…ont autant de réalité que ses racines lunaires. Sylvain Gouguenheim met un pavé dans la mare de la pseudo filiation culturelle monde occidental-monde musulman. Ce professeur d’histoire médiévale à l’Ecole normale supérieure de Lyon met à mal ce préjugé : le savoir grec antique (philosophie, médecine, mathématique, astronomie), après avoir tout à fait disparu d’Europe, a trouvé refuge dans le monde musulman, qui l’a traduit en arabe, l’a accueilli et prolongé, avant de le transmettre finalement à l’Occident, permettant ainsi sa renaissance, puis l’expansion soudaine de la culture européenne.
Cette vulgate n’est qu’un tissu d’erreurs. Même devenus ténus et rares, les liens avec Byzance ne furent jamais rompus : des manuscrits grecs circulaient. Durant les prétendus "âges sombres", des connaisseurs du grec n’ont jamais fait défaut, notamment en Sicile et à Rome. De 685 à 752 règne une succession de papes d’origine grecque et syriaque ! En 758-763, Pépin le Bref se fait envoyer par le pape Paul Ier des textes grecs, notamment la Rhétorique d’Aristote. Nombre de Pères de l’Eglise citent Platon et bien d’autres auteurs païens, dont ils ont sauvé des pans entiers. L’Europe est donc demeurée constamment consciente de sa filiation à l’égard de la Grèce antique, et se montra continûment désireuse d’en retrouver les textes.
Ce ne furent pas les musulmans qui firent l’essentiel du travail de traduction des textes grecs en arabe. Même ces grands admirateurs des Grecs que furent Al-Fârâbî, Avicenne et Averroès ne lisaient pas un mot des textes originaux, mais seulement les traductions en arabe faites par les Araméens chrétiens ! Parmi ces chrétiens syriaques, qui maîtrisaient le grec et l’arabe, Hunayn ibn Ishaq (809-873) forgea l’essentiel du vocabulaire médical et scientifique arabe en transposant plus de 200 ouvrages. Arabophone, il n’était en rien musulman, comme d’ailleurs pratiquement tous les premiers traducteurs du grec en arabe. Une vision déformée de l’histoire nous fait gommer le rôle décisif des Arabes chrétiens dans le passage des oeuvres de l’Antiquité grecque d’abord en syriaque, puis dans la langue du Coran.
La réception de la pensée grecque par les musulmans fut sélective, limitée, sans impact majeur sur les réalités de l’islam. Même en disposant des oeuvres philosophiques des Grecs, l’islam ne s’est pas véritablement hellénisé. Les traducteurs du Mont-Saint-Michel ont fait passer presque tout Aristote directement du grec au latin, plusieurs décennies avant qu’à Tolède on ne traduise les mêmes oeuvres en partant de leur version arabe. Au lieu de rêver que le monde islamique du Moyen Age, ouvert et généreux, vint offrir à l’Europe languissante et sombre les moyens de son expansion, il faudrait encore se souvenir que l’Occident n’a pas reçu ces savoirs en cadeau. Il est allé les chercher, parce qu’ils complétaient les textes qu’il détenait déjà. Et lui seul en a fait l’usage scientifique et politique que l’on connaît.
Somme toute, contrairement aux idées politiquement correctes, la culture européenne ne doit rien à l’islam.
Michel Janva (merci à DB)
agape
A quoi il faut ajouter que jusqu’au début du XIIème siècle la majorité de la population au Proche-Orient (Egypte comprise) n’était pas encore devenue musulmane …En particulier au cours du califat Omeyyade (premier age d’or de l’Islam avec comme capitale Damas) l’Islam était surtout la religion des gouvernants et pas celle des gouvernés…
jean-claude
Vous avez raison de mettre votre dernière phrase au présent. Pour le futur, nous verrons… Peut-être un jour sera-t-il justifié de dire que la culture regnant sur le continent européen est d’origine musulmane…
xango
il faut faire circuler ce post (avec internet,c’est rapide) car chez de nombreuses personnes de bonne foi ces vérités ne sont pas connues
henry
Jai lu également quelque part que les moines irlandais de l’âge d’or de l’Irlande, épargnée par les premières invasions,et qui furent des copistes remarquables, ont acquis de nombreux manuscrits antiques et en ont assuré la reproduction et la diffusion, tant en Irlande que dans leurs fondations monastiques ailleurs en Europe, jusqu’à ce que ces communautés soient plus tard dispersées par suite des invasions des 8 et 9 ème siècle. Pour les anglo-saxons, c’est l’Irlande qui a assuré le relai entre le monde antique et le Moyen Age. La fable de la transmission par les musulmans est une désinformation récente.
Philippe Edmond
Plus de détails sur le rôle de ces chrétiens, médecins et professeurs de philosophie des califes
http://www.lesbonsdocs.com/pages/mediterraneeaumoyenage.htm#medecinsyriaque
Hunayn ibn Ishaq fut l’un des plus importants, ayant refuse de fournir des poisons à son maître il fut jeté en prison et justifia son objection de conscience par sa foi et son attachement au serment d’Hippocrate.
http://www.lesbonsdocs.com/pages/mediterraneeaumoyenage.htm#sermenthunayn
senex
Enfin un historien qui ne rabâche pas les poncifs antichrétiens propagés par le Mammouth.Il va se faire traiter de “révisionniste”.A soutenir.Bravo.Merci de ce scoop.
HB
Encore un qu’il va falloir faire protéger!
Espérons au moins que ceux chargés de sa protection ne soint pas islamistes!
free
Pour une des rares fois que l’on peut apprécier un article du Monde. Il faut en profiter et le faire partager.
Nabulione
Merci à ce spécialiste de confirmer ce que nous savions tous avant le déchaînement de la propagande islamophile qui n’est pas sans rappeler celle des “Afrikanistes”, inspirés par l’illustre inconnu cheikh Anta-Diop !!!