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L'Eglise : L'Eglise en France

“Les traditions culturelles et liturgiques constituent une bouée de sauvetage plus que bienvenue”

“Les traditions culturelles et liturgiques constituent une bouée de sauvetage plus que bienvenue”

Environ 2000 pèlerins ont marché ce week-end vers Sainte-Anne d’Auray où une messe pontificale a été célébrée par Mgr Castet, évêque émérite de Luçon. La messe d’envoi avait été célébrée par l’abbé Raffray.

Dans Valeurs Actuelles, le père Danziec écrit :

40 ans. Une fine tranche de vie au regard de l’éternité. Une éternité au regard de la pente descendue. En 1985, à l’occasion d’une exposition itinérante Les Bretons et Dieu co-produite par l’Institut Culturel de Bretagne (I.C.B.) et par Buhez, association regroupant les musées d’archéologie, d’ethnographie et d’histoire de Bretagne, l’historien Alain Lacroix faisait remarquer une vérité qui n’a rien perdu de son évidence : « Comprendre la Bretagne d’aujourd’hui hors du phénomène religieux ne relèverait même pas du tour de force ». C’est que ce lien étroit, pour ne pas dire décisif et consubstantiel, entre la foi catholique et l’identité bretonne, la sagesse locale l’exprime au moyen d’un dicton synthétique : « Breton et Foi sont frère et sœur en Bretagne : Ar brezhoneg hag ar feiz a zo breur ha c’hoar e Breizh ».

Aussi, à l’heure où le catholicisme breton ne semble pas avoir échappé à la déferlante de la déchristianisation générale, une question se pose : Que reste-t-il aujourd’hui du catholicisme comme expression d’une foi inculturée ?

Depuis ses sept saints fondateurs, les fameux “pères de la patrie”, de saint Brieuc à saint Malo, de Tudgual à Tréguier ou Patern à Vannes, en passant par les grandes figures de prêtres comme Monsieur saint Yves ou saint Louis-Marie Grignion de Montfort, l’identité catholique de la Bretagne s’est tranquillement dessinée. Siècle après siècle, traditions, langue, architecture et musique bretonnes se sont constituées en parfaite osmose avec son âme religieuse. D’une façon quasi consubstantielle. Monseigneur Gourvès, évêque de Vannes jusqu’au début des années 2000, estimait, dans son ultime lettre pastorale intitulée Le renouveau de la culture bretonne ; un défi pour l’Eglise, que l’Eglise avait commis une très grave erreur en abandonnant la culture bretonne au tournant des années cinquante, même « là où elle aurait pu être sauvegardée ».

Cette déliquescence du catholicisme breton, l’historien Yvon Tranvouez en a livré une étude documentée, au titre évocateur : La Puissance et l’effacement (Presses Universitaires de Rennes, 2022). Son constat est implacable : « La Bretagne catholique a longtemps été une évidence, et voilà qu’elle ne l’est plus. On se souvient de sa puissance d’hier, on s’étonne de son effacement d’aujourd’hui ». En effet, non épargnée par la trahison de ses clercs dans le sillage des années post-conciliaires, la Bretagne a fait les frais de l’apparition d’une nouvelle religion hors-sol, laïcisée et mondialiste. Patrick Buisson, qui consacre dans son monumental ouvrage La fin d’un monde, plusieurs chapitres à l’effondrement du christianisme, rappelle le cas d’école de la Bretagne, où il n’y eut « pas de pitié pour la piété populaire ».

Identité, un mot honni

Il n’empêche, s’il existe un lien particulier entre la Foi et l’identité bretonne, on comprendra aisément que la croissance de l’une et la défense de l’autre ne se réaliseront qu’à leur profit mutuel. Le projet, spirituel et culturel, de l’association Feiz e Breizh est à cet égard éloquent. Sous le triptyque Foi – Tradition – Patrimoine, l’objectif est d’offrir aux Bretons la possibilité de renouer avec leur riche héritage patrimonial. Selon ses dirigeants, il ne saurait y avoir de fatalité au drame de l’effondrement du catholicisme en Armorique. Le pèlerinage à Sainte-Anne-d’Auray qu’ils organisent à la fin du mois de septembre, et qui se termine aujourd’hui avec une affluence record de plus de 2000 pèlerins, est devenu, en l’espace de quelques années, le plus important pèlerinage de Bretagne. Feiz e Breizh ou un état d’esprit qui claque comme une devise, faisant communier piété et culture bretonne dans une même ferveur. Un enrichissement mutuel pour le salut des âmes et la préservation d’une identité.

“Identité”, ce mot honni par les pédants et que les déracinés ont frappé d’anathème. “Identité” que les démiurges postmodernes veulent pouvoir modifier à leur guise. Oui, l’identité est bien le lieu décisif d’une partie majeure des tourments actuels. Dans son corps et dans son âme, l’homme de 2024 essuie de plein fouet, tel un petit mousse hébété, une tempête concentrée, identitaire et spirituelle. Ce drame intérieur fera jusqu’à faire dire au pape François lui-même : « Il n’y a pas pire aliénation que de faire l’expérience de ne pas avoir de racines ». Par son développement insolent Feiz e Breizh manifeste combien les traditions culturelles et liturgiques constituent une bouée de sauvetage plus que bienvenue. Bouée que le diocèse de Quimper vient pourtant de rejeter de façon invraisemblable, la communauté zélée des prêtres célébrant la messe ancienne étant priée de cesser son œuvre évangélisatrice… Quelle pitié ! Il faut le dire sans peur : dans le naufrage actuel des repères d’antan, le secours ne vient pas tant de la course au progrès que de la sagesse du passé. Les vieux pots ne font pas seulement les meilleures confitures, ils nous enseignent qu’on ne se moque pas du passé impunément.

Bertrand de Tinténiac, président du pèlerinage, en est persuadé :

« C’est bien parce que nous ne voulons pas nous abandonner à l’idéologie du monde et d’une chrétienté sans racine, coller à l’ère du temps, si prompt à suivre les humeurs de l’instant, et voguer au gré des modes et des influences, que Feiz e Breizh rassemble si largement ».

La Tradition, réalité devenue incontournable

Fort de l’engouement autour de ce double enracinement identitaire et liturgique, l’écosystème traditionnel a de beaux jours devant lui ! Pèlerinage de Chrétienté à Chartres, Feiz e Breizh à Sainte-Anne-d’Auray, sa petite sœur provençale Nosto Fe (qui organise un pèlerinage enraciné et traditionnel les 5 et 6 octobre prochains à Saint-Maximin) : partout où se trouve un peuple chrétien prêt à marcher derrière la croix, pourvu qu’il puisse communier dans un écrin rituel digne de la culture et de l’histoire de son pays, la chrétienté reste non seulement en marche mais conserve toute son énergie missionnaire ! « La Tradition, remède à la déchristianisation » sera justement le thème des 3èmes assises de la Tradition organisées à l’espace Saint-Martin (Paris, 3e) le samedi 12 octobre à venir, preuve supplémentaire de la dimension incontournable de l’univers traditionnel dans l’Eglise de France.

Se replonger dans une telle atmosphère n’est pas affaire de folklore ni même un moyen de survie. Dans un monde sans repères et sans Dieu, il est un préalable à tout redressement culturel et à toute résistance spirituelle. Et l’espoir d’une résurrection.

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