C’est le titre d’un ouvrage écrit par Pierre Nora et Françoise Chandernagor, qui paraît demain. Les auteurs lancent une mise en garde à l’égard des lois mémorielles :
"Avec l’extension de la loi Gayssot et la généralisation de la notion de crime contre l’humanité, on est dans une double dérive : la rétroactivité sans limites et la victimisation généralisée du passé. […] Il n’y a aucune raison pour que les descendants des victimes de toute l’histoire de la France ne réclament et n’obtiennent pas ce que les fils et filles des descendants d’esclaves ont obtenu. Le «génocide» vendéen attend sa reconnaissance officielle, les Russes blancs ne manquent pas d’arguments contre les massacres communistes en Ukraine, pas plus que les Polonais réfugiés contre les massacres de Katyn. […] Tous les pays ont été amenés, par les bouleversements du siècle dernier, à avoir avec leur passé des comptes à régler. Aucun n’est aussi mal à l’aise que le nôtre avec son histoire, ce qui est à la fois un des symptômes les plus évidents et une des causes les plus profondes de l’actuel mal-être français. […].
Faut-il vraiment juger le passé par la loi, lui appliquer des notions morales et juridiques d’aujourd’hui ? […] Devant cette offensive législative tous azimuts, les juges les plus avisés sont embarrassés. Embarrassés d’abord par la médiocrité juridique des textes qu’ils devront appliquer, mais aussi, lorsqu’il leur faudra juger des universitaires reconnus, par leur propre ignorance de l’histoire. […] Un historien peut donc se trouver automatiquement traduit en justice, même si la plainte ne repose sur rien de sérieux. Et si, pour finir, le tribunal, dans son jugement, déboute le plaignant, l’«accusé» aura été dans l’intervalle discrédité dans les médias – «complicité de crime contre l’humanité», ce n’est pas rien ! – et barré dans sa carrière universitaire. […]
[O]n ne laisse pas la médecine aux médecins en ce sens que les pouvoirs publics définissent, et c’est heureux, les conditions d’exercice de la médecine. Mais nous n’avons encore jamais vu le Parlement substituer son diagnostic et ses prescriptions à ceux des médecins […] Or, sur le passé, que font actuellement les parlementaires ? Ils substituent leur diagnostic à celui des historiens. Ce faisant, ils placent les chercheurs sous la tutelle des juges. Car qui peut dire avec certitude – surtout quand il s’agit d’époques ou de pays de plus en plus éloignés – où commencent et où finissent la contestation, la banalisation qu’interdisent nos nouvelles lois ?
MJ
Amédée
La Cour suprême russe n’aurait pas réhabiliter Nicolas II s’il n’y avait eu de lois autorisant la réhabilitation.
Or qu’est-ce que une loi permettant la réhabilitation si ce n’est une loi mémorielle? Une loi qui permet de faire mémoire d’une injustice passée.
Anonyme
@Amédée
Pierre Nora dit aussi dans un passage non rapporté ici, que les loi de Nuremberg avaient un sens parce que prises 5 à 6 ans après l’événement, donc encore au présent de dudit événement.
Considérant la longueur de l’épisode communiste en Russie, la réhabilitation de Nicolas II 15 ans après la fin du communisme, c’est encore du présent. Ce n’est donc pas une loi mémorielle.