Recension du dernier livre de Zemmour par Vivien Hoch dans Les Observateurs.ch :
"Sa relecture passionnante des lieux volontairement oubliés de l’histoire de France – le Baptême de Clovis, les croisades, l’amour non réciproque de Beauvoir pour Sartre, Catherine de Médicis, la Pompadour, le baron de Rothschild… – dévoile ce que les déconstructeurs ne veulent plus que vous voyez. Il découvre une France vivante, qui se conserve dans la lutte pour l’existence, dans une sorte de conatus historique. En réveillant la sève dialectique qui noue les événements entre eux, et il fait de l’histoire de France un roman nietzschéen, c’est-à-dire le retour inlassable du même.
Ce même, qui revient toujours, c’est la guerre civile. Elle est l’essence profonde de la France. C’est une opposition perpétuelle des figures, des mythes et des gens ; opposition entre Clovis, la figure catholique, et Vercingétorix, la figure des laïcards ; entre les ultramontains et les gallicans ; entre les girondins et les jacobins ; entre les versaillais et les communards ; entre les résistants et les collabos… Avec cet « éternel retour du même », il y a du Nietzsche, et avec cette dialectique, il y a du Hegel. Avec son histoire de France, Zemmour réconcilie les deux grands philosophes allemands.
Force est de constater, avec Zemmour, que cette dialectique perpétuelle a disparu de l’histoire telle qu’elle est présentée, enseignée, analysée. La machinerie universitaire a broyé les oppositions qui ont fait la France. Elle a repassé les porosités, ne cherchant dans l’histoire qu’elle-même : exit Clovis et Vercingétorix, mâles blancs hétérosexuels et barbares ; exit républicains et catholiques, universalistes, colonialistes, violents. Le pouvoir politique utilise l’histoire à ses fins, réactive telle ou telle figure, tel ou tel événement, pour construire sa propre mythologie. Aujourd’hui, le pouvoir n'a plus besoin de l'histoire, parce qu'il recommence l'histoire de zéro. C'est pourquoi les autorisés de l'histoire plaquent leur vision nihiliste sur la France. Pour eux, l’histoire de France n’est rien, elle n’a ni unité narrative, ni tension dialectique, ni signification, ni finalité. Elle est comme leur vie intérieure, une structure rizhomatique (Deleuze) éparpillée anarchiquement dans toutes les cultures et dans toutes les spiritualités du monde.