En 1998, Victor Manuel Fernandez, aujourd’hui préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi et auteur d’une note autorisant les bénédictions des “couples” irréguliers ou homosexuels, a publié un ouvrage actuellement introuvable : La Passion mystique, spiritualité de la sensualité. Tout un programme.
On connaissait déjà ses poèmes érotiques sur le baiser. Dans la première partie du livre, Víctor Manuel Fernández parle des expériences intimes ou sensuelles des saints et des mystiques. Mais les chapitres 7, 8 et 9 de cet ouvrage sont à la limite de la pornographie. Ils sont accessibles ici (19 pages pdf) en espagnol. Pour ceux qui voudraient aller plus loin, je dispose aussi du livre en intégralité ([email protected]). Merci à l’hispanophone qui m’en propose une traduction, publiée ci-dessous. Le texte est cru. Ces exaltations pseudo-spirituelles sont souvent le prétexte à toutes les élucubrations cléricales permettant des doubles vies… A l’heure de la dénonciation des abus sexuels en tout genre, on se demande comment ce prélat a pu devenir cardinal et préfet de l’ex-Saint-Office :
Chapitre 7. Orgasme masculin et féminin
On se demande maintenant si cette expérience mystique, où l’être tout entier est emporté par Dieu, si cette sorte d’« orgasme mystique », est vécue par chacun selon sa sexualité. Autrement dit, si l’homme le vit en tant qu’homme et la femme de manière féminine. Pour cela, regardons d’abord comment les hommes et les femmes vivent l’orgasme, et quelle est la différence entre un orgasme masculin et un orgasme féminin.
Normalement, les femmes, plus que les hommes, considèrent le sexe sans amour comme très insatisfaisant et ont besoin de conditions adéquates pour se sentir sexuellement excitées. Elle est moins attirée que les hommes par le visionnage de photos comportant des scènes sexuelles violentes, des images d’orgies, etc.
Mais cela ne veut pas dire qu’elle se sent moins excitée par la pornographie hardcore, mais plutôt qu’elle l’apprécie et la valorise moins et, dans certains cas, cela suscite la peur.
Elle aime davantage les caresses et les baisers, et a besoin que l’homme joue un peu avant de la pénétrer. Mais lui, en somme, s’intéresse plus au vagin qu’au clitoris.
Aux moments d’orgasme, il émet généralement des grognements agressifs ; elle, un babillage enfantin ou des soupirs.
N’oublions pas que les femmes possèdent un riche plexus veineux autour du vagin, qui maintient une bonne circulation sanguine après l’orgasme. C’est pourquoi elle est généralement insatiable. Elle a besoin de soulager la congestion pelvienne, et en attendant que cela se produise, après l’orgasme, elle peut avoir envie de plus. Les femmes ont besoin de plus de temps, de plus de dévouement ; elle a besoin que l’homme lui donne quelque chose en plus une fois qu’il a atteint sa propre satisfaction. Mais il se sent bien libéré normalement lors de l’éjaculation et il est satisfait et épuisé. Il termine et passe à une autre chose, comme s’il se serait vidé à l’intérieur. Après l’éjaculation, il veut se reposer ou cherche de la tranquillité ailleurs. Elle, en revanche, reste comme coincée, dans un mélange de repos et de joie qui a besoin de la compagnie attentive de l’être aimé. Lorsque l’homme atteint le climax, son intérêt pour elle chute brusquement, il est épuisé, alors qu’elle a plus que jamais besoin de lui. Avant l’éjaculation, il fait un grand effort, et dans le processus vers l’orgasme, il est de plus en plus maître de la situation, jusqu’à ce qu’il arrive un moment où elle cède complètement, cesse d’être maître d’elle même et perd conscience de sa liberté. C’est pourquoi les femmes, au fond, ont peur de la possession totale et n’acceptent pas toujours facilement cet abandon. Elle a un sombre respect pour le pouvoir masculin et est perturbée par la pornographie violente.
L’homme, qui produit constamment du sperme, est capable de profiter d’une pluralité de femmes, tandis que la femme, qui émet peu d’ovules et seulement pendant une certaine période, valorise davantage l’intimité sécurisée. Elle met tout dans chaque enfant qui est en gestation dans son corps ; alors qu’il peut féconder des centaines d’utérus supplémentaires.
