La transcription du discours de Dominique de Villepin à l’Assemblée est en ligne ici.
Ce discours comporte des aspects positifs. D’abord les mesures policières (extraits du discours):
Le conseil des ministres a adopté ce matin un décret sur la base de la loi de 1955 autorisant les préfets, sous l’autorité du ministre d’Etat, à mettre en œuvre des mesures de couvre-feu.
Un décret simple établira la liste des communes concernées. Ces textes excluent expressément tout contrôle des médias.
Sur la base d’arrêtés préfectoraux, des mesures d’interdiction ou de restriction de la circulation des personnes et des véhicules pourront être appliquées à certaines communes ou parties de communes. Le refus de s’y soumettre donnera lieu à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux mois d’emprisonnement. Les préfets pourront aussi utiliser l’assignation à résidence ou l’interdiction de séjour à l’encontre des fauteurs de troubles, et exiger la remise des armes ou leur confiscation.
Enfin, des lieux publics pourront être fermés s’ils deviennent le point de rassemblement de bandes. Des perquisitions pourront être opérées, de jour comme de nuit, notamment au domicile des personnes ayant lancé des projectiles ou tiré sur les forces de l’ordre.
[…] Ces dispositions sont applicables pendant douze jours. Au terme de ce délai, si les circonstances l’exigent, le Gouvernement vous proposera un projet de loi en autorisant la prorogation.
Est aussi bienvenue l’évocation de l’immigration clandestine :
[C]ertains déséquilibres sociaux viennent de la persistance de flux insuffisamment maîtrisés d’immigration illégale. Comment faire fonctionner la dynamique d’intégration et la promotion éducative et sociale, si chaque jour, des individus arrivent illégalement sur notre sol ? Les autres habitants de ces quartiers, qui font pourtant les efforts nécessaires, en sont les premières victimes !
L’Etat doit lutter davantage contre l’immigration clandestine, source d’exploitation et de misère. Notre responsabilité et notre volonté est de reconduire dans leurs pays tous ceux qui tentent de rester en France sans y être autorisés.
Si seulement le Premier ministre s’était arrêté là ! Mais il a cru devoir annoncer un catalogue de mesures sociales, dont on sait d’expérience le coût et l’inefficacité (sauf celles sur l’apprentissage.) En plus de celles annoncées hier sur TF1, il a annoncé l’extension des pouvoirs de la HALDE, avec maintenant celui d’imposer des sanctions extra-judiciaires :
La lutte contre toutes les discriminations doit donc devenir une priorité pour notre communauté nationale. Celles-ci sont aujourd’hui une réalité pour tous les habitants des quartiers sensibles, lorsqu’ils cherchent un logement ou un emploi ou lorsqu’ils veulent accéder à certains loisirs. […] Nous disposons d’un outil essentiel mis en place par le Président de la République…[…] La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, présidée par Louis Schweitzer…[…] Elle est le fer de lance de ce combat, parce qu’elle aide les victimes des discriminations. En trois mois, elle a reçu près de mille plaintes, dont plusieurs ont été adressées à la justice. J’ai décidé de renforcer ses pouvoirs. La HALDE pourra désormais décider elle-même de sanctions contre les auteurs de discriminations.
Le plus grave n’est cependant le détail des mesures "sociales", mais leur principe : elles légitiment les émeutes de ces derniers jours, et entérinent l’idée que c’est la société qui en est responsable. C’est exactement l’attitude que dénonçait Alain Finkielkraut dans Le Point du 12 mai dernier [pour éviter les contresens : les idées qu’il énonce au début le sont ironiquement]:
Il faut écarter toute idée de dette à l’égard de la France. Au contraire, c’est la France qui doit payer sa dette. Je ne vois pas sur quoi peut déboucher un tel appel, sinon sur l’entretien d’un climat de guerre civile. […]
Quand un "petit Blanc", un skinhead ou un supporter abruti se livrent à des agressions verbales ou physiques de type raciste, ils sont d’horribles salauds. Quand ces violences sont le fait de jeunes issus de l’immigration, elles sont imputées à la société, c’est-à-dire encore une fois à l’Occident raciste, sûr de lui-même et dominateur.
Historiquement – on peut même dire géopolitiquement, peu importe désormais que les émeutes s’arrêtent ce soir, ou dans quelques jours : du fait de ces mesures c’est déjà l’émeute qui a gagné, et l’Etat qui a perdu. Villepin a accepté de payer une rançon "sociale" aux criminels – maintenant, les ravisseurs peuvent ou non relâcher l’otage, cela ne change rien au fait que ce sont eux les gagnants. Et qu’ils sont encouragés à recommencer tôt ou tard.