Nous avons déjà évoqué la manière dont les médias internationaux traitent les émeutes franciliennes. A l’heure où j’écris, elles figurent par exemple en bonne place sur le Drudge Report aux Etats-Unis, ainsi que sur le site d’Al Jazeera.
Dans les médias anglo-saxons, trois types de réactions sont intéressantes :
– Sur le site du Wall Street Journal, on devine une satisfaction narquoise devant ces événements. James Taranto en profite pour mettre en cause le "modèle social européen" : "La France semble avoir de profonds problèmes de société. […] Le chômage global en France est de 9,8%, mais pour les Français de moins de 25 ans il est au taux stupéfiant de 23%. Mais bon, au moins ils ont ‘une couverture maladie gratuite.’ " Ironie injuste et déplacée ? Sans doute, mais pas plus que les sarcasmes de la presse française après Katrina…
– Nous avions remarqué que la presse anglo-saxonne était souvent plus explicite que la notre pour décrire le caractère ethnique et confessionnel des émeutes. Mais certains observateurs trouvent que ces médias aussi s’auto-censurent. Des contributeurs au blog de National Review s’en plaignent :
"Je viens de regarder un reportage de trois minutes sur CNN à propos des émeutes de Paris, où les mots "Islam" ou "musulmans" n’ont pas été prononcés une seule fois. Il n’a désigné les émeutiers que comme des "immigrants ethniques". Qu’on ne me dise pas que ce n’est pas volontaire." (Ici)
"Plus tôt dans la soirée, j’ai écouté un reportage sur [la radio "publique américaine] NPR à propos des émeutes françaises, et ce n’est [qu’au bout de 2 minutes] qu’il y a eu la moindre mention de qui, en fait, participait aux émeutes. Quand elle est arrivée, elle disait des émeutiers que ‘leurs parents sont venus en France d’Afrique du Nord dans les décennies suivant la deuxième guerre mondiale..’ " (Ici)
– La dernière réaction est peut-être la plus inquiétante. C’est celle de EU Referendum, un blog souverainiste britannique. Il trouve que les médias internationaux sont trop bienveillants envers la France. Il met en cause la police française "qui n’emploie pas la douceur", et demande : "Imaginez simplement le traitement médiatique qui serait fait de ces émeutes si elles se déroulaient au centre de Washington."
Cette dernière remarque nous rappelle qu’en effet, la France n’est pas à l’abri, à l’occasion de troubles dans les années à venir, d’une diabolisation internationale à mesure qu’elle réagirait. Vladimir Volkoff, sous le coup de la colère, le demandait après les bombardements de la Serbie en 1999 : "A qui le tour ?" :
"Nous essayons de ne pas voir à quel point certaines de nos banlieues sont déjà devenues des enclaves islamiques, mais il n’est pas exclu du tout qu’un ‘front de libération’, récupérant les énergies qui y sont éparses et dont nous ne faisons rien, ne commence à y commettre des actions terroristes. […]
"Dans ce cas, que fera le gouvernement français ? Cèdera-t-il immédiatement […] ?
"Vraisemblablement, il décidera plutôt de maintenir l’ordre, n’y mettre pas aussitôt les moyens nécessaires, autant par économie que par démagogie, et, quand la police aura été débordée, il enverra l’armée. […]
"Songeons en tout cas que, ce jour-là nous ne serons plus la ‘cible’ de l’opération de désinformation [le public visé, NDR], mais son ‘support’, et que ce n’est pas une situation enviable, comme les Serbes viennent de l’éprouver à leurs dépens." (In Désinformation flagrant délit)