Yves Morel, Docteur ès lettres, titulaire d'un DEA de sciences de l'Education, diplômé de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, et Godefroy de Villefollet, directeur d'un réseau d'enseignement supérieur privé, ont publié un ouvrage intitulé En finir avec l'Ecole républicaine. Plutôt que de prendre partis entre les théoriciens des méthodes pédagogiques modernes et les défenseurs de la sacro-sainte Ecole républicaine, avec son mythe de l'instituteur, cet hussard noir de la République, ils montrent que ces deux camps partagent la même idéologie. Toutes les réformes scolaires ont visé non à adapter l'institution aux besoins de la société, mais à mettre a la portée de tous les études les plus traditionnelles, jugées plus gratifiantes. C'est contre cette idéologie qu'ils s'élèvent :
"Or, le double caractère étatique et monopolistique de l'enseignement public est l'un des vices rédhibitoires de notre système scolaire, nous l'avons vu. Nous vivons, depuis la création de l'Université napoléonienne (1808) et de l'enseignement primaire guizotin ultérieurement rénové par Ferry (1833), sous le régime de l'Etat enseignant et de l'Etat maître souverain exclusif de la collation des grades universitaires. Il s'agit là d'une aberration unique au monde, une de ces regrettables exceptions françaises dont nous nous rengorgeons. […]
Si bien qu'en France, il n'existe pas de secteur libre et concurrentiel d'enseignement, hors quelques rares établissements privés hors contrat. L'Etat décide des programmes d'enseignement, rémunère les maîtres, impose ses directives réglementaires et son contrôle administratif dans le "privé" sous contrat d'association comme dans le public. Et les collectivités prennent en charge les dépenses matérielles de fonctionnement des établissements relevant de l'un comme de l'autre. Et l'Etat seul confère les grades universitaires. Il n'existe aucune alternative à l'Etat enseignant dont on connaît le marasme. Or, il y a urgence à mettre fin à cet absolutisme scolaire si l'on veut mettre fin à une crise scolaire commencée il y a quarante-cinq ans (et dont les prodromes sont beaucoup plus anciens) et restaurer un système d'enseignement apte à répondre aux exigences du monde actuel et en accord avec les exigences de la coopération européenne. […]
Si absolu fût-il, Louis XIV lui-même n'intervenait aucunement (et ne songeait pas à le faire) dans la vie, l'enseignement des universités et collèges et la collation des grades. Et de nos jours, il en est de même à l'étranger. Un doctorat de l'université privée de Columbia (New-York) n'est pas accordé par un jury d'Etat et validé par un ministère ou une administration publique, mais uniquement par un jury de cette université ; et il a la même valeur nationale, voire internationale, qu'un doctorat conféré par l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), publique quant à elle. Il n'existe pas de diplômes "privés" d'établissements privés ni de diplômes "publics" d'établissements publics, ni de do-iplômes exclusivement publics, préparables dans des établissements privés, mais décernés uniquement par des jurys d'Etat. Il existe des diplômes universitaires décernés aussi bien par des établissements privés que par des établissements publics, et sans que l'estampille de l'Etat soit nécessaire. L'Etat n'a pas à être propriétaire des diplômes. Les trop fameuses notions de "caractère national" et de "valeur nationale" des diplômes n'ont aucun sens. Nul ne s'en préoccupe à l'étranger ni ne s'en souciait en France avant Napoléon."