Le Parisien faisait paraître le 3 juin un entretien très intéressant avec Jean-Marc Gadoullet, 53 ans, ancien colonel du service action de la DGSE, qui avait négocié la libération des cinq otages français salariés d'Areva et Vinci, enlevés par Aqmi en 2010 au Niger. Il raconte notamment comment il s'est retrouvé impliqué dans ces négociations, et comment Vinci et Areva lui avaient délégué cette mission. Il dit aussi comment il s'est appuyé sur les rapports de confiance qu'il avait établis avec les Touaregs, confiance grâce à laquelle il a pu rencontrer Abou Zeid, le chef des combattants d'Aqmi, et négocier avec lui la libération des otages. Il dit aussi avoir été évincé de la suite des négociations par une cabale politico-médiatique, et que les sommes qu'il doit aux Touaregs, il n'a toujours pas pu les leur verser, car Vinci et Areva ne l'ont toujours pas payé.
Otages du Niger : le négociateur raconte les… par leparisien
David Hornus (directeur de la société Corpguard et négociateur dans le cadre des polices d’assurance kidnapping et rançon pour un des leader mondiaux du risk management) exprime l'idée que l'Etat ne devrait pas s'impliquer directement dans les négociations pour libérer des otages. En effet, les négociations entamées par Jean-Marc Gadoullet l'ont été sous le gouvernement Sarkozy en 2011 après qu'une autre équipe, mandatée par le PDG d'Air-France, ait tenté en vain de prendre l'ascendant. Après quoi Jean-Marc Gadoullet a été évincé en décembre 2012, soit 6 mois après l'élection de Hollande, au profit d'une équipe marquée politiquement à gauche. Où l'on voit que la "chasse aux sorcières opérée brutalement par les socialistes compromet en cascade tout un délicat travail de diplomatie :
"En décembre 2012, alors que 4 otages français restent encore aux mains du même groupe, contre toute attente, Jean-Marc GADOULLET est « débranché» par le directeur de la DGSE, Erard Corbin de Mangoux, sur les instructions de l’Elysée passée depuis 6 mois sous la Présidence de François HOLLANDE.
Il obtiendra néanmoins un sursis jusqu’au 10 janvier. Le déclenchement de l’Opération Serval en janvier 2013 gèle toutes les communications entre les protagonistes.Il faut ensuite attendre Mai 2013 pour que les négociations reprennent. Le Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, prend l’affaire à son compte et opte pour la solution d’une société privée proche des réseaux Fabiusiens.
Bernard Bajollet a entre temps remplacé Erard Corbin de Mangoux à la tête de la DGSE ; Jean-Marc Gadoullet a quant à lui été « remercié ».
Ainsi, à l’encontre de toutes les règles de gestion de crise, le « négociateur » en titre, connu des parties en présence est dessaisi au profit d’une autre équipe. La 3ème en 3 ans !Le message envoyé aux preneurs d’otages et aux intermédiaires est dévastateur. Il prouve que les « intervenants» privés ne sont que des jouets aux mains des politiques qui en changent au gré des accointances, ou au profit de manœuvres politiciennes.
Cette stratégie à courte vue, remet en question la neutralité même du négociateur au regard d’intérêts politiciens, brise irrémédiablement le lien de confiance entre le preneur d’otage et le négociateur faisant peser sur sa vie et celle des otages un risque majeur.
Si une collaboration public/privée est de circonstance dans de telles opérations, il est indiscutablement contreproductif de voir l’Etat s’impliquer sans stratégie ni mode opératoire cohérent.
Qui plus est, le rythme politique impulsé par l’Etat n’est pas en adéquation avec les contraintes d’agenda d’une négociation. Deux visions s’achoppent : le politique a la montre, les preneurs d’otages ont le temps."[…]
Evidemment, comme le tempo de notre diplomatie est donné par les élections et calé sur le rythme infernal du quinquennat, il est difficile de trouver une cohérence à notre diplomatie au-delà des échéances électorales.