Prêtre du diocèse de Paris et responsable de l’association La Luciole, le père Pierre de Parcevaux mène depuis plus de 40 ans un travail de terrain auprès des jeunes et des familles touchées par la drogue. Il est interrogé par Famille chrétienne à propos de la légalisation des salles de shoot. Extrait :
"Pourquoi créer un espace restreint pour des toxicomanes alors qu’il existe déjà beaucoup de centres où les personnes peuvent bénéficier d’un suivi médicalisé ? On entend les arguments concernant les questions d’hygiène et de sécurité, mais ces salles de shoot posent de nombreuses questions. Si elles ne sont ouvertes que 35 heures par semaine, que va faire le toxicomane en dehors de ces horaires ? Un héroïnomane a besoin d’une injection toutes les 4 heures, surtout la nuit. Comment fera-t-il ? Où est la responsabilité de l’hygiène si les consommateurs vont se piquer ailleurs en dehors des heures ouvrables ? Ce n’est ni respectueux, ni correct pour les consommateurs.
Y aura-t-il une présence policière aux alentours ? Quel sera le rapport entre les policiers et les consommateurs ? Ne risque-t-il pas d’y avoir une équivoque ? Peut-on mettre une répression dans un lieu où la loi dira qu’il sera possible de se piquer au vu de tout le monde ? Et pour tous ceux qui ont un casier judiciaire ou qui sont sous le coup d’une injonction de soins thérapeutiques, leur présence dans une salle de shoot sera-t-elle considérée comme une déviance ? Le sujet est mal posé. Avec ces salles de shoot, on veut faire du grand voyeurisme sous prétexte d’aider des malades dépendants.
Qu’en disent les consommateurs ?
Les usagers que nous avons consultés ne veulent pas y aller. Ils craignent d’être enfermés par une structure. Pour être acceptés dans une salle de shoot, les consommateurs ont besoin d’être identifiés. Or, du fait de leur marginalité, ils sont incapables d’accepter une telle obligation. Ils savent aussi que ce type de lieu favorise les rencontres. On y échange des adresses et des lieux pour se fournir ou se droguer. Je parlais dernièrement avec des jeunes, de récents consommateurs. Ils me disaient : « Est-ce que les salles de shoot ne m’inciteront pas à consommer d’autres produits ? À faire une recherche d’autres expériences ? ». Est-il judicieux de créer des lieux de rencontre pour se donner d’autres tuyaux, d’autres adresses, d’autres façons de consommer ? « C’est le meilleur moyen pour moi de continuer à me perdre », me disaient-ils. Vivre entre toxicos, il n’y a rien de pire pour eux. D’ailleurs, ces salles de shoot n’ont pas été demandées par les toxicomanes, mais par des personnes extérieures et des associations qui veulent libéraliser les produits stupéfiants. […]
Vous avez déjà été auditionné par le Sénat dans le passé sur des problématiques similaires. L’avez-vous été dans le cadre des salles de shoot ?
Non, c’est le black-out complet. Les structures comme la mienne ont été tenues à l’écart. L’association Espoir du Val-d’Oise est montée au créneau pour dénoncer cette non-consultation des structures de réhabilitation, de reconstruction et de revalorisation des toxicomanes. Les seuls qui ont été consultés sont ceux qui prônent la libéralisation de la drogue. […]"