Mais n’oublions pas que sur le plan hormonal et psychologique, il n’existe pas de pur mâle ni de pure femelle.
Demandons-nous maintenant si ces particularités des hommes et des femmes pendant l’orgasme se retrouvent également d’une manière ou d’une autre dans la relation mystique avec Dieu.
On pourrait dire que les femmes, parce qu’elles sont plus réceptives, sont aussi plus disposées à se laisser prendre par Dieu, elles sont plus ouvertes à l’expérience religieuse. C’est peut-être la raison pour laquelle les femmes prédominent dans les temples.
Mais dit ainsi, nous affirmerions que l’expérience mystique est typiquement féminine et serait interdite aux caractères nettement masculins. Et précisément cette question nous oblige à repenser ce que nous appelons masculin, et si nous devons réellement identifier le masculin avec la tendance active qui cherche à posséder la femme. Ne connaît-on pas des situations dans lesquelles une femme extrêmement féminine est capable de posséder et de dominer complètement un homme ? Le pape Jean-Paul II, dans son document sur la dignité de la femme, constate une sorte de « supériorité » des femmes en raison de leur capacité à contenir et à soutenir les hommes :
La force morale de la femme, sa force spirituelle, rejoint la conscience du fait que Dieu lui confie l’homme d’une manière spécifique… La femme est forte par la conscience de ce qui lui est confié… Cette conscience et cette vocation fondamentale disent à la femme la dignité qu’elle reçoit de Dieu lui-même, et cela la rend «forte»… devient un soutien irremplaçable et une source de force spirituelle pour les autres qui se rendent compte de l’énergie considérable de son esprit (Mulieris Dignitatem, 30, df).
Jean Boudrillard [sic. Baudrillard, NDMJ] soutenait que l’homme a créé ses institutions et son pouvoir pour contrecarrer les pouvoirs originels supérieurs de la femme, notamment sa fécondité, sa force d’intuition et de séduction et sa persévérance. Donc ça n’a pas l’air sérieux d’affirmer que l’homme est celui qui domine, celui qui tient les rênes.
Mais disons que Dieu a une puissance infinie et une créativité surnaturelle, de sorte qu’il est capable de s’adapter à la psychologie de chaque être humain en particulier et de donner à chacun une expérience d’amour, une rencontre avec Lui qui l’emmène complètement, corps et âme, sans faire violence aux inclinations propres de leur psychologie féminine ou masculine. Mais une attitude de réceptivité sera toujours nécessaire. En fait, dans tout véritable amour humain, les deux parties, chacune à sa manière, doivent être réceptives. Si l’homme n’est pas réceptif et veut seulement être actif et dominant, il ne peut pas expérimenter pleinement la richesse de l’amour. Dieu utilise donc cet aspect réceptif, qui ne manque pas à l’homme, pour lui faire vivre l’expérience de son amour. En fait, tout homme a fait l’expérience d’être réceptif et dépendant d’une autre personne, lorsqu’il restait serein dans les bras de sa mère. D’un autre côté, il peut aussi arriver qu’une femme, par peur, renie son attitude réceptive et résiste à l’amour divin. C’est pourquoi, répétons-le, quiconque souhaite vivre une expérience pleinement heureuse de l’amour divin doit demander à Dieu la grâce de se laisser aimer. En effet, Carlo Carretto, un homme aux caractéristiques nettement masculines, nous raconte que lors de sa rencontre la plus merveilleuse avec Dieu, il s’est senti comme une petite fille confiante, et cela ne l’a pas dérangé, il ne l’a pas vécu comme une expérience contraire à ses inclinations les plus profondes, mais plutôt comme quelque chose douce et merveilleuse :
A vingt-trois ans, lorsque Dieu a fait irruption en moi avec son Esprit, ma relation avec lui a complètement changé ma vie… Dieu est intervenu en amoureux. Au début, cela semblait être quelque chose de si beau et de si chaleureux que je le considérais comme une présomption sentimentale… J’avais peur de devenir la proie d’un romantisme bon marché… Mais ce n’était pas comme ça. L’intimité qu’il m’a donnée était si vraie, si forte, qu’elle a laissé des traces, et il les a laissées là où le doute n’était pas possible… Je n’oublierai jamais l’émergence de son Esprit en moi. C’était vraiment l’émergence d’un amant fou, qui me demandait de lui rendre la pareille de toute ma folie… Puis j’ai compris par expérience que chacun de nous, même s’il est masculin, est appelé féminin par Dieu. Quand je suis chez lui avec lui, je me blottis à côté de lui comme une petite fille qui attend tout de lui et sans prétention de tout savoir… Toute la spiritualité de l’homme biblique est féminité : réceptivité, disponibilité, attente, désir de petitesse, service, adoration… Pour une raison quelconque, les femmes sont les plus accessibles à la religion (He buscado y he encontrado, Bs. As., 1985, 59-61.70).
