En 2004, l’italien Rocco Buttiglione avait été nommé commissaire chargé de la Justice, des Libertés et de la Sécurité. Sa nomination avait entraîné une vive polémique, ses opposants lui
reprochant notamment ses prises de position publiques, présentées comme hostiles à l’homosexualisme, et sa vision de la famille. La commission des Libertés civiques, de la Justice et des Affaires intérieures du Parlement européen avait voté une motion de défiance à l’égard du commissaire pressenti. Pour éviter que sa nomination soit rejetée par le Parlement européen, Rocco Buttiglione avait fini par présenter sa démission.
Dans Libération de ce jour, Jean Quatremer s’inquiète de la possible élection comme présidente du Parlement, en janvier 2022, de la Maltaise pro-vie Roberta Metsola.
En janvier, cela fera deux ans et demi que l’inexistant socialiste italien David Sassoli occupera le perchoir. Or, en vertu de l’accord de coalition conclu en juin 2019 entre les conservateurs du PPE, les socialistes et les libéraux de Renew (où siègent les élus de LREM), il doit alors céder sa place à un membre du Parti populaire européen. Tout le monde, à l’époque, pensait qu’elle reviendrait à l’Allemand de la CSU Manfred Weber, patron du groupe PPE et candidat malheureux à la présidence de la Commission. Mais il a finalement jeté l’éponge.
Et c’est là où les plus radicaux du PPE ont décidé de faire un coup tordu à leurs partenaires en présentant la candidature de Roberta Metsola, députée européenne depuis 2013, qui s’oppose avec constance à toutes les résolutions défendant le droit à l’avortement et à la contraception et a même été jusqu’à s’abstenir, en septembre, sur une résolution demandant à la Commission de criminaliser les violences faites aux femmes… Pour elle, Malte, qui est le dernier pays européen à interdire totalement l’avortement, a le droit absolu de choisir son modèle de société. Mais que les Maltaises, elles, n’aient pas le droit de disposer librement de leur corps et de le protéger contre la violence des hommes, cela ne semble pas la gêner outre mesure.
Dès lors, les socialistes et Renew se trouvent confrontés à un choix cornélien : soit honorer l’accord de 2019, le PPE refusant de changer de candidate, soit présenter un candidat pour tenter de battre Metsola au risque de déclencher une guerre avec le PPE. Car, dans cette affaire, il n’y a pas que la présidence du Parlement en jeu, mais aussi les postes de vice-présidents, de questeurs, de présidents de commission, etc. Sans accord global, tout deviendra imprévisible lors de ces élections de mi-mandat. Sans compter que le PPE risque de faire payer à ses partenaires la rupture de l’accord de 2019 lors des votes des textes législatifs.
Emmanuel Macron, qui prendra la présidence tournante de l’UE en janvier, s’est ingéré dans la partie :
«Je défends et défendrai toujours avec la plus grande force le droit des femmes et en particulier le droit des femmes à disposer librement de leur corps […] Sur ce sujet, je suis cohérent et je le serai jusqu’au bout». S’adressant sans les nommer aux députés européens de LREM, il a poursuivi : «Je défends ces valeurs avec force et je souhaite que tous et toutes puissent les défendre dans les enceintes où ils ont à les porter qui en mon nom, qui au nom de combat commun. C’est aux parlementaires européens de choisir leur président ou leur présidente. J’espère qu’ils le feront avec l’esprit de cohérence et en fidélité avec les combats qui sont les leurs.»
Affaire à suivre.