Cap sur la Provence, dans cette région de France où la vigne y est cultivée depuis le plus longtemps ! En effet, ce sont les Grecs qui apportent la vigne en Gaule par les ports méditerranéens comme Massalia (Marseille), Nikaia (Nice) ou encore Antipolis (Antibes), qui leur servent de comptoirs. Aujourd’hui la région rassemble de très grands vins et les appellations prestigieuses comme « Châteauneuf du Pape » près d’Avignon. La Provence compte également de très nombreux monastères dont certains produisent du vin, appelé donc “vin d’abbaye”. Allez hop, on vous emmène faire le tour de quatre abbayes provençales qui réalisent d’excellents vins 100% monastiques !
Premier arrêt desservi : l’abbaye de Jouques dans la vallée de Durance
L’abbaye de Jouques possède de nombreuses vignes – © Abbaye de Jouques
Assez récente, puisque fondée en 1967, l’abbaye de Jouques se situe sur un petit plateau surplombant la vallée de la Durance. Aujourd’hui 45 sœurs bénédictines y suivent la règle de saint Benoît “prie et travaille”. Entre leurs sept offices quotidiens (dont le premier est à cinq heures du matin !), les sœurs travaillent de leurs mains pour assurer leur subsistance : tapenades aux olives noires, vins, petit atelier de reliure etc…
Côté vignoble, les sœurs produisent leur vin monastique sous l’appellation “coteaux-d’Aix-en-Provence”. Plus de huit hectares de vignes sont ainsi entretenus toute l’année et vendangés par les sœurs au moment des récoltes vers septembre.
Pour les soeurs manifestement, tout cela est prétexte à la joie et au rires ! Voici deux beaux exemples :
- Une parcelle de vignes, très capricieuse et dure à entretenir, s’appelait par exemple “la parcelle Saint-Jérôme”, en référence au saint, connu pour ses grandes colères. Depuis elle a été arrachée, mais l’histoire reste !
- Plus récemment, les soeurs ont sorti une nouvelle cuvée : un vin rouge baptisé “Louange”. Pourquoi ce nom ? Eh bien sur l’étiquette des premières bouteilles, on pouvait y lire : “Sa louange sera toujours sur ma bouche”…
Qui a dit que les religieuses de l’abbaye de Jouques n’avaient pas d’humour ?
Deuxième arrêt : l’abbaye du Barroux au pied du mont Ventoux.
Un moine du Barroux en train de vérifier ses vignes ! © Abbaye du Barroux
Aussi arrivés en Provence dans les années 70, les moines de l’abbaye du Barroux suivent aussi la règle bénédictines. Les 55 moines sur place prient donc huit fois par jour, avec le premier office, les matines, à 3h30 du matin !
Côté travail, les moines se sont donnés, et notamment sur un grand projet viticole : Via Caritatis. Cette “Voie de la Charité” unifie ainsi le savoir des vignerons à la sagesse des moines, tout en unissant leurs forces pour mieux répartir leurs coûts. Financièrement, tout le monde s’y retrouve mieux, et cela permet de créer de la valeur pour la région. Gagnant gagnant ! Un de leurs efforts est de produire en bio et en effectuant notamment la majeure partie de leur travail à la main !
Alors ensemble, ils bossent sur plusieurs aspects, qui font que leurs vins s’affinent chaque année de manière toujours plus réussie ! En particulier, les moines relèvent trois points :
- Grâce à la densité élevée de pieds de vignes sur leurs huit hectares de vignoble, les vins des moines sont particulièrement concentrés, c’est-à-dire que les arômes y sont très développés.
- Le climat provençal est très favorable à des raisins bien mûrs, grâce à son soleil et à sa chaleur, naturellement régulés par le vent méditerranéen (dont la force chasse aussi les parasites qui peuvent abîmer la vigne!)
- L’héritage historique de sublimes parcelles… Le vignoble cultivé par les moines appartenait au pape au XIVe siècle ! Si si, ce fut un des tout premiers vignobles pontificaux… Il porte donc tout un héritage avec lui !
Bref, leurs vins sont exceptionnels à plus d’un titre, mais surtout… ce n’est que le début !
Troisième arrêt : le monastère de Solan près d’Avignon.
Au monastère de Solan, tout est cultivé en bio ! © Monastère de Solan
Le monastère de Solan est tout récent dans le paysage monastique. Ces religieuses orthodoxes sont arrivées dans la région d’Avignon dans les années 1990 mais leur histoire commence il y a mille ans, sur la presqu’île grecque du mythique Mont Athos ! D’abord installées dans le Vercors, les religieuses s’installent finalement à côté d’Avignon dans un lieu plus grand appelé “Solan” en raison de leur nombre (les bâtiments n’étaient plus adaptés!). Aujourd’hui, dix-sept sœurs orthodoxes habitent le monastère de Solan et y vivent un mode de vie monastique traditionnel, s’inspirant notamment des préceptes de saint Basile (IVe siècle).