Mais disons plus précisément que dans l’expérience mystique, Dieu touche le centre le plus intime de l’amour et du plaisir, un centre où peu importe que nous soyons un homme ou une femme. Et dans ce centre, nous sommes tous réceptifs et vivons une expérience dans laquelle nous ne sommes pas pleinement maîtres de nous-mêmes. C’est pour cette raison que les scientifiques disent souvent que les différences entre les hommes et les femmes se manifestent dans la phase précédant l’orgasme, mais pas tellement dans l’orgasme lui-même, où les différences entre le féminin et le masculin ne sont plus aussi claires et semblent disparaître.
Nous pouvons donc dire que dans l’expérience mystique, ce que Dieu touche est un centre d’amour dont l’être humain ne peut que dépendre. Parce que l’être humain n’est pas un dieu tout-puissant, mais une créature, et c’est pourquoi la partie la plus intime de sa réalité est la dépendance, c’est « recevoir » l’être, c’est vivre de Dieu même s’il l’ignore, c’est boire de sa source de vie. Et c’est précisément pour cette raison que, dans l’expérience mystique, l’éminemment actif est Dieu, et la créature, qu’elle soit mâle ou femelle, se plaît à dépendre entièrement du Dieu aimant, à « se laisser aimer » par lui avec confiance. C’est précisément la grande étape spirituelle.
Évidemment, il peut y avoir certaines caractéristiques secondaires qui montrent que l’homme le vit d’une manière différente de la femme, mais cela ne change pas l’essence de l’expérience, où tant le les hommes comme les femmes sont fondamentalement réceptifs. Et c’est seulement parce qu’ils acceptent de recevoir de Lui, de dépendre de son élan d’amour, qu’ils peuvent aussi se sentir actifs, qu’ils peuvent sentir qu’ils participent personnellement et de manière créative à cette expérience d’amour. En même temps, ils expérimentent ce contact divin sans se sentir forcés, car la grâce de Dieu a le pouvoir divin de nous faire accepter son initiative d’amour en toute liberté.
Chapitre 8. Le chemin vers l’orgasme
Tout ce que nous avons vu nous montre que Dieu n’est pas l’ennemi de notre bonheur, qu’il ne mutile pas notre capacité d’aimer, car Il est l’amour, l’amour passionné, l’amour qui fait le bien, qui libère, qui guérit.
Mais nous pouvons nous demander si nous sommes tous appelés à une expérience passionnée de Dieu, comme celles qu’ont vécues les mystiques dont nous avons parlé.
Tout d’abord, il faut dire que tout dépend de ce que Dieu veut donner à chacun. Nous ne pouvons jamais exiger que Dieu se donne à nous d’une manière ou d’une autre, car si nous ne pouvons exiger à personne de se conformer à tous nos désirs, si nous ne pouvons forcer personne à nous aimer d’une manière particulière, encore moins à Dieu. D’un autre côté, nous pouvons voir que Dieu a toujours donné son amour de manières très différentes. Certains saints ont commencé à avoir des expériences enivrantes de Dieu peu de temps après leur conversion, ou lors de la conversion elle-même ; d’autres, comme sainte Thérèse d’Avila , ont réalisé ces expériences après de nombreuses années de sécheresse spirituelle. Sainte Thérèse de Jésus, même si elle se sentait tendrement aimée de Dieu, n’a jamais eu d’expériences très « sensuelles » de son amour, et il semble qu’elle n’ait atteint une joie débordante et passionnée qu’au moment de sa mort, lorsque son visage fut transfiguré et qu’elle a dit ses derniers mots : “Je t’aime, oh mon Dieu, je t’aime !”
