Le rapport de Bertrand Fragonard, qui doit être débattu jeudi au sein
du Haut conseil de la famille, prévoit de réformer les allocations familiales, qui ne seront donc plus des allocations familiales, mais des aides fiscales pour les familles. Comme pour le mariage, les mots ont un sens. C’est le principe même des allocations
familiales qu’elles ne soient pas fiscalisées ni délivrées sous
conditions de ressources. C’est dans leur définition. Il ne s’agit pas d’un revenu. On
peut envisager des aides aux familles qui soient
fiscalisées, mais ce ne sont plus des « allocations familiales ». Il
faut leur donner un autre nom.
Dans son numéro de fin janvier 2011, Yves Daoudal racontait l'histoire des allocations familiales:
"Les allocations familiales n’ont pas
été inventées par le régime de Vichy, ni
par un autre régime. Il s’agit d’une initiative
privée. Elles ont été inventées par
un homme qui s’appelait Emile Romanet,
l’un des grands noms du christianisme
social.
Pour être précis, il faut en revenir,
comme souvent sur ces questions, à
l’industriel catholique Léon Harmel. En
1891, Léon Harmel est l’un des premiers
lecteurs de l’encyclique Rerum novarum
de Léon XIII. En fait il a déjà institué
dans son entreprise diverses structures,
dont des caisses de soutien mutuel, qui
anticipaient (et ont inspiré) l’encyclique.
En 1891, pour répondre précisément au
voeu de Léon XIII sur le juste salaire, il
décide d’instaurer dans son entreprise
un « sursalaire familial » : une allocation
versée en sus du salaire aux ouvriers
qui ont des enfants en bas âge ;
bref, des allocations familiales au sein
de l’entreprise.
Léon Harmel est alors très influent
dans les cercles catholiques qui réfléchissent
aux divers aspects de la doctrine
sociale de l’Eglise en gestation, notamment
à la question du salaire familial.
Dans ces années-là, un jeune salarié
d’une entreprise de chaudronnerie de
Grenoble, Emile Romanet, fréquente
le cercle Saint-Bruno. On y étudie
l’encyclique de Léon XIII, et il
s’intéresse particulièrement à la question
de la famille et à celle du juste salaire. Il
finit par conclure qu’il faut compléter le
salaire en fonction des charges de famille.
En 1897 il devient co-patron de
l’entreprise. Son idée chemine, et en
1915 il fait une enquête pour déterminer
ce que sont les besoins des familles
selon le nombre d’enfants. En 1916, en
accord avec l’autre co-patron (l’héritier
du fondateur), il institue les allocations
familiales dans l’entreprise. Puis il
convainc le syndicat des constructeurs,
mécaniciens, chaudronniers et fondeurs
de l’Isère de faire de même: le 29 avril
1918 est créée une « caisse de compensation
». Les allocations familiales
sont nées.
L’idée même du salaire familial,
quelle que soit sa forme, était combattue
par les libéraux, qui faisaient valoir que
cela renchérissait les coûts et pénalisait
donc l’entreprise au profit des concurrents,
et que les salariés ayant charge
de famille seraient pénalisés car les employeurs
hésiteraient à les embaucher.
La caisse de compensation constituait
justement une réponse aux libéraux,
comme l’expliquait Emile Romanet
devant l'Union fraternelle du commerce
et de l'industrie de Lyon en octobre
1918: « Pour éviter que, dans une
industrie, le patron ne soit influencé
dans le choix de ses ouvriers par la
perspective de ses charges de famille,
jugées excessives pour lui, le
Syndicat des constructeurs (de Grenoble)
a décidé de prendre à sa
charge le paiement de la totalité des
allocations familiales. Une caisse
spéciale a été établie; elle est alimentée
par les industriels au prorata du
nombre d'ouvriers qu'ils occupent.
Elle porte le nom de Caisse de compensation
des indemnités et allocations
de famille. »
Et les caisses de compensation se
mirent à fleurir un peu partout, sous
l’influence des cercles catholiques et des
syndicalistes chrétiens : la CTFC était
née en 1919 de l’union de 321 syndicats
se réclamant de Rerum novarum. Dès
1920 est créé, sous l’impulsion de Mathon
Motte, un industriel de Roubaix, le
« Comité central des allocations familiales
», un centre d’étude et de documentation
destiné à populariser cette initiative.
