"Ce titre d’un roman de Céline s’impose de plus en plus à mon esprit quand je réfléchis au comportement de la plupart des européens et de leurs « clercs » (comme le comprenait Benda dans son livre de 1927, La trahison des clercs) devant le péril que leur fait courir l’islam. Ce livre paru en 1936, et qui fit scandale, faisait suite à Voyage au bout de la nuit qui en 1932 connut un immense succès. Ce ne fut pas le cas de Mort à crédit, qui bien que n’étant pas la suite du premier en constituait pourtant la clé d’interprétation. Les personnages sont à peu près tous de pauvres minables, s’étourdissant dans une vie médiocre pleine de ces illusions euphorisantes que distille toujours un temps qui semble faire crédit. Mais au bout du chemin, et quelquefois même en son cours, on trouve la mort ! Et chez Céline, elle n’apparaît jamais parée, son surgissement relève soit du sordide, soit du suicide ou de l’assassinat. En attendant, les protagonistes paient les intérêts du crédit que la mort offre généreusement aux sots qui sont ses clients… et ils sont légion !
Ce n’est pas la première fois depuis maintenant plusieurs années que l’Europe se trouve confrontée à une puissance de mort qui offre largement son crédit. L’exemple de ce qui n’était pas encore la France, mais la Gaule à la fin de l’empire romain est à cet égard bien parlant ! Quand on y fut forcé d’accueillir ces migrants qu’étaient les barbares, païens ou ariens (chrétiens hérétiques niant la divinité du Christ) les religieux chrétiens n’ouvrirent pas à leur intention des centres de formation païens pour leur vanter les charmes de Wotan ou les délices du Walhalla. Pas plus qu’ils ne se crûrent obligés de leur enseigner le catéchisme selon Arius, avec la vaine et bonne intention de leur faire accepter les bienfaits de la culture romaine (car on ne donnait pas encore dans le multiculturel). Ils entreprirent tout simplement de les convertir au catholicisme. Si donc, par malheur, il est vrai que la communauté de Taizé « organise des cours coraniques pour les migrants », et va jusqu’à faire venir un imam de Chalon-sur-Saône pour les persuader que les lois de la République ne sont pas incompatibles avec l’islam, l’estampille « mort à crédit » s’impose, en ajoutant que de telles activités étendront « les largesses » de cet endettement à beaucoup de français. Quel message est ainsi donné aux djihadistes de tous poils ! Que doivent-ils en penser ? « Voyez ces bons français, qui après s’être identifiés à Charlie et avoir accepté immédiatement le rôle de victimes, font enseigner le Coran par leurs religieux ! ». « Ils ont tiré les conséquences des célébrations islamo-catholiques de la Vierge Marie, mère d’Issa (Jésus pour les ignorants) ». Quel plus beau signe de compassion pourrait-on donner à nos frères chrétiens d’Orient morts martyrs pour avoir refusé ce que les moines de Taizé dispensent avec tant d’ardeur et de publicité médiatique ?
Il est vrai qu’on a accepté d’entendre le prieur des moines de Tibhirine, Christian de Chergé, énoncer des affirmations étranges allant de « la possibilité d’une lectio divina du Coran » à la proposition loufoque «[d’]accepter au nom du Christ que l’islam ait quelque chose à nous dire de la part du Christ ». Et de nombreux catholiques vivent en toute bonne conscience de cette erreur théologique majeure qui plombe le dialogue inter religieux et qui incite à croire que l’islam et le christianisme se réfèrent au même Dieu. Je rappelle à ce propos que le Bienheureux Paul VI, de sa main, corrigea cette hérésie sur un texte de telle sorte que celui-ci se borne à constater que les deux religions confessaient un Dieu unique, et c’est tout ! C’était manifester la même prudence que la déclaration de Vatican Il prenant acte de la référence de l’islam à Abraham, sans pour autant la valider.
Si l’on veut instaurer un dialogue véritable entre chrétiens et musulmans, il faut que cela se fasse dans la clarté et la vérité ! C’est ce à quoi j’ai voulu œuvrer en écrivant avec Odon Lafontaine La Laïcité mère porteuse de l’islam ?, préfacé par Rémi Brague de l’Institut. Le livre est paru début juin, mais il subira bien évidemment la loi du silence parce qu’il s’attaque aux causes de ce qui va nous détruire. J’entends par « causes », la perversité de la philosophie des Lumières qui a enfanté la religion laïque. De celle-là viennent entre autre le relativisme et le syncrétisme qui nous empoisonnent aujourd’hui ! Des pratiques comme celles de Taizé et des célébrations islamo-catholiques de la fête de l’Annonciation en découlent. Elles sont à proscrire, tant par les autorités religieuses catholiques – je ne donne qu’un avis, n’ayant pas autorité en la matière – que par les autorités politiques, car nous sommes en guerre, et là le motif est clair : atteinte au moral des troupes, « intelligence » avec l’ennemi et risque d’incitation aux désordres ! On va me répondre : pas d’amalgame ! Eh bien justement parlons-en !
Un principal de collège à la retraite, Bernard Ravet, vient de publier un livre sur le fait religieux à l’école, mais avec le titre Principal ou imam de la République ? Les médias ont daigné en parler ! II aurait été difficile de faire autrement, vu qu’il s’attaque à certains des effets de plus en plus visibles et connus de la diffusion d’un certain fait religieux ! Mais remarquons qu’il a dû attendre sa retraite pour écrire, comme les chrétiens des pays de l’Est au temps du communisme, qui attendaient cet heureux moment pour pratiquer leur religion. Je ne le critique absolument pas ! Je constate, simplement, que cela en dit long sur la liberté qui nous est laissée en France pour parler de certains sujets ! C’est dire que je n’espère aucun débat public sur cette importante question avec cet auteur intéressant. C’est dommage, parce que cela permettrait de confronter les effets qu’il dénonce fort justement aux causes qu’Odon Lafontaine et moi expliquons. […]"