Mais nous devons aussi dire que si cette expérience amoureuse et passionnée de la présence de Dieu est quelque chose d’épanouissant , quelque chose qui harmonise et apaise merveilleusement notre affection et notre sensualité, alors nous avons tous au moins le droit de la désirer. Si cette expérience passionnée de Dieu libère notre psychologie de tant de sentiments d’insatisfaction, de tant de blessures que nous avons reçues par manque d’amour, alors nous avons le droit d’aspirer à ce que Dieu nous accorde cette expérience libératrice . Si nous savons que notre émotivité blessée et insatisfaite nous conduit souvent à faire du mal aux autres, à ne pas nous consacrer avec joie au service des autres, alors il nous est permis d’être attirés par cette expérience de Dieu qui nous permettrait d’être plus disponible, plus serein, plus généreux, moins soucieux de nous-mêmes.
Mais avec cela tout n’est pas dit non plus. Parce que nous croyons que Dieu prend en compte le chemin que nous essayons de suivre et veut que nous soyons personnellement impliqués dans notre chemin de libération. L’initiative est toujours de sa grâce ; mais une fois qu’il nous l’a donné, il nous prend tellement au sérieux qu’il nous permet d’apporter un peu de nous-mêmes pour que cette grâce atteigne tous les recoins de notre être. Par exemple, si quelqu’un est malade parce qu’il a une rancune dans son cœur, un manque de pardon envers son père, alors il semble que le simple fait de demander pardon à Dieu et de recevoir sa grâce ne suffit pas à le libérer de ces blessures qui ils le conditionnent. Ce qu’on appelle « coopération » avec la grâce reçue, une prière « adéquate », est également requise.
Une bonne prière est plus que prier un Notre Père demandant à Dieu de me libérer de ma maladie. C’est une prière où j’essaie de guérir, avec la grâce de Dieu, la racine de ma maladie, ce manque de pardon que j’ai envers mon père, par exemple.
Alors, chaque jour, je demande à Dieu la grâce de pouvoir comprendre et pardonner à mon père. Et si je réalise que je ne veux même pas lui pardonner, alors pendant un moment je demande à Dieu la grâce de « vouloir » lui pardonner. Et dans cette mystérieuse combinaison de l’initiative de sa grâce et de mes pauvres tentatives, le moment viendra où surgit spontanément en moi le désir sincère de pardon, puis une forte impulsion pour accorder ce pardon, pour dire, au moins en moi-même : « Papa, je te pardonne et je te remercie parce que tu m’as donné la vie ».
Une fois ce pardon accordé, il est très possible que beaucoup de choses commencent à se résoudre, que la maladie devienne plus supportable et peut-être guérie. Nous voyons alors qu’il existe une « manière » plus appropriée de faire une prière, qui facilite l’action de la grâce dans une dimension de mon être où elle n’est pas encore arrivée.
La même chose peut se produire dans mon expérience de l’amour de Dieu. Il se peut que mon expérience de Dieu soit vraie, même si je la vis au milieu d’une aridité émotionnelle. Il se peut que Dieu me purifie à travers cet abandon sans sentiments ni passion et que ma foi soit très profonde. Mais si en même temps mon affectivité n’est pas saine, cela veut dire que cette expérience n’est pas suffisante. Par exemple, s’il ne me suffit pas pour être fidèle à ma femme, ou pour être heureux dans mon mariage, ou pour vivre mon célibat avec joie, ou pour travailler avec enthousiasme, ou pour bien traiter les autres, cela signifie que la façon dont je trouve Dieu est encore très pauvre.
Je peux alors me demander si je ne suis pas, pour différentes raisons, en train de fuir de l’amour de Dieu ; s’il n’y a pas quelque chose en moi qui me pousse à résister à l’amour de Dieu, à me méfier de lui, etc.
Alors, je peux commencer à lui demander chaque jour de me donner sa grâce pour lui donner cette peur, pour me jeter dans ses bras, pour le laisser entrer là où je ne le lui permets pas.