À Solan, tous les produits des sœurs sont issus de l’agriculture biologique : « Nous préférons confier notre terre à saint Gilles, notre patron, plutôt qu’aux produits chimiques » plaisante Mère Hypandia. Le vin des moniales n’échappe pas à la règle, il est bio.
Pour ce faire, elles ont mis en place de nombreuses techniques rudement efficaces :
- Elles enrichissent leurs sols avec notamment du fumier et du marc de raisin composté
- Elles recouvrent les sols de paille pour les protéger du soleil et stopper les mauvaises herbes
- Et pour lutter contre les maladies de la vigne comme l’oïdium ou le mildiou, les sœurs utilisent aussi de petites quantités de cuivre et de soufre, qu’elles associent à des extraits de plantes (purins, tisanes…) ou à des petites roches broyées.
Bref, les sœurs de Solan débordent ainsi d’ingéniosité pour respecter la création et produisent ainsi sans mauvais jeux de mots, de “bons” vins ! Cerise sur le gâteau, les sœurs étiquettent leurs cuvées de vin d’abbaye avec les noms de saints : « Sainte Sophie », « Sainte Catherine » ou bien « Saint Simon »… Comme ça, leurs spiritueux sont aussi spirituels !
Quatrième et dernier arrêt : l’abbaye millénaire de Lérins sur l’île Saint-Honorat.
L’abbaye de Lérins est entourée de vignes ! – © Divine Box
L’abbaye de Lérins est l’une des plus anciennes de France, qui plus est toujours en activité ! Son histoire débute avec saint Honorat qui s’installe sur l’île de Lérins en 410 après J.C., pour trouver le calme. Rapidement, d’autres moines le rejoignent et la communauté s’agrandit. Aujourd’hui, après de nombreuses péripéties au long de l’Histoire, 21 moines cisterciens vivent paisiblement selon la règle de saint Benoît “Ora et Labora” (ce qui signifie “Prière et Travail”) à l’abbaye de Lérins. Et les moines ne chôment pas ! Huile d’olive, liqueurs ou vins d’abbaye, leur production est typiquement méditerranéenne. Allons donc un peu plus en détail dans la production de leurs vins monastiques !
Le vignoble de l’abbaye de Lérins se distingue par trois facteurs clefs :
- Un terroir exceptionnel. L’île est en effet constituée d’un mélange de roches calcaires et de dolomites (une roche marine pleine de magnésium), le tout recouvert d’un limon argileux. Tout est parfait pour l’implantation de la vigne : le calcaire retient les éléments nutritifs, les dolomites conservent la neutralité du sol et le limon argileux est parfait pour le drainage des eaux de pluie. La nature bichonne elle-même les vignes !
- Un climat avantageux. Le soleil et la chaleur méditerranéenne sont adoucis par des vents marins chargés d’humidité. Bref, le tout pour une vigne forte.
- Un mode de production respectueux de la nature. Cela s’illustre de différentes manières. Par exemple, les moines, proches de la Création, font tout à la main : ébourgeonnage, vendanges et vinification. Ensuite, les frères cisterciens n’utilisent aucun herbicide ! Il faut dire que le sel apporté par la brise marine se charge de nettoyer le sol, ce qui est donc très pratique…
Ces trois forces font l’excellence des cuvées de Lérins. Elles sont d’ailleurs réputées dans le monde monastique mais aussi et surtout au-delà, jusqu’au Japon ! Les moines sortent ainsi chaque année environ 40000 bouteilles de vin, réparties en 5 vins rouges et 3 vins blancs. Pour couronner le tout, les vins de l’abbaye de Lérins ont été servis plusieurs années de suite au jury du festival de Cannes et même à la table du G20 ! Pas mal non ?
Et pour goûter tous ces bons vins monastiques ?
Pour goûter les vins d’abbayes, vous pouvez vous rendre directement sur place. Voici les adresses des 4 abbayes présentées :
- Abbaye de Jouques, Chemin du Pey, Autoroute du Val de Durance, 13490 Jouques
- Abbaye du Barroux, 1201 Chemin desRabassières, 84330 Le Barroux
- Monastère de Solan, 1942 Route de Cavillargues, 30330 La Bastide-d’Engras
- Abbaye de Lérins, Île Saint-Honorat, 06400 Cannes
Ou bien sinon, vous pouvez acheter en ligne les produits des abbayes !