Le père Danziec écrit dans Valeurs Actuelles :
Autrefois, l’instituteur seul distribuait les bons points. Les Lebrac, petit Gibus ou autres Alceste et Rufus n’avaient qu’à bien se tenir. Les règles étaient immuables. Eprouvées. Connues de tous. Etablies sur des principes moraux solides. Pétries sous les mains du bon sens. Polies par l’expérience des années. Sorte d’empirisme organisateur qui s’ignorait. De La guerre des boutons aux Aventures du Petit Nicolas, ces règles dépassaient de loin et les élèves qui devaient les suivre et le maître missionné pour les faire respecter. Autre époque, autres mœurs. Il n’y a plus guère que les albums de Robert Doisneau pour nous la rappeler.
Les raccourcis de la postmodernité : exclure, stigmatiser ou caricaturer
En cette fin d’année scolaire, s’il est encore tentant de compter ses bonnes images, il l’est peut-être davantage de s’interroger sur ceux qui les distribuent désormais. Or le constat est sans appel : les bons points font l’école buissonnière. Ils se distribuent au-delà des salles de cours. La bien-pensance a remplacé les conseils de classe et le verdict de juin est tombé. Agnès Thill est renvoyée. Thierry Ardisson redouble. Sud Radio attrape un avertissement. Le monde postmoderne ne semble pas avoir la miséricorde et la liberté de conscience chevillées aux tripes. Il n’hésite pas à exclure, parfois. Stigmatiser, si besoin. Caricaturer, souvent.
Ainsi la République en Marche clame son amour de la liberté d’expression, se targue de son ouverture et vante son pluralisme. L’exclusion d’Agnès Thill prouve pourtant une certaine univocité du « en même temps ». Il ne fait pas bon de réclamer un débat de fond sur la PMA lorsque l’on appartient soi-même à la majorité présidentielle. La diversité a des limites. Des limites, Charline Vanhoenacker, chroniqueuse sur France Inter, donne l’impression de ne pas en connaître. Dans une interview au Parisien, elle se réjouit sans ambages de l’arrêt de l’émission de Thierry Ardisson, qualifiée élégamment de « putassière », et reproche ni plus ni moins à Sud Radio que de dérouler le tapis rouge à l’extrême droite. Chacun en prend pour son grade. Sauf que Charline n’est pas général trois étoiles. Et c’est là tout le problème.
L’ouverture : un mantra qui oblige tout le monde en faisant mine de ne contraindre personne
Que l’on ne soit pas toujours d’accord avec son prochain, il n’y a jusque-là rien d’étrange. J’en veux pour preuve ma soutane qui crie au grand jour, à chacune de mes sorties, un désaccord avec une partie du monde. Le Christ lui-même appelle chaque baptisé à devenir un signe de contradiction. Il n’en reste pas moins que les portes de mon église sont ouvertes à tous et à chacun. Le mystère s’offre à qui veut s’en habiller. Un prêtre ne trompe personne en prêchant l’évangile : tout le monde sait que, pour lui, Jésus est la voie, la vérité et la vie. C’est même son métier de le dire, à temps et à contretemps. Lorsqu’il le proclame, ce n’est ni en vertu de sa personne, ni en raison de supposées « valeurs » mais au motif de convictions profondes. Il cherche à susciter le dialogue plutôt qu’à le couper court. L’évangile est inclusif par définition, il invite tout le monde mais n’oblige personne. A l’inverse, les progressistes font de l’ouverture un mantra qui oblige tout le monde tout en faisant mine de ne contraindre personne. Laurent Ruquier le reconnait lui-même dans les colonnes du Journal du Dimanche : « Nous sommes quotidiennement à la merci d’une minorité agissante qui n’est absolument pas représentative ».
Les tartuffes ne sont plus dans les cloîtres mais sur les réseaux sociaux. C’est « la dictature de Twitter et de Marlène Schiappa » précisera même l’animateur d’On n’est pas couché. On y distribue des bons ou des mauvais points en invoquant les « valeurs », dont les contours restent volontairement flous. On discrédite sur du sable. Et par n’importe lequel. Les valeurs, à l’image d’un portefeuille de titres pouvant se dévaluer, ce sable apparaît des plus mouvants.