Voici la suite de l’épître publiée en plusieurs parties sur le Salon Beige. Commencée pour l’Ascension, la lettre à un frère (prêtre) orthodoxe s’est achevée le jour de la Fête-Dieu. Le moine précise : « J’ai laissé jaillir, tout en suivant quelques documents anciens. C’est une contemplation de l’œuvre de Dieu, que les divisions venant des hommes ne peuvent atteindre en elle-même ni ne doivent faire oublier… »
Premier millénaire
Cher Frère, à la lumière du soleil levant nous avons parcouru ensemble les chemins de l’Evangile et de la première évangélisation, avec Ignace nous avons fait connaissance des premières Eglises en Orient et contemplé le mystère de l’Eglise de Rome, nous sommes au début du deuxième siècle. Maintenant je vous propose seulement quelques repères qui nous sont communs et nous invitent à rendre grâces pour l’unique Eglise du premier millénaire.
Dans sa Lettre au Romains, Ignace écrit : « vous avez enseigné les autres. » (III,1) Il semble faire allusion à la Lettre de Clément de Rome écrite aux Corinthiens une quinzaine d’années plus tôt qui témoigne de la sollicitude particulière de l’évêque de Rome pour les autres Eglises. Le traité de Cyprien de Carthage : « De l’unité de l’Eglise catholique » est une pierre solide dans la Tradition. Il mérite que nous le lisions ensemble : au 3ème siècle l’unité de l’Eglise autour de l’évêque était vécue visiblement et juridiquement, toujours dans la lumière de la Parole.
Irénée de Lyon
Au deuxième siècle, à Rome, l’Eglise est pénétrée par la culture et la langue grecques : cette tradition grecque originelle est manifeste chez quelques évêques de Rome : les premiers symboles de foi et les premiers écrits théologiques apparaissent d’abord en grec. Un bel exemple de l’unité doctrinale est saint Irénée ; jeune il a connu saint Polycarpe à Smyrne, il entre ensuite dans la Tradition vivante de l’Eglise de Rome et nous laisse la liste complète des successeurs de Pierre (Adversus Haereses III 3,3), enfin il est évêque de Lyon où il meurt martyr. Sa vie commencée en Orient, terminée en Gaule, est un signe de paix comme le signifie son nom d’Irénée. Son œuvre, écrite en grec et traduite en latin, manifeste l’enracinement de la théologie dans la Parole de Dieu ; elle est aujourd’hui scrutée par les théologiens comme un chef d’œuvre du deuxième siècle chrétien. Nous rendons grâces pour ce docteur et pasteur, ce martyr, fêté le 28 juin, veille de la solennité des saints Pierre et Paul.
Au milieu du troisième siècle, sous la persécution de Dèce, l’Eglise est divisée sur la question des lapsi, de ceux qui, au cours de la persécution, ont renié leur foi chrétienne et demandent leur réintégration. Faut-il la leur accorder ? A quelle condition ? A Carthage on se divise. L’évêque Cyprien discerne les symptômes d’un schisme, c’est pourquoi il écrit le traité « de l’unité de l’Eglise Catholique ». Ce petit traité insiste sur le caractère central de l’évêque en son Eglise particulière et la communion entre tous les évêques qui ont tous reçus un même pouvoir des Apôtres. L’Eglise est fondée sur Pierre (Mt 16, 18-19) qui reçoit le pouvoir de remettre les péchés, pouvoir que les Apôtres reçoivent du Christ ressuscité (Jn 20, 21-23). Ecoutons Cyprien : « Bien qu’il attribue à tous les Apôtres un pouvoir égal, il a établi pourtant une chaire unique, et son autorité a mis ainsi en place l’origine et le régime de l’unité. Bien sûr, les autres aussi étaient ce que fut Pierre, mais il est donné à Pierre d’être le premier ; et une unique Eglise, une chaire unique sont mises sous nos yeux … (IV 12-24) ». Pierre est donc le signe de l’unité de l’Eglise. Dans ses rapports avec les évêques de Rome Corneille, puis Etienne, Cyprien est déférent envers eux, tout en maintenant et défendant certains usages de l’Eglise d’Afrique.
Communion des évêques entre eux
L’Eglise communion a grandi, en même temps que les Eglises particulières se sont développées : Alexandrie et Carthage, Jérusalem et Antioche, Ephèse et Césarée, Constantinople en croissance politique et religieuse, Rome et Milan, Lyon et Trêves, puis l’Espagne et la Germanie. La multitude cosmopolite présente à Jérusalem le jour de la Pentecôte préfigurait et l’extension de l’Eglise et son unité dans l’unique langue de la foi et de la charité. Les voyages missionnaires du diacre Philippe, de Paul et Barnabé, des Apôtres annoncent les échanges continus entre les Eglises, soit par les Conciles mais aussi les visites épiscopales, les pèlerins, les exils à l’heure des persécutions et enfin les moines dont l’instabilité engendre des « gyrovagues ». Il y a aussi l’échange des lettres, des écrits et plus tard des reliques. L’hospitalité est une « coopération à la vérité » (3 Jn 8).
« Nos Pères dans l’Eglise »
Nos racines chrétiennes communes sont enfouies dans ces rencontres, ces témoignages où des tensions des hérésies ou des schismes troublent la paix et l’unité du corps de Christ. Il y a pour nous une source infinie de joie et d’émerveillement à recueillir les documents laissés par les siècles des Pères, qui commencent au moment où la Parole de Dieu mise par écrit est transmise et s’achève avec les Pères, considérés vers la fin du premier millénaire comme docteurs et fondateurs.
Avec Marie dans son Magnificat, nous pouvons chanter « nos Pères », ceux d’Orient ou du Levant, ceux d’Occident ou du Couchant, ceux qui ont donné leur sang dans les premiers siècles surtout, ceux qui ont souffert l’exil aux siècles suivants : Saint Athanase, Saint Jean Chrysostome, St Hilaire, St Martin etc.