Quelqu’un pourrait penser qu’en fait, il serait préférable maintenant de profiter de cette courte vie et, en tout cas, de laisser cette expérience de l’amour divin jusqu’après la mort, puisque nous aurons toute l’éternité pour cela. Mais cela est absurde si l’on pense que chaque créature, chaque chose belle de ce monde, si précieuse soit-elle, n’est qu’un pâle reflet de la beauté infinie de Dieu. Lui seul est beau, et les autres choses ne sont belles que dans la mesure où elles reçoivent quelque beauté de cette source infinie qu’est Dieu. C’est pourquoi tous les attraits de ce monde devraient désormais nous élever à la rencontre de la source divine, pour boire à cette source inépuisable de bien et de beauté. Autrement, ce serait comme si nous passions quatre-vingts ans à sentir l’arôme d’une nourriture délicieuse au lieu de nous asseoir à table et de l’apprécier avec plaisir . Mais par ailleurs, attendre la mort pour faire l’expérience de Dieu va à l’encontre de la logique de l’amour. Aucune personne véritablement amoureuse ne serait capable de passer quatre-vingts ans à essayer d’autres plaisirs et de laisser à plus tard l’étreinte merveilleuse de l’être aimé. Tout simplement Il ne serait pas capable de supporter l’attente, ces années lui sembleraient éternelles, et toutes les autres beautés ne le satisferaient jamais, elles ne feraient qu’éveiller de plus en plus sa soif de l’embrasser. Il en va de même pour ceux qui ont goûté à l’amour divin, comme saint Augustin, saint François d’Assise, etc.
Cela ne veut pas dire que Dieu me donnera bientôt l’expérience d’Angèle de Foligno ou les blessures de saint François d’Assise. Il me donnera ce dont mon cœur a besoin et ce qu’il veut me donner librement. Il existe également des tempéraments naturellement mieux prédisposés à ce type d’expériences et d’autres qui le sont moins. Mais il est très possible qu’en suivant un chemin adéquat, nous puissions tous vivre une expérience plus complète de l’amour de Dieu, une expérience qui guérit notre affectivité malade, notre émotivité blessée, qui nous rend plus joyeux dans notre dévouement quotidien, qui nous rend plus libres et heureux.
Mais cela ne veut pas nécessairement dire que cette expérience joyeuse de l’amour divin, si j’y parviens, me libérera de toutes mes faiblesses psychologiques. Cela ne veut pas dire, par exemple, qu’un homosexuel cessera nécessairement d’être homosexuel. Rappelons-nous que la grâce de Dieu peut coexister avec les faiblesses et aussi avec les péchés, lorsqu’il existe un conditionnement très fort. Dans ces cas-là, la personne peut faire des choses qui sont objectivement pécheresses, mais sans être coupable et sans perdre la grâce de Dieu ni l’expérience de son amour. Voyons comment le dit le Catéchisme de l’Église catholique :
L’imputabilité et la responsabilité d’un acte peuvent être diminuées et même supprimées en raison de l’ignorance, de l’inadvertance, de la violence, de la peur, des habitudes, des affections désordonnées et d’autres facteurs psychiques et sociaux ( CEC 1735).
Il peut y avoir une religieuse qui doit faire de grands sacrifices pour être fidèle à sa virginité, parce que sa psychologie a de forts conditionnements dans cet ordre, et pourtant, en même temps, vivre une belle expérience de l’amour de Dieu qui est très authentique , ce qui la rend heureuse.
Disons enfin que, pour vivre une expérience joyeuse et passionnée de l’amour divin, il existe une coopération extrêmement importante : les actes d’amour envers le frère. Chaque acte généreux, chaque service d’amour que nous rendons aux autres nous assure que notre expérience de Dieu est sur la bonne voie. Voici ce que dit la Bible :
Celui qui aime son frère marche dans la lumière et ne trébuche pas. Mais celui qui n’aime pas son frère est dans les ténèbres, il marche dans les ténèbres, il ne sait pas où il va, parce que les ténèbres l’ont rendu aveugle (1 Jn 2, 10-11).
De plus, tout acte d’amour sincère envers notre frère ouvre notre cœur, l’adoucit et le libère de l’égoïsme. Et ainsi le cœur est mieux disposé à se laisser aimer par Dieu.
C’est pourquoi saint Bonaventure disait que les œuvres de miséricorde facilitent la contemplation divine et nous préparent à aimer pleinement Dieu :
Il y a une certaine action qui, unie à la contemplation, ne l’empêche pas, mais la rend plutôt plus facile, comme les œuvres de miséricorde et de piété (IV Envoyé ., 37,1, 3, ad 6) .
Celui qui veut être un parfait amoureux de Dieu doit s’exercer avant tout dans l’amour du prochain (III Sent ., 27, 2 , 4 ).