Son slogan est : « Une mesure
qui paie ». Le comité met en avant que
les allocations familiales favorisent la natalité,
donc le renouvellement de la main
d’oeuvre, montre aux ouvriers que les
patrons respectent la famille, leurs familles,
et attache à l’entreprise des
hommes d’ordre et de fidélité.
En 1930, on comptait 230 caisses de
compensation, 32000 entreprises adhérentes, 1 880 000 salariés couverts,
480 000 familles allocataires. En fait,
cette rapide extension montre que nombre
de patrons étaient mus par
d’authentiques valeurs morales, principalement
par le souci de la famille.
Naturellement, la CGT y était opposée.
En 1929, la CFTC élabore une proposition
de loi de généralisation des allocations
familiales. Elle est déposée par
le groupe démocrate chrétien, transformée
en projet de loi par le gouvernement
Poincaré, votée sous le gouvernement
Tardieu en mars 1932.
Le Comité central des allocations familiales
était hostile à une loi. La CFTC
faisait valoir que le volontariat avait atteint
ses limites, et surtout que la situation
provoquait ce que l’on appelle aujourd’hui
une discrimination, entre les salariés
bénéficiant d’allocations familiales
et ceux qui n’en bénéficiaient pas, et
entre les entreprises. Au fond, la loi était
dans la ligne de ce que disait Emile Romanet
devant l'Union fraternelle du commerce
et de l'industrie de Lyon.
Le dispositif restait identique, fondé
sur des caisses de compensation indépendantes
(dès le départ elles avaient
été constituées en associations selon la
loi de 1901). Mais la loi rendait obligatoire
l’adhésion des entreprises. Et les
caisses devaient être agréées par un décret
du ministère du Travail, ce qui permettait
au gouvernement de ne pas imposer
l'obligation de payer des allocations
familiales là où, pour une raison ou
une autre, elles mettraient les entreprises
en péril.
On voit qu’il n’y eut pas étatisation
des allocations familiales, et que
l’obligation du décret était une mesure
conforme à la subsidiarité.
Par la suite il y eut en 1938-1939 diverses
modifications, notamment
l’extension des allocations familiales aux
non-salariés (puis aux chômeurs sous le
régime de Vichy), la fixation d’un taux
minimum, puis l’uniformisation des taux,
la création d’un fonds national de compensation.
En 1945, la CFTC, le MRP et diverses
associations familiales
s’élevèrent contre le projet de sécurité
sociale unique. Et l’ordonnance du 4 octobre
1945 « portant organisation de
la sécurité sociale » reconnut le principe
d'une administration séparée des
allocations familiales. Les « caisses de
compensation » deviennent des « caisses
d’allocations familiales », mais les
entreprises sont toujours les seules à financer
la caisse. La différence est que
les caisses sont désormais constituées
conformément à la loi de 1898 sur les
sociétés de secours mutuel: il en résulte
que la gestion n'est plus assurée par les
employeurs, mais par les allocataires.
Ce dispositif devait être provisoire.
Mais les partisans du système unique de
prestations sociales furent de nouveau
battus en décembre 1946, et la loi 21 février
1949 assura définitivement l'autonomie
des caisses d'allocations familiales.
On voit donc qu’il ne s’agit pas
d’étatisme. Ce n’est pas l’Etat qui dirige
les caisses, et ce n’est pas l’Etat qui les
remplit.
Quand bien même ce serait l’Etat (et
l’on vient de voir que ce n’est pas le cas),
ce ne serait pas pour autant illégitime du
point de vue de la doctrine sociale de
l’Eglise, donc les catholiques n’auraient
pas à avoir honte d’un système qui ne
serait ni socialiste ni socialisant, mais
simplement conforme au principe de
subsidiarité : l’Etat doit aider les corps intermédiaires
qui ont besoin d’aide pour
remplir leur mission.
Il suffit de suivre, même de loin, les
discours et homélies de Benoît XVI pour
constater qu’il insiste (comme Jean-Paul
II avant lui) sur le devoir de l’Etat de reconnaître,
protéger et soutenir la famille.
