De l'abbé Guillaume de Tanoüarn :
"Je voudrais dire d'abord de quoi les prêtres doivent s'abstenir en matière politique : un prêtre ne peut être membre d'un Parti, sous peine de perdre l'universalité (la catholicité) de son sacerdoce. En effet, un Parti c'est à la fois une partie des citoyens opposée aux autres, et, dans cette opposition même, qui n'est pas religieuse mais civique, c'est une discipline (la discipline de parti), à travers laquelle on vous enjoint de dire ceci et pas cela, de frayer avec un tel et pas un tel, et même de penser une chose et pas une autre.
Par ailleurs je suis vraiment d'accord avec Vatican II, insistant sur la notion d'autonomie du politique. C'était d'ailleurs autrefois (dans les années 20 et 30) la position de Charles Maurras, qui lui avait été reprochée et par le pape Pie XI (pape autoritaire s'il en fut sorte de Boniface VIII des temps modernes, mais tellement intelligent…) et par Jacques Maritain dans les volumes anonymes publiés à l'époque (Clairvoyance de Rome et un autre qui devait s'appeler – de mémoire – Sous le joug de l'obéissance [à Rome bien sûr]).
Qu'est-ce que l'autonomie du politique ? C'est l'idée qu'il existe un bien spécifiquement politique, non pas contraire à la morale mais cependant qui n'est pas de nature morale… Saint Thomas, dans la IaIIae, définissait le bien commun politique comme pacificus status civitatis. L'Etat tranquille de la Cité. En quoi il se révélait très proche de la gouvernance médiévale en général et capétienne en particulier : le roi rend la justice, il est là pour apaiser les conflits entre les petits et les grands, mais pas pour imposer l'enseignement de l'Eglise par le glaive du temporel. Les règles de la paix sociale dépendent chaque fois d'un contexte différent et d'une connaissance de la chose politique que l'homme d'Eglise n'a pas.
La politique est donc bien un domaine au sein duquel le Pouvoir spirituel qui est l'Eglise ne peut pas s'immiscer. Pourtant il appartient au Pasteur – et ce n'est pas facultatif pour lui – de connaître le terrain dans lequel il mène paître ses ouailles.
En ce deuxième sens il est hélas plus que jamais nécessaire qu'un prêtre – ou a fortiori un évêque – fasse de la politique, non pas pour reprendre en choeur le Politiquement correct du moment, mais pour analyser, éclaircir, guider et avertir. Voyez Mgr Nona, évêque de Mossoul, à la fin du mois d'août dernier, il s'est adressé non seulement à ses chaldéens, mais à tous les chrétiens, d'Orient et d'Occident, en termes fermes: «Nos souffrances d’aujourd’hui sont un prélude aux vôtres, chrétiens européens et occidentaux qui souffrirez aussi dans un proche avenir».
«J’ai perdu mon diocèse», a déclaré l’archevêque. «L’emplacement physique de mon ministère a été occupé par des islamistes radicaux qui veulent que nous nous convertissions ou soyons tués. Mais ma communauté est encore en vie.»
Vous direz sans doute que cet évêque fait de la politique et que le rapprochement qu'il n'hésite pas à effectuer entre la situation en Orient et en Occident est excessif. Pour moi c'est un bon Pasteur : il prend ses responsabilité, à la face de l'Eglise universelle."