En ce sens, il est bon de noter que, lorsque la Bible parle de Dieu comme époux, elle ne se réfère pas au Seigneur comme époux du cœur de chaque être humain, mais comme époux de son peuple ou de l’Église (Os 2,21-25 ; Eph 5,25 ; Apo 21,2-3). Cela signifie que je ne peux vivre une expérience authentique et passionnée de l’amour de Dieu que si je me sens partie de son Peuple , si je rejoins son Église, si je ne m’isole pas et ne me sépare pas des autres.
chapitre 9. DIEU dans l’ orgasme du couple.
Jusqu’à présent, nous avons parlé de la possibilité d’atteindre une sorte d’orgasme épanouissant dans notre relation avec Dieu ; ce qui n’implique pas tant de modifications physiques, mais simplement que Dieu parvient à toucher le centre âme-corporel du plaisir, de sorte qu’une satisfaction qui englobe la personne entière soit ressentie. Cela nous amène à une autre conséquence importante : cela nous invite à découvrir que, si Dieu peut être présent à ce niveau de notre existence, il peut aussi être présent lorsque deux êtres humains s’aiment et atteignent l’orgasme ; et cet orgasme, vécu en présence de Dieu, peut aussi être un acte sublime d’adoration de Dieu.
Cela est certain si l’on part d’un postulat élémentaire : Dieu aime le bonheur de l’homme, c’est donc aussi un acte d’adoration envers Dieu que de vivre un moment de bonheur.
Certains textes de la Bible confirment cette vérité :
Il n’y a pas de plus grand bonheur pour l’homme que de manger, de boire et de s’amuser au milieu de sa fatigue. Je vois que cela vient aussi de la main de Dieu, puisque quiconque mange et boit, cela vient de Dieu ( Eccl 2, 24-25).
Que chacun mange, boive et s’amuse au milieu de ses soucis. C’est un don de Dieu ( Ecc 11,8).
Fils, traite-toi bien avec ce que tu as… Ne te prive pas de passer une bonne journée, ne manque de satisfaire aucun désir légitime ( Sir 14,11.14).
On voit ainsi que le plaisir est aussi quelque chose de religieux, car « c’est un don de Dieu ». Ainsi, celui qui est capable de jouir de la présence de Dieu peut plus facilement prendre conscience de l’amour de Dieu et ainsi s’ouvrir à l’amour des autres. Celui qui n’est pas capable de jouir des plaisirs de la vie, parce qu’il ne s’aime pas et ne s’accepte pas, sera difficilement capable d’aimer généreusement les autres. C’est pourquoi la Bible dit :
Celui qui est mauvais envers lui-même ne peut être bon envers personne. Il ne trouve pas de contentement au milieu des trésors. Personne n’est pire que celui qui se torture ( Sir 14, 5-6).
Nous pouvons donc dire que nous plaisons à Dieu et que nous l’adorons lorsque nous sommes capables de jouir des petits plaisirs légitimes de la vie. Ainsi, nous n’avons pas besoin d’échapper ou de nous cacher de Dieu lorsque nous jouissons, car c’est lui qui « a créé toutes choses pour que nous puissions en jouir » (1 Tim 6, 17). Lisons, par exemple, l’éloge du vin dans la Bible :
Le vin est comme la vie pour l’homme, si on le boit avec mesure. Qu’est-ce que la vie pour ceux qui n’ont pas de vin , créé pour la joie des hommes ? C’est la joie du cœur et le contentement de l’âme… ( Sir 31, 27-28).
Tout cela peut aussi être dit du plaisir sexuel, créé par Dieu pour le bonheur de l’homme. Pour cette raison, dans la même Bible, nous trouvons des louanges pour le corps de la femme, comme celles-ci :
Comme tu es belle, comme tu es charmante, ô amour, ô fille des délices ! Votre taille est comme un palmier et vos seins sont comme des grappes. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà dit, je grimperai sur le palmier et je prendrai ces grappes ( Cant 7,79).
De plus, le plaisir sexuel a une noblesse particulière par rapport aux autres plaisirs du corps, car le plaisir sexuel se vit à deux, se partage et peut être une merveilleuse expression d’amour. Mais c’est précisément pour cette raison que le plaisir sexuel peut perdre toute sa beauté lorsqu’il n’est qu’une recherche de satisfaction personnelle et que l’autre n’est pas pris en compte, lorsque l’autre n’est utilisé que pour le bénéfice personnel de chacun.