Pour prendre un seul exemple, ce qu’il
disait lors de la dédicace de l’église de
la Sagrada Familia à Barcelone, le 7 novembre
dernier : « L’Église demande
donc des mesures économiques et
sociales appropriées afin que la
femme puisse trouver sa pleine réalisation
à la maison et au travail, afin
que l’homme et la femme qui
s’unissent dans le mariage et forment
une famille soient résolument soutenus
par l’État, afin que soit défendue
comme sacrée et inviolable la vie des
enfants depuis le moment de leur
conception, afin que la natalité soit
stimulée, valorisée et soutenue sur le
plan juridique, social et législatif. »
Et le compendium de la doctrine sociale
de l’Eglise souligne : « Le service
rendu par la société à la famille se
concrétise dans la reconnaissance, le
respect et la promotion des droits de
la famille. Tout cela requiert la mise
en oeuvre de politiques familiales authentiques
et efficaces avec des interventions
précises capables de faire
face aux besoins qui dérivent des
droits de la famille en tant que telle.
En ce sens, la condition nécessaire,
essentielle et incontournable est la
reconnaissance — qui comporte la
protection, la mise en valeur et la promotion
— de l'identité de la famille,
société naturelle fondée sur le mariage.»"
Batemberg
Cahuzac vient d’avouer être le titulaire de comptes en Suisse et à Singapoor
lama12
Quand ma femme recevait des allocations familiales (sauf sous Jospin an I), je me rappelle avoir comparé le montant de ses allocations avec les cotisations perçues à partir de mon salaire (la distinction entre part salariale et patronale est byzantine), et m’être dis que ce serait plus simple et moins couteux, que ce soit l’entreprise qui lui verse ses allocations directement !
Jean Theis
Très intéressant. Jamais entendu auparavant.
BOIREAU
Les allocations familiales sont une appel d’air considérable pour les familles étrangères.
Autres temps, autres meurs.
Il faut les supprimer pour que les femmes de confessions musulmanes ne fassent plus des enfants en quantité, uniquement pour recevoir ces allocations.
Jef
@ Boireau
Avant de supprimer les allocations françaises, on pourrait les réserver aux Français (+ éventuellement aux travailleurs étrangers QUI COTISENT en France).
Cela suffirait déjà à réaliser de colossales économies.
Mais cette simple mesure, si conforme au plus élémentaire bon sens, fait dresser les cheveux sur la tête à notre classe politique (toujours si généreuse… avec l’argent des Français).
Même le FN ne la réclame plus avec la même énergie qu’autrefois – comme s’il avait honte.
C’est bien simple : nous marchons complètement sur la tête, en TOUT domaine…
Michelam
On ne s’étonnera de rien quand on se rappelle que c’est J-M Ayrault qui a nommé récemment un magistrat de gauche (tiens bizarre!) B. Fragonard à la tête de la commission qui a pondu le rapport sur la famille, en lui adjoignant 9 membres supplémentaires au sein du Haut Conseil pour la Famille le HCF est passé ainsi de 52 membres à 61 membres et sera ainsi mis devant le fait accompli ce jeudi 4 avril lors de la présentation du rapport. Où est la concertation si chère à ce gouvernement? Le HCF va ainsi être bayonné tout en laissant croire que ce rapport est le fruit des réflexions menées au sein du HCF. C’est la méthode stalinienne que le gouvernement utilise pour faire passer la pilule. Ce gouvernement va tout faire pour tuer la famille. Toutes les orientations prises depuis 10 mois vont dans ce sens. L’ UNAF a de gros soucis à se faire ; que signifie un HCF où le “parlement des familles” (UNAF) est dorénavant plus que minoritairement représenté? Familles rassemblez-vous et battez-vous!
joubert des ouches
Il est essentiel pour les catholiques de connaitre le rôle qu’ils ont joué dans la société au moins depuis 150 ans.
Leur apport est considérable ,en matière sociale et malheureusement méconnu. Ainsi on ignore que c’est un député catholique d’Angers qui fit voter en 1874 une loi sur la limitation du travail des enfants. Il en fit voter peu après une autre pour interdire le travail de nuit des femmes.
Sait-on que la gauche à chaque fois s’y est opposée!
Pour elle tout ce qui ne vient pas de ses rangs est mauvais.
Apprenons ce que nous avons fait, car l’Eglise et les catholiques n’ont pas à rougir de leur histoire, et défendons la.
L’histoire rappelée ici des allocations familiales est un bel exemple du rôle des catholiques dans la cité, qui ont généreusement répondu à l’invitation des papes, et de l’Eglise, experte en humanité.
