaganisme était l’héritier d’un « fusionnisme » capable de fédérer l’ensemble des tendances d’un mouvement en réalité très hétérogène. Les intellectuels Frank Meyer et Bill Buckley furent les instigateurs de ce concept. En effet, paléoconservateurs, néoconservateurs, libertariens et traditionnalistes religieux s’écharpent bien souvent et le fusionnisme prend alors des allures de mélange explosif. Par exemple, les libertariens se prononcent aujourd’hui en faveur du mariage homosexuel et pour l’immigration, tandis que les conservateurs plaident en faveur de la famille et comptent parmi leurs rangs de nombreux natalistes. Les paléoconservateurs sont identitaires et isolationnistes tandis que les Néoconservateurs sont universalistes et interventionnistes. Bien sûr, il reste les consensus du recul de l’Etat fédéral, des charges fiscales, du constitutionnalisme, de l’exceptionnalisme américain et de la souveraineté populaire. Même si ce dernier principe est aussi remis en cause : on assiste à un problème vertical, entre un establishment partisan de la représentativité, plus proche d’une tradition « whig », et un mouvement populaire. L’issue reste donc incertaine… En conclusion, on peut répéter que le phénomène politique a pris une dimension nouvelle aux Etats-Unis. La droite américaine mais aussi le pays dans son ensemble se sont réapproprié le Politique, alors qu’on croyait ce dernier dédaigneux des luttes idéologiques."
Amaury
ça fait un peu bobo comme analyse. On a un peu l’impression d’un DSK libéral
P.R.
Bon résumé des quatre principales tendances de la droite américaine ; pour simplifier paléoconservateurs isolationnistes et identitaires, néoconservateurs internationalistes et interventionnistes, théoconservateurs religieux et moraux, libertariens partisans d’un libéralisme intégral. Entre ces quatre courants, il y a toute une palette d’intermédiaires et de combinaisons possibles. Le paysage intellectuel de la droite américaine est varié et très vivant.
PG
Le paysage de la droite américaine est varié, mais il est surtout intellectuellement vivant et créatif.
Ce qui n’est plus le cas en France : le passéisme, la répétition et le repliement identitaire de l’entre soi (nous les meilleurs……) sont plus fréquents dans notre droite nationale et/ou catholique que la recherche d’un renouvellement dans la continuité, ce qui est pourtant la définition de la tradition.
Ainsi TOCQUEVILLE et surtout BASTIAT, archi connus aux USA dans toutes les droites, sont totalement méconnus de notre droite catholique qui parle des libertés d’Ancien régime, mais qui méconnaît les penseurs et les doctrines de la liberté qui sont nées depuis, en réaction aux Lumières, depuis et après les catholiques sociaux.
Aussi parlons tjrs de la DSE comme une position moraliste et jamais comme un instrument de compréhension des plus complexes mécanismes quotidiens, particulièrement économiques. Comme s’il avait d’un côté la morale et de l’autre ce qui est matériel, social, économique et politique. Cela ne nous aide pas à être ”présents au monde”.
PK
@ PG,
« Aussi parlons tjrs de la DSE comme une position moraliste et jamais comme un instrument de compréhension des plus complexes mécanismes quotidiens, particulièrement économiques. »
Curieux raisonnement…
Personne parmi les élus ne se réclament de la DSE et donc encore moins l’appliquent.
Parmi les prétendants dans les gros (i.e. présidentiables) partis, idem.
Donc, c’est une façon largement réductrice de voir les choses…
Quelqu’un qui, aujourd’hui, appliquerait – même sans génie – la DSE en France bouleverserait tellement les choses que ce serait un raz de marée économique… pour le moins.