Le fait est qu’un être humain n’est pas une assiette de nourriture ou un verre de vin. Il est sacré et ne peut être utilisé, mais doit être un objet d’amour.
Quand le plaisir sexuel s’obtient dans un acte d’amour, quand ceux qui font l’amour sont deux personnes qui s’aiment, qui s’accompagnent, qui s’entraident, qui ont décidé devant Dieu de tout partager pour toujours et malgré tout, alors le plaisir sexuel est aussi un acte d’adoration envers Dieu, qui aime le bonheur de ceux qui s’aiment. Dans cette rencontre d’amour, chacun ne recherche pas à tout prix son propre plaisir, mais traite l’autre avec une délicatesse et une tendresse qui reflètent l’amour divin, cherchant à ce que l’autre jouisse aussi le plus possible et soit immensément heureux. Ainsi, le plaisir de l’orgasme devient un avant-goût de la merveilleuse fête de l’amour qu’est le paradis. Parce qu’il n’y a rien qui anticipe mieux le ciel qu’un acte de charité.
Il faut donc dire que Dieu n’aime pas l’attitude de certaines personnes faussement spirituelles qui refusent en permanence toute relation sexuelle avec leur conjoint, sous prétexte qu’elles recherchent un amour plus « parfait ». Car c’est précisément l’union sexuelle, en tant qu’expression de l’amour, qui manifeste le mieux l’amour des époux, celle qui le protège le mieux et qui le fait le plus grandir. Le Concile Vatican II le disait déjà :
Cet amour, associant à la fois l’humain et le divin, conduit les époux au don libre et mutuel d’eux-mêmes, se manifestant par des sentiments et des actes de tendresse, et imprègne toute la vie… Cet amour s’exprime et se perfectionne particulièrement avec le acte matrimonial ( Gaudium et Spes , 49).
Le plaisir sexuel n’entrave ni la spiritualité ni la contemplation, car si l’union sexuelle est un acte d’amour, elle ne fait qu’ouvrir le cœur, et facilite ainsi la contemplation de Dieu. Saint Bonaventure disait déjà que « nul n’arrive à la contemplation s’il ne s’exerce dans l’amour des autres » (III S. , 27, 2, 4 ; IV S. , 37, 1, 3, ad 6), et selon saint Thomas d’Aquin « l’affection humaine s’épanouit avec le plaisir » (Summa Th ., I- IIae , 31, 3).
C’est la mentalité grecque qui a influencé négativement le christianisme, lui transmettant un certain mépris du corps. Les Grecs n’avaient pas une vision de l’homme aussi unitaire que celle de la Bible ; ils comprenaient plutôt que l’homme était constitué de deux « parties », l’âme et le corps. Pour cette raison, ils passèrent facilement de l’exaltation du corps à son mépris total. S’ils étaient dédiés au corps, le corps était tout ; s’ils se consacraient aux choses spirituelles, ils méprisaient tout ce qui concernait le corps. Lorsque cette mentalité grecque a influencé le christianisme, elle a produit l’idée que pour être plus « spirituel », il fallait mépriser le corps. Cependant, nous savons que les pires péchés, comme l’orgueil ou la haine, ne sont pas exactement des péchés liés au corps ; ils sont plutôt « spirituels » ; et nous savons aussi que le corps intervient aussi dans les plus grandes œuvres d’amour et de dévouement.
Évidemment, nous ne voulons pas dire que tout ce qui concerne le corps est sacré, car un couple peut retirer au sexe son but le plus précieux, et les amants peuvent devenir simplement deux égocentriques qui se masturbent. De plus, le sexe ne devrait être qu’une partie de la vie du couple, une manière agréable d’exprimer son amour et de se rendre heureux ; le sexe pour le sexe est une façon de rester dans l’adolescence et le manque de maturation. Le sexe juste pour le sexe est en fait la forme de sexualité la plus courante chez les adolescents qui se masturbent, car dans la masturbation ils obtiennent du plaisir et échappent à l’engagement envers les autres, ils se protègent des autres et ne donnent rien d’eux-mêmes. Il reste ainsi lié à ses parents et ne sort pas de la coquille familiale. La même chose arrive à ceux qui changent constamment de partenaire et échappent ainsi à leur engagement émotionnel. Et c’est finalement ce que propose la publicité : orner son propre corps et l’entourer de choses impressionnantes pour obtenir des objets de plaisir ; c’est ainsi que le corps est dépouillé de sa dignité d’instrument et d’expression de l’amour.
