Les produits monastiques, c’est-à-dire issus du travail des abbayes, ont le vent en poupe, et parmi eux, ceux qui arborent le logo “bio” ! Aujourd’hui, on compte déjà plus d’une centaine de ces produits monastiques bio sur les étalages, alors qu’il n’y en avait pratiquement aucun il y a dix ans.
Comment cette tendance du bio est-elle arrivée dans le milieu monastique ? Quels sont ces produits monastiques bio ? Quelles sont les abbayes qui les fabriquent ? Est-ce une initiative isolée ou bien un mouvement monastique global ?
Divine Box vous explique tout ça !
Comment expliquer l’essor des produits monastiques bio ?
Au sein de leur travail manuel, moines et moniales élèvent des animaux, font pousser des fruits et légumes, cultivent des champs etc… En d’autres termes, ils tirent profit de cette Création que Dieu leur donne. Il est donc évident qu’ils doivent la respecter et la préserver pour les générations futures. Par exemple, chaque année, durant les trois jours qui précèdent l’Ascension, les monastères célèbrent les “rogations”. La communauté, en procession dans le domaine, va alors bénir la Terre et implorer Dieu de leur accorder de bonnes récoltes. L’abbaye de Lérins ou l’abbaye de Jouques font en particulier cela dans leur vignoble ! Le bio et le naturel sont donc presque une évidence dans le milieu monastique, bien avant l’arrivée du label bio…
Ensuite, notons l’importance de l’encyclique “Laudato Si” du pape François, publiée en mai 2015. Le pontife invitait alors avec force à préserver notre “maison commune”, et à développer une écologie intégrale prenant en compte l’environnement naturel bien sûr, mais aussi plus largement les liens entre Dieu, les humains et la Terre. Les monastères ont ressenti un appel particulier à cette lecture, et ont depuis initié de nombreux projets en ce sens. Le développement du bio au sein des produits monastiques en est un exemple !
Enfin, et plus prosaïquement, il est normal que le développement du bio en France (x3 entre 2010 et 2019 selon l’Agence Bio) se répercute naturellement sur les différentes sphères de l’économie, y compris dans cette petite niche que représentent les produits monastiques ! Bien que dans leur monastère, les moines savent rester à l’écoute de la société, et même des tendances de consommation.
La communauté de l’abbaye de Lérins en procession pour les rogations – © Abbaye de Lérins
Quelles sont les abbayes qui font des produits bio ?
Aujourd’hui, près d’une quinzaine de monastères fabriquent et vendent des produits labellisés bio. En voici certains :
- Monastère de Taulignan. Pour ces “jardinières du bon Dieu”, une révolution verte a eu lieu en 2009, lorsque les sœurs se sont lancées sur le chemin de la conversion écologique. Depuis, les produits chimiques et autres désherbants ont cédé la place au paillage, désherbage manuel et autres engrais verts. De leurs mains vertes sortent des tisanes, huiles essentielles, hydrolats etc…
- Abbaye de Lérins. Installée sur une île au large de Cannes, l’histoire de cette abbaye remonte au cinquième siècle. Les moins cisterciens présents sur place cultivent notamment un vignoble avec une exigence rare : aucun herbicide, outillage mécanique, et culture raisonnable. Depuis 2019, toutes les cuvées sont officiellement labellisées BIO ! D’ailleurs, bien avant l’obtention du label bio, leurs vins ont été servis au G20 (2010), ou encore au Festival de Cannes (2014 & 2015), signe de leur réputation ! Amusant, non ?
- Abbaye de Boulaur. Après de nombreuses péripéties, cette vieille abbaye, fondée dans le Gers en 1142, a failli fermer, mais a connu un boom vocationnel presque miraculeux en 1979, grâce probablement à l’intercession de Claire de Castelbajac. Aujourd’hui, elles sont plus d’une trentaine de sœurs cisterciennes, et ont le vent en poupe. Elles vivent surtout de leur petite ferme agricole, et promeuvent une agriculture raisonnée, bio, et se font accompagner par de grands noms de l’agro-alimentaire pour mettre au point de beaux produits : certains déjà bio comme leur fromage “la brouette”, leur farine de sarrasin ou leur bière, et d’autres pas encore comme leurs pâtés !
- Monastère de Solan. Là-bas dans le Gard, une vingtaine de moniales orthodoxes gèrent près de 20 hectares de surface agricole (abricots, cerises, figues etc…), dont 6 de vignoble. Des pâtes de fruits au vin en passant par les confitures et les chutneys, l’intégralité de leur production, très artisanale, est certifiée bio. La communauté est même inscrite dans le réseau écologique européen Natura 2000, signe de l’importance de leur démarche.
- Abbaye de Rieunette. Installées au sud de Carcassonne, ces cisterciennes sont parfois surnommées les « Green Sisters », signe de leur engagement pour le bio et l’écologie ! C’est pour exprimer leur amour de la Création qu’elles ont inauguré en 2009 un laboratoire de fabrication de produits naturels : hydrolats, baumes, huiles essentielles etc… Certains de leurs produits sont même labellisés « Nature et Progrès », un label qui a un cahier des charges le plus exigeant du bio : il faut que les produits soient 100% naturels, 100% bio, et 100% Made in France.
Pour ne pas surcharger la lecture de cet article, on ne fera que citer les autres monastères concernés : Sept-Fons, Novy-Dvur, Koningshoeven, Kergonan, Bois-Salair, Azille, Blauvac et les Clarisses de Lourdes. Cliquez ici pour voir la liste des produits monastiques bio, et leurs abbayes productrices.
Une sœur de l’abbaye de Rieunette, devant le laboratoire de produits cosmétiques bio de la communauté – © Divine Box
Des produits bio, mais sans label ?