L’Eglise continue d’enseigner, il ne s’agit que de répondre à ses invitations.
grami
1- les alloc sont comme un remboursement du plus versé sur la tva de consommation. En effet, une famille de 6 personnes paye 6 fois par jour la tva sur la quantité de pain “engloutie”.Un célibataire en paye grosso modo 6 fois moins.
2- ce qui plombe les alloc est le fait que les épouses n° 2 et + sont considérées comme parent isolé et touchent dès la 1° naissance et pour 3 ans cottisés pour la retraite. C’est en moyenne plus du double des alloc de l’épouse, qui ,pour le 1° ne touche rien.
3- Pour diminuer le coût des charges mises sur le travail français, si les caisses d’alloc devaient être approvisionnées autrement que sur le salaire, c’est-à-dire par une Tva sur les importations, il seraient nécessaire de revoir les taux des alloc versées à toutes les familles pour ne pas plomber le coût de charges du renouvellement des générations.
Chronophage
Les Allocations Familiales ont fait leur temps. Elles ont servi de pompes aspirantes à l’immigration, car beaucoup d’immigrés travaillant (tous n’étant pas oisifs) , ils y avaient droit, ce qui a facilité l’implantation de leurs familles et leur natalité, deux à trois fois plus forte que la nôtre.
Certes on pourrait décréter que seuls les Français y ont droit, mais le mal est fait : la plupart des musulmans ”de France” sont citoyens français.
La seule manière de sortir de cette impasse est de remplacer les allocations familiales soit par un paiement direct aux salariés suivant leur nombre d’enfants, leur ancienneté etc…, soit par des déductibilités de TVA et donc des remboursements sur le chauffage, les achats liés à un famille de 3 enfants et plus, etc…, bref de manière à répondre au surcroît de dépenses représenté par la charge d’une famille, soit en panachant les deux.
Mais les allocations familiales universelles ne correspondent plus à la réalité de 2013 : combien de ”familles” au sens classique du mot subsistent-elles après qq années de mariage voire Pacs ou concubinage ? Peu de familles sont à la limité de la misère ou de la gêne ou de la marginalité à cause de leurs enfants : c’est le chômage, et la dissociation des couples qui font créent la marginalité limite de beaucoup de femmes se retrouvant seules pour élever leurs enfants.
Les allocations familiales traditionnelles devraient être réservées à ces cas, et autrement être remplacées par d’autres formes de subsidiarité, dont l’une serait de faire baisser la spéculation sur le logement entretenue par les banques, le logement social indirectement, et des règles d’urbanisme délirantes, qui permettent à la fois la préemption de terrains décrétés constructibles et en même temps leur confiscation par des organismes étatiques ou para-étatiques qui en organisent la rareté, la région parisienne et les villes françaises étant caricaturales de l’organisation de la rareté qui fait des millions de familles françaises de nouveaux serfs, grâce à des emprunts contractés sur des durées de plus en plus longues pour pouvoir se loger, dans l’impossibilité de le faire, dans un marché locatif anormalement élevé.
L’étatisme socialisant français et sa fiscalité a plus fait contre les familles et leurs patrimoines existant ou devenus impossibles à constituer que toute mesure de diminution des allocations familiales ne fera jamais.
Dernier point : la branche famille n’est pas déficitaire au sein du système français : elle est ponctionnée abusivement pour la branche retraite, d’un montant cumulé s’élevant maintenant je crois de 5 à 6 Mds d’Euros.
Rappel : la natalité américaine blanche se porte mieux que la nôtre, sans allocations familiales. Mais on ne matraque pas le logement et la consommation par des taxes et impôts sans fin aux USA.
MYRIAM
ah mais que font-ils au gouvernement ????
à part prendre l’argent aux pauvres et courageux français, la stérilisation de la France profond continue.
NP
A tous ceux qui considèrent que les allocs sont d’un autre temps et qu’il faut les supprimer, je les invite à considérer deux points :
– le taux de natalité est de 2,0 enfants par femme, soit juste le minimum pour le renouvellement des générations. Tomber en dessous, c’est accélerer le vieillissement de la population de souche et accélerer l’immigration.
– les familles sacrifient leur niveau de vie pour que les enfants d’aujourd’hui paient les cotisations de demain. Ceux qui n’ont pas d’enfants en revanche, profitent maintenant de leurs revenus et profiteront demain des prestations versées par les enfants qui ne leur auront rien coûté.
…