Pour que le sexe ne soit pas seulement une manière de se servir et de se consommer, il est essentiel que le couple ait d’autres préoccupations et, surtout, que l’amour mutuel s’ouvre pour rechercher ensemble le bonheur des autres. Se battre ensemble pour quelque chose, sortir de l’enfermement étouffant des deux, évite au plaisir de tomber malade ou de mourir, car ainsi le cœur reste ouvert. En effet, à l’image chrétienne de Dieu, l’amour entre Dieu le Père et son Fils s’ouvre nécessairement à une troisième personne, le Saint-Esprit. Ainsi, tout amour authentique de couple, source des meilleurs plaisirs, est ouvert aux autres. Le plaisir qui non seulement produit une décharge momentanée, mais qui planifie et donne également le bonheur, est ce qui est uni à l’amour, et l’amour est la vraie sainteté.
Et le plaisir est tellement lié à la sainteté que, selon saint Thomas, si l’homme était libre du péché, il y aurait bien plus de plaisir dans les relations sexuelles ( Somme Th., 1, 98, 2).
Ainsi, dans la mentalité de saint Thomas, la relation sexuelle dans le mariage n’est plus un « péché permis », comme le disaient certains saints Pères de l’Église, mais elle peut aussi être un acte méritoire, qui fait grandir la perfection d’un être humain. aux yeux de Dieu. Il est intéressant de découvrir comment, dans d’autres religions, il existe également une profonde appréciation du plaisir sexuel. Danielou , à partir d’une analyse du shivaïsme, fait la réflexion suivante :
La joie est le reflet de l’état de perfection, de l’état divin. L’homme oublie un instant ses intérêts, ses problèmes, ses devoirs, et participe au sentiment de bonheur qui est sa vraie nature, sa nature immortelle… On atteint mille fois plus facilement la perfection intérieure – dit cette ancienne religion – par la expérience de la joie des corps qu’à travers les austérités. De l’union érotique à l’union mystique il y a un pas facile à franchir (La sculpture érotique , Paris 1973,15 ) .
Et un vénérable théologien égyptien du XVe siècle a rendu à Dieu la louange suivante :
Louange à Allah, qui affermit les pénis aussi durs et droits que des lances pour faire la guerre aux vagins (Al Sonuouti ).
N’oublions pas que la sexualité humaine fait partie de l’œuvre la plus parfaite de Dieu, celle du dernier jour, où Dieu, en contemplant ce qu’il a fait, « vit que c’était très bon » ( Gn 1, 31).
Séparer Dieu du plaisir, c’est renoncer à vivre une expérience libératrice de l’amour divin. Vouloir se cacher de Dieu lorsque nous éprouvons du plaisir, comme cette femme qui cachait le crucifix lorsqu’elle avait des relations avec son mari, c’est croire en un faux Dieu qui, au lieu de nous aider à vivre, devient un persécuteur qui déteste notre joie.
Tout comme un artiste peut offrir à Dieu, avec une immense tendresse, une merveilleuse œuvre d’art qu’il a réussi à créer, de même un couple peut offrir à Dieu un bel acte d’amour dans lequel ils parviennent à déborder de plaisir et de gratitude, se faisant mutuellement heureux. Dieu jouit aussi avec nous; Il est le plus merveilleux des poètes, car leur inspiration est aussi le reflet de la sublime poésie de Dieu.
Pour une raison quelconque, lorsque les poètes ne trouvent plus de mots pour parler des excès de leur amour, ils utilisent des mots à fort contenu religieux. Par exemple, le mot « grâce » est l’un des termes les plus sacrés de la théologie chrétienne, car il exprime l’amour totalement libre de Dieu, qui ne peut être mérité ou acheté avec rien; qui ne peut être reçu que comme un don divin. Lorsque Pablo Neruda a voulu parler de ce que signifiait pour lui le corps de sa femme bien-aimée, il a dû recourir à ce mot :
Corps de ma femme,
Je persisterai dans ta grâce.
Ma soif, mon désir illimité…
(Poème 1).