Olivier
La droite américaine offre un pannel d’idée loin de la droite française, où on a le droit d’élire entre gaullistes avec quelques différences…
PG
@ PK
Je ne parlais pas des élus, mais des catholiques, de leurs associations, revues, blogs etc….., ainsi que des milieux intellectuels de droite s’il en existe encore : il n’y a pas de réflexion ou de débat catholique sur des mesures concrètes aux problèmes présents, mais uniquement le rappel moral de grands principes généraux. Car il existe en France une frontière un tabou infranchissable entre les conservateurs catholiques de différentes sensibilités et les penseurs et économistes des libertés économiques, ceux qu’on appelle des ”libéraux”, réputés non catholiques, pervers socialement et moralement.
Ainsi sur la protection sociale, le logement, la fiscalité, etc….. : il est plus facile de défendre les ”acquis” existants de manière conservatrice que de dire et proposer des ruptures avec les habitudes. Les AFC en sont l’exemple le plus parfait : syndicalisme catholique familial, mais aucune réflexion et réponse novatrices, selon l’idée qu’être catholique est une position morale qui ne peut ”tomber” dans des définitions concrètes.
Et ainsi la droite catholique et la droite française en général sont en permanence dans l’absence de renouvellement : en gros le programme ”social” des droites en France est de sauver la Sécurité Sociale de Maurice THOREZ, et seules les méthodes divergent entre ses courants et partis. Ce qui est un comble d’absurdité intellectuelle.
Combattre l’avortement en se réclamant d’un système socialiste est un non sens conceptuel évident : on ne peut défendre la Vie si on accorde à l’Etat le droit positif de la définir.
C’est avec cela que les droites américaines ont rompu : d’où leurs conquêtes et leur dynamisme.
PK
@ PG,
Vous dîtes exactement ce que je dis, à savoir que la droite – et a fortiori les autres – n’applique, ni même s’inspire, de la DSE.
À partir de là, droite, gauche, même combat : quand on veut la même chose en changeant simplement la couleur de la vaseline, ça ne change au final pas grand chose…
PG
@ PK
Mais les partis et les politiques en démocratie sont tjrs à la remorque de l’opinion : les droites américaines ont su renverser les courants dominants, obligeant le parti républicain à reprendre leurs thèmes, et ce fut le coup de génie de REAGAN de marier libertés économiques et retour aux valeurs traditionnelles, donnant à la classe moyenne une vision politique large et forte. Et que reprend le mouvement Tea party.
En France où sont les cercles d’influence intellectuelle de droite, les associations et fondations, les clubs, groupes de pression etc… de droite qui obligeraient les élus et partis dits de droite à les suivre s’ils veulent obtenir leur soutien, dont dépendrait leur élection ?
Pour l’instant, sur ce plan-là, la droite française est désarmée face à la gauche.
Et la droite catholique la première. La DSE n’est pas qu’une théorie morale : ses principes peuvent permettre d’élaborer des propositions sur la fiscalité, ou sur les retraites, etc….. En rester aux voeux pieux généralistes pour ne pas mettre les mains dans le réel fait qu’elle demeure lettre morte. Elle est ressentie comme une posture, un ”supplément d’âme”, un appel à la ”justice sociale”, LA ”troisième voie entre socialisme et capitalisme” (celle-là est la plus drôle), bref à une série de regards croisés subjectifs portée sur elle sans qu’elle soit incarnée dans du concret.
Corso
Il n’y a pas de droite “catholique” !
Il y a les catholiques qui faute de mieux votent pour qui se présente.
La question sera donc de demander pourquoi personne ne le fait en se revendiquant des valeurs catholiques et d’une action économique nationale ?
Il n’y a pas de Politique avec un grand P qui représente la dérive mentale au lieu de l’action concrète économique.
Que le chemin est long pour effacer les scories de la pensée unique !
Philippe
”que le chemin est long pour effacer les scories de la pensée unique !”
Un article sur le site en lien donne une réponse intéressante: http://tinyurl.com/6y87m9f
PK
@ PG,
Il n’y a pas de droite catholique. Au moins au niveau électoral.