Tout dépend de ce que l’on entend exactement par “bio”, mais oui, à certains égards, on peut considérer que certains produits monastiques sont bio, même s’ils n’arborent pas de logo officiel. On vous explique.
D’abord, il y a les abbayes “en conversion bio”. C’est le cas de l’abbaye de Jouques, dont le vignoble est en conversion bio depuis 2022. Les premières cuvées “bio” concerneront donc le millésime 2025, sans possibilité de réduire les délais. Mais les pratiques sont donc déjà en place, et d’ailleurs la renommée aussi : le rosé “Exsulta” des sœurs bénédictines a été noté 90/100 par Le Figaro Vin ! Patience, patience…
Ensuite, il y a les produits monastiques fabriqués uniquement à partir d’ingrédients officiellement issus de l’agriculture biologique, sans que le produit final lui-même ne le soit. Mais vous en conviendrez, c’est tout comme ! C’est notamment le cas des tisanes des Chartreux, pour lesquelles “toutes les plantes sont issues de l’agriculture biologique”.
Enfin, et c’est sans doute la configuration la plus répandue : des produits fabriqués artisanalement par les monastères dans le plus grand respect de la nature, se targant officieusement d’être bio, et dépassant parfois même les exigences officielles du bio. La liste exhaustive serait longue et complexe à établir, mais voici deux exemples :
- l’abbaye de Rosans, avec notamment sa fameuse “Tisane des Patriarches”. Cette récente communauté installée en 1991 dans les Alpes de Haute-Provence, est une fondation de l’abbaye de Jouques, dont elle conserve le même esprit dynamique, jeune et pétillant, avec une forte dimension agricole. En 2017, les sœurs ont installé un nouvel atelier pour leur travail manuel, et dans la foulée, ont lancé une culture de plantes médicinales et aromatiques depuis… le toit de l’atelier ! La récolte est naturelle, faite à la main, sans aucun traitement autre que celui du beau soleil des Alpes de Haute-Provence…
- le monastère de Martigné-Briand. Ici, les “bénédictines de Sainte-Bathilde” bichonnent leur jardin en permaculture, une technique naturelle qui vise à reproduire dans son jardin l’organisation de la nature à l’état sauvage. Pas d’engrais ou de pesticides artificiels évidemment, mais, par exemple, culture juxtaposée de plantes qui s’entraident (grâce à l’ombre, à l’effet sur les insectes, etc..). Elles sont spécialisées dans les confitures, confits et chutneys en tout genre, dont les ingrédients sont issus uniquement de leur potager !
Mais alors, pour ces deux dernières catégories, si ces monastères fabriquent si bien leurs produits, pourquoi n’affichent-elles pas le logo officiel “bio” ? En fait, pour certains, c’est déjà en cours : les communautés ont parfois lancé la production avant d’avoir reçu officiellement le logo, qui sera ajouté plus tard lors des prochains étiquetages ! Mais en général, la réalité est surtout que ces démarches de certification sont trop coûteuses et complexes pour bien des communautés…
Trois sœurs de l’abbaye de Jouques, dans vignoble en conversion bio depuis 2022 – © Abbaye de Jouques
Le bio et l’écologie : un enjeu partagé par de nombreux monastères !
Les monastères, respectueux de la Terre vue comme la Création de Dieu, sont engagés depuis bien longtemps pour promouvoir une production naturelle et raisonnée. Cela concerne les produits qu’elles vendent, mais aussi bien plus globalement leur mode de vie quotidien. Deux grandes initiatives monastiques récentes en faveur de l’écologie illustrent cela.
Lancée en 2017 à la suite de l’encyclique du pape François “Laudato Si”, Église Verte est le label des communautés chrétiennes engagées pour le soin de la création. Cela inclut des paroisses locales, des associations et autres, mais aussi près de 25 monastères, parmi lesquels : l’abbaye de Landévennec, l‘abbaye de La Coudre ou encore l’abbaye du Val D’Igny. Pour qu’il s’ancre dans la durée, ce label est renouvelé chaque année, et valorise les actions écologiques menées à l’échelle de la communauté.
Par ailleurs, en 2018-2019 s’est lancé un grand chantier de réflexion, réunissant des communautés monastiques de tout horizon. Après une première réunion, des visites fraternelles de X chez Y, puis de Y chez Z etc., puis des rendez-vous régionaux, s’est tenue finalement une grande session finale au carmel de Mazille, avec tous les participants. Les discussions portaient sur de bonnes pratiques environnementales et agricoles, certes, sur la question du label bio pour les produits monastiques, un peu, mais aussi et surtout, sur l’écologie intégrale, comme redéfinie par le pape François, c’est-à-dire sur le fait de prendre soin des quatre relations constitutives de la personne humaine : à soi, aux autres, à la nature, à Dieu. Seize communautés se sont engagées dans ces travaux, dont l’abbaye de Maylis, l’abbaye d’Échourgnac ou encore l’abbaye de Fontgombault.
Il y a fort à parier que ces initiatives aboutiront notamment à un essor encore plus grand des produits monastiques bio à l’avenir. En marche !
Frère J. de l’abbaye de Maylis, très moteur pour la conversion écologique des abbayes – © Divine Box
Où acheter des produits monastiques bio ?
Vins, bières, tisanes, tartinades apéro, vinaigres ou encore confitures : les produits monastiques bio sont nombreux. Il y en a pour tous les goûts et tous les budgets ! Pour en acheter, foncez sur place, au monastère le plus proche de chez vous ou de votre maison de vacances. Mais si c’est plus simple, vous pouvez aussi trouver des produits monastiques bio, en ligne, dans la boutique monastique